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Le comte de Chambord et l’échec de la restauration monarchique (1873).

Adolphe Thiers devient le chef du pouvoir exécutif au lendemain de l’élection de l’Assemblée constituante de 1871. Il réprimera dans le sang la commune de Paris. Il occupa le poste dans l’attente d’une restauration monarchiste. Il fut ministre sous Louis-Philippe. Face aux événements révolutionnaires de 1848, il avait proposé au souverain de réprimer dans le sang la révolution. Louis-Philippe refusa et perdit le pouvoir. En 1871, Thiers obtient l’autorisation de l’Assemblée de réprimer dans le sang la commune, avec l’aide de l’armée.

Adolphe Thiers, par Nadar, 1870.

L’élection de Thiers et la suspension de la restauration monarchique furent le résultat du pacte de Bordeaux. La première réunion de l’assemblée fraîchement élue se déroula à Bordeaux et décida de ne pas choisir la forme du futur régime à cause de l’occupation étrangère.

Un décret fut signé le 17 février 1871 :

L’Assemblée nationale, dépositaire de l’autorité souveraine,

Considérant qu’il importe, en attendant qu’il soit statué sur les institutions de la France, de pourvoir immédiatement aux nécessités du gouvernement et à la conduite des négociations,

Décrète :

M. Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française.

Etonnant pacte, faussement neutre, puisque le mot “république française” est écrit en toute lettre à la fin du décret. Une mot, une expression dévoile une futur trahison.

Le pacte de Bordeaux fut dénoncé par un Adolphe Thiers qui semble avoir retourné sa veste. Semblant être royaliste au moment de sa nomination, puis soudain, il déclara qu’il aurait préféré devenir “président de la République”. C’est la deuxième trahison des députés monarchistes, d’une longue série, qui va conduire à l’échec de la restauration.

Le Gaulois, 31 août 1871.

Afin de répondre à la demande d’Adolphe Thiers, l’Assemblée vote la loi Rivet, le 31 août 1871 qui instaure le titre de président de la République temporairement durant le mandat de l’Assemblée. Une chose a peine croyable. Une chambre majoritairement royaliste décide de nommer un “président de la République”.

L’Assemblée nationale,

Considérant qu’elle a le droit d’user du pouvoir constituant, attribut essentiel de la souveraineté dont elle est investie, et que les devoirs impérieux que tout d’abord elle a dû s’imposer, et qui sont encore loin d’être accomplis, l’ont seuls empêchée jusqu’ici d’user de ce pouvoir ;

Considérant que, jusqu’à l’établissement des institutions définitives du pays, il importe aux besoins du travail, aux intérêts du commerce, au développement de l’industrie, que nos institutions provisoires prennent, aux yeux de tous, sinon cette stabilité qui est l’oeuvre du temps, du moins celle que peuvent assurer l’accord des volontés et l’apaisement des partis ;

Considérant qu’un nouveau titre, une appellation plus précise, sans rien changer au fond des choses, peut avoir cet effet de mettre mieux en évidence l’intention de l’Assemblée de continuer franchement l’essai loyal commencé à Bordeaux ;

Que la prorogation des fonctions conférées au chef du pouvoir exécutif, limitée désormais à la durée des travaux de l’Assemblée, dégage ces fonctions de ce qu’elles semblent avoir d’instable et de précaire, sans que les droits souverains de l’Assemblée en souffrent la moindre atteinte, puisque dans tous les cas la décision suprême appartient à l’Assemblée, et qu’un ensemble de garanties nouvelles vient assurer le maintien de ces principes parlementaires, tout à la fois la sauvegarde et l’honneur du pays ;

Prenant, d’ailleurs, en considération les services éminents rendus au pays par M. Thiers depuis six mois et les garanties que présente la durée du pouvoir qu’il tient de l’Assemblée ;

Décrète :

Article premier.

Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de président de la République française, et continuera d’exercer, sous l’autorité de l’Assemblée nationale, tant qu’elle n’aura pas terminé ses travaux, les fonctions qui lui ont été déléguées par décret du 17 février 1871.

Article 2.

Le président de la République promulgue les lois dès qu’elles lui sont transmises par le président de l’Assemblée nationale. Il assure et surveille l’exécution des lois.

Il réside au lieu où siège l’Assemblée.

Il est entendu par l’Assemblée nationale toutes les fois qu’il le croit nécessaire, et après avoir informé de son intention le président de l’Assemblée.

Il nomme et révoque les ministres. Le conseil des ministres et les ministres sont responsables devant l’Assemblée. Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre.

Article 3.

Le président de la République est responsable devant l’Assemblée.

Adolphe Thiers, dans un discours prononcé devant l’Assemblée nationale annonce son ralliement à la République :

La République existe, c’est le gouvernement légal du pays. Vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes.

Le journal le Gaulois s’indigne de la trahison de Thiers qui renonce a ses idées royalistes pour rejoindre la République.

Le Gaulois, 15 novembre 1872.

Adolphe Thiers sera poussé à la démission le 24 mai 1873 en raison de sa trahison. Il sera remplacé par Patrice Mac-Mahon, un général royaliste soutenant le candidat légitimiste.

Le Gaulois, 26 mai 1873.

Le lendemain de son élection, le maréchal Mac-Mahon prononça un discours devant l’assemblée qui annonçait son programme.

Dès les premiers mots de son message, il se déclara fière d’avoir été élu président de la République. Pas une seule fois, il ne proposa pas la restauration monarchique. Il ne fallait pas être un grand devin pour deviner l’échec du retour d’un roi sur le trône de France.

A mes yeux, le XXe siècle a produit deux génies littéraires : Maurice Barrès et Georges Bernanos. “La grande peur des bien-pensants” est un monument littéraire qui relate le début de la Troisième République. Il porte un regard impitoyable sur les gens qui ont fait échouer la Restauration. On sent chez l’auteur une certaine rancœur face au pitoyable spectacle de ses amis politiques. Il faut le lire, et le relire, pour en tirer des leçons. Nous vivons des événements similaires avec les mêmes acteurs à l’affût. Le livre permet de voir que les mêmes gens sont à la manœuvre dans la dissidence, les mêmes traîtres de la pensée qui trompes le petit peuple. En 1871 comme en 2020, rien n’a changé.

Un jour, à la question d’un internaute sur la grande peur des bien-pensants, lors d’une émission sur Georges Bernanos à l’antenne de radio Athéna, le célèbre avocat “dissident” Adrien Abauzit fut très gêné et un tantinet agacé. Il répondit, l’air un peu paniqué, qu’il ne se souvenait pas du livre, avant de se reprendre et de dire que selon lui, ce n’était pas le meilleur recueil sur Edouard Drumont. On sentait qu’il ne voulait pas en parler. Il dévia du sujet principal (les trahisons de l’extrême droite) vers un sujet annexe (l’antisémitisme d’Edouard Drumont). Il finit par balayer la question, avec un insupportable ton affirmatif et péremptoire. Un comportement habituel chez lui, comme chez son ami frère Rougeyron. Le monsieur est soi-disant catholique… Converti depuis trois ans, alors qu’il vient d’une famille protestante de la haute bourgeoisie du sud-ouest (deux parents magistrats). Je ne supporte pas ses leçons de morale religieuse au monde entier. D’autant plus insupportable lorsque les personnes qui l’écoute son catholique depuis leur naissance, ayant baigné dans une famille catholique depuis mille cinq cent ans. Bernanos avait justement dans l’idée de dénoncer ce genre de personnage qu’il appelait les “bien-pensants”. Voilà sans doute pourquoi maître Abauzit n’aime pas la grande peur des biens pensants.

Revenons à la crise politique qui marqua la chute de Thiers et le début du mandat de Mac-Mahon. Voici ce qu’il en dit :

Le maréchal Mac-Mahon prit sa place, comme il eut pris de nos jours celle de président de la Fédération nationale catholique. Promu, en quelques mois de publicité tapageuse, héros chrétien par la grâce des révérends pères jésuites et des journaux de leur obédience, en remplacement du général Trochu décidément hors d’usage, il donna dix années, le spectacle extraordinaire d’un homme scrupuleux attaché au rétablissement de l’ordre moral dans le pays et qui, pour avoir en cette édifiante conjoncture l’appui de tous les honnêtes gens, finit par mentir à tout le monde. Conscient de sa propre faiblesse et des vanités implacables qui s’affrontaient sur son dos, attaché à l’Empire par son titre de duc et d’anciennes camaraderies, ami des princes d’Orléans, légitimiste par goût de terroir, gentilhommerie, solidarité de classe, perdu entre tant d’espérances contradictoires, il se sentit peu à peu gagné à l’idée d’un compromis, car ce compromis, c’était lui, “Vous voulez la monarchie, disait Grévy à l’Assemblée nationale, et vous ne pouvez pas la faire. Vous pouvez faire la République, et vous ne le voulez pas. Nous n’allons pas vous permettre de rester indéfiniment ici pour attendre les occasions !“(George Bernanos, La grande peur des bien-pensants, p. 91-92).

Évoquant la tentative de restauration monarchique, il dit d’elle, qu’elle est un “simple spectacle, à l’une des des plus dégoûtantes comédies politiques qu’on ait jamais vues ; la farce d’une restauration monarchique tentée par les ennemis sournois de la monarchie.

La majorité parlementaire de l’époque était divisée en trois groupes : légitimistes, orléanistes et bonapartistes. Il y avait donc trois candidats au trône. Pour restaurer la monarchie, il fallait former une alliance sur un seul roi. L’alliance va se former autour du comte de Chambord lors du manifeste du 5 juillet 1871. L’accord fut trouvé dans le cadre des élections législatives partielles du 2 juillet 1871. La loi électorale de l’époque autorisait les candidatures multiples, un certain nombre de candidats furent élus dans plusieurs circonscriptions. Ne pouvant être député qu’une seule fois, il fallut en élire de nouveau député dans les circonscriptions laissées vacantes.

Il est probable que les législateurs de l’Assemblée nationale n’eussent demandé qu’à vivre au chaud dans leur médiocrité confortable, mais la démangeaison de leur amour-propre ne leur permit pas de rester tranquilles. En se grattant, ils se découvrirent à leur insu, montrèrent le grain de leur peau. En somme, aucun d’entre eux n’avait jamais voulu sérieusement ce qu’il prétendait vouloir, mais chacun n’était pas éloigné de croire à la sincérité du voisin, par un phénomène assez banal, qui assure parfois le triomphe provisoire des honnêtes gens. Ainsi, lorsque après l’entrevue de Frohsdorf, qui marque l’adhésion solennelle du comte de Paris et de sa maison au principe de la légitimité, la restauration du comte de Chambord parut certaine – tout Paris put aller voir, chez Binder, les carrosses du prochain sacre – l’inventeur de la République conservatrice, le bonhomme Thiers, retrouva les grimaces de sa jeunesse pour flétrir “une entreprise” qui menaçait “les droits de la France et les principes de 89”. Les orléanistes rappelèrent sournoisement la phase célèbre du testament de Ferdinand d’Orléans, propre père du comte de Paris ; “Je désire que mon fils soit avant tout le serviteur passionné et exclusif de la France et de la Révolution”, tandis qu’ils faisaient soutenir à chaque nouvelle menace de crise, réelle ou prétendue, la candidature du duc d’Aumale et que les bonapartistes, partagés entre Jérôme et Rouher, reprenaient le projet d’une gigantesque alliance des doites, qui eût sans doute éternisé le statut quo.” (George Bernanos, La grande peur des bien-pensants, p. 96).

Le comte de Chambord,

Puis vint le fameux amendement Wallon du 30 janvier 1875 qui instaura le septennat du président de la République. Il fallait perpétuer l’institution d’une présidence de la République pour attendre le moment favorable à l’installation d’un roi sur le trône, nous dit-on. Voilà pourquoi le mandat fut de sept ans. Il fut adopté à une seule voix de différence (comme la mort de Louis XVI).

Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible.

George Bernanos ne fut pas tendre avec les monarchistes. On le comprend.

A la différence des hommes de gauche, toujours rustres, qui jettent aussitôt la main au plat, se partagent les morceaux, le conservateur pille discrètement le buffet, s’en va d’un pas solennel, sous les regards déférents des serveurs, croquer son butin dans une embrassure, et il se garderait bien d’essuyer sa moustache aux rideaux. En 1875, cette espèce crut un moment que la monarchie serait un buffet très convenable, avec sa vieille argenterie aux armes de France et le maître d’hôtel en habit noir, barré du grand cordon du Saint-Esprit, sous les traits d’Henri V, comte de Chambord.” (George Bernanos, La grande peur des bien-pensants, p. 98-99).

Il aurait fallut prendre le pouvoir tout de suite par une sorte de coup d’Etat contre les républicains.

Si les monarchistes avaient voulu la monarchie, ils l’eussent faite, au besoin par un coup d’Etat . Une violence de pure forme n’eût pas dû coûter beaucoup à la conscience des vainqueurs de la commune, mais les mêmes généraux à tête de femelle hypocondre qui, sur un mot d’encouragement du bonhomme Thiers, avaient trempé hardiment leurs culottes jusqu’à la braguette dans le sang français, pâlirent à la pensée d’imposer au pays, du moins jusqu’à la mort sans doute prochaine d’un vieillard fidèle à sa maison, le drapeau qui avait été celui de Henri IV.” (George Bernanos, La grande peur des bien-pensants, p. 99).

Hésitation des monarchistes qui seront fatales à la restauration. Les républicains n’attendront pas sept ans pour instaurer un régime à leur mesure. C’est la crise du 16 mai 1877 qui fera échouer définitivement l’idée du retour d’un roi.

Les élections législatives de 1876 donnèrent pour la première fois une majorité aux républicains dirigés par Léon Gambetta. Autant de trahison et de renoncement à droite avait lassé les électeurs qui allèrent en masse vers les républicains.

Consultez la légende de l'image, dont le texte suit.
Composition de la Chambre des députés au lendemain des législatives de 1876 : la majorité est devenue républicaine (393 sièges sur 533), Extrême gauche : 19 sièges, Union républicaine : 86 sièges, Gauche républicaine : 124 sièges, Centre gauche : 133 sièges, Centre droit : 24 sièges, Bonapatistes modéré : 24 sièges,  Appel au peuple : 77 sièges, Légitimistes : 28 sièges.

Le président monarchiste Mac-Mahon fut obligé de nommer un républicain au poste de Premier ministre. Le 16 mai 1877, Mac-Mahon adressa une lettre au Président du Conseil des ministres dans laquelle il lui demande des explications sur certains choix politiques de son gouvernement devant l’Assemblée.

Le Gaulois, 18 mai 1877.

Le jour même, le président du conseil Jules Simon présentait sa démission.

Le Gaulois, 18 mai 1877.
Le Gaulois, 18 mai 1877.

Mac-Mahon va nommer à la tête du gouvernement le monarchiste Albert de Broglie (se prononce de Breuil).

Le Gaulois, 18 mai 1877.

Le 18 mai 1877, le président de la République adressa un message aux deux chambres :

Le Gaulois, 20 mai 1877.

Le 16 juin 1877, Mac-Mahon va dissoudre l’Assemblée nationale afin d’obtenir une majorité de député royaliste.

Le Gaulois, 18 juin 1877.

La campagne électorale de 1877 fut l’une des plus violentes de l’histoire politique française. Elle voit s’affronter le maréchal Mac-Mahon et Léon Gambetta.

Le 1er juillet 1877, Mac-Mahon lança un appel aux militaires pour le soutenir dans son combat (étrangement, 2021 fut marquée par une tribune de militaire à la retraite qui résonne étrangement avec cette époque). Un appel pris comme une tentative de coup d’Etat qui fait craindre le pire. Rappelons qu’à l’époque une immense majorité des officiers étaient catholiques et royalistes. Mais il ne se passa rien.

Le 15 août 1877, Léon Gambetta va répondre au maréchal dans un discours resté célèbre. Un discours prononcé à Lille :

Le Gauloisn 19 août 1877.

Une phrase va frapper toutes les imaginations. Elle restera comme une des plus célèbres citations politique de tous les temps.

Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers, bourgeois, électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la question est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait connaître leur volonté ; ne croyez pas que lorsque tant de millions de Français auront parlé, il y ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou administrative qu’il soit placé, qui puisse résister.

Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre.

Il faudra se soumettre ou se démettre“.

Une citation qui sera reprise de toute part dans des articles, des caricatures dans la presse de l’époque. C’est sans doute, ce discours qui aura fait triompher la république pour un siècle et demi. Elle aura mis KO les monarchistes pour longtemps.

Tel un diable à ressortGambetta jaillit d’une boîte à surprise devant Mac Mahon. Caricature de Jean Robert, carte postale d’époque.

Le premier tour à lieu le 14 octobre 1877. Dans la quasi-totalité des circonscriptions, nous avions seulement deux candidats : un républicain contre un monarchiste. Bloc contre bloc. Le premier tour fut soutenu par une participation massive des électeurs. Du jamais-vu dans l’histoire politique. Seules quinze circonscription n’éliront pas de député au premier tour. Un deuxième tour qui fut organisé le 28 octobre 1877 afin d’élire les quinze dernier députés.

Consultez la légende de l'image dont le texte suit.

313 républicains contre 208 monarchistes (104 bonapartistes, 44 légitimistes et 11 orléanistes).

Le maréchal Mac-Mahon se démettra, le 14 décembre 1877, en présentant sa démission.

Je vous invite à lire et à relire les lignes de George Bernanos dans la grande peur des bien-pensants. Ses mots sont impitoyables, et tellement vrais, sur la grande bourgeoisie française. Elle explique en grande partie l’échec de la restauration, comme elle explique aujourd’hui l’immense crise que nous traversons depuis les années soixante-dix. En voici quelques extraits soumis à votre réflexion.

Mais ces enfants prodigues de la bourgeoisie se sont d’eux-mêmes déclassés, en embrassant – pour la plupart du moins – des partis et des doctrines extrêmes, en honneur à l’esprit bourgeois. Ce qui reste d’une classe ainsi affaiblie ne peut être évidemment que médiocre, et notre malheur commun, la mauvaise fortune de la France, veut que ce reste ait incarné cinquante ans, aux yeux du peuple ouvrier, la propriété, l’ordre social, la religion – que ces faibles aient longtemps passé pour servir une pensée forte, s’intitulant avec modestie les “gens bien-pensants”. Plus justement encore, disaient-ils, les “modérés”. (…) La bourgeoisie avait adroitement fait de la vertu de modération le premier article du code de l’honneur bourgeois – prétexte admirable à justifier par avance de profitables abandons d’amour-propre. Il est hors de doute, il est notoire qu’au cours de sa lutte contre les partis de gauche, cette “classe aisée”, qui aujourd’hui a fini d’absorber un certain nombre d’éléments très divers et la presque totalité de l’ancienne aristocratie, n’a pas été trop avare de ces sortes d’abandons. Avare seulement de son argent et de ses hommes. Qu’on pense ou non du bien de la modération, indispensable à la vie de société , il est difficile de s’empêcher de sourire au spectacle de modérés par système qui, de leurs mains diligentes, déplacent et reculent sans cesse le fameux jalon qui doit marquer la limite des concessions possibles – avant-hier conservateurs, hier opportunistes, libéraux, progressistes, républicains de gauche… Mais la surprise cesse lorsqu’on réfléchit que ces sages, dont le réflexe politique naturel n’est pas même celui de l’homme d’affaires, mais du simple commerçant, ne souhaitent, au fond, que garantir leurs intérêts, à l’égard du gouvernement, quel qu’il soit, par une espèce d’assurance, payée son prix.” (George Bernanos, La grande peur des bien-pensants, p. 42).

En lisant ses lignes, je pense à un autre soi-disant catholique converti depuis deux ans et grand donneur de leçon. Cyrile Leysin, auteur d’un livre sur le nouvel ordre mondial, m’expliquait lors d’une conversation sur Facebook que l’astrologie était du satanisme, mais fut incapable de me répondre lorsque je lui montrais les zodiaques astrologiques de la cathédrale de Chartres ou de la basilique de Vézelay. Contrairement à lui, je réfléchis sur l’Eglise et son enseignement depuis mon enfance. Cela fait toute la différence. Je parle de lui, car il est l’exemple typique du “modéré” et du “bien-pensant” que dénonçait Bernanos. Il me traita quasiment de fou furieux et de violent lorsque je lui parlais de la guerre que l’on devait mener contre nos ennemis. Pour lui, seule la prière devait permettre de vaincre le mal qui contamine la France. Il ne connaissait même pas la théorie de la guerre juste de Saint-Bernard de Clairvaux. Cela est logique, car il a plus a gagné au maintien du système actuel qu’a son renversement.

Quel que soit, un jour, le jugement de l’histoire sur ce bref et flamboyant épisode de nos guerres civiles, il est impossible de nier qu’il ait fourni des indications très précieuses sur un phénomène mal connu, ce nouveau classement, regroupement des forces sociales, qui a rendu possible, presque sans nouvelle crise apparente, le triomphe des puissances d’argent. L’immense classe moyenne, l’armée des gens paisibles, des hommes d’ordre , les ruraux dont parlait le Juif Gambetta avec un mépris sournois, la foule épargnante et moutonnière qui avait soutenu de ses votes la monarchie de Juillet, puis l’Empire, s’est jetée tout à coup entre les bras d’une poignée de politiciens qu’elle regardait la veille comme des destructeurs, et dans un véritable accès de panique qui fait penser à la légende du mouton enragé, a pris, vis-à-vis du monde ouvrier, la responsabilité d’une répression féroce, qui ne lui fut jamais pardonnée. Dès lors elle vivra, du moins jusque la dernière guerre, dans la hantise des premier mai, d’une nouvelle insurrection des faubourgs , et dans le culte de la gendarmerie qui la protège – tandis que la finance internationale monnayera derrière son dos une révolution sans barricades autrement terrible, parce qu’elle tend à dénationaliser le prolétariat, c’est-à-dire à trancher le dernier lien entre les fils d’une même race.

Ce sera l’éternel crime des conservateurs – je l’ai déjà dit, mais il ne faut pas craindre d’insister sur ce point – de s’être associés à cette répression infâme. Représentants du sol, de la tradition, de la vieille France, tous ces ruraux semblaient amenés à Versailles par la main de la Providence pour y faire justice de tous les rhéteurs et de tous les avocats qui venaient de conduire le pays au bord de l’abîme.” (George Bernanos, La grande peur des bien-pensants, p. 81-82).

Pour terminer, je voulait évoquer Nostradamus qui parle dans son épître de l’échec de la restauration monarchique de 1871-1877.

Ne sera translatée à l’antique monarchie, sera faite la troisième innondation de sang humain” (Nostradamus, épitre Henri, 38).

La chute de Napoléon III ne permettra pas le retour de la monarchie.

ne sera translatée à l’antique monarchie“.

Par cette simple phrase, le prophète indique à ses traducteurs, que le retour du Grand Monarque n’aura pas lieu en 1870. Il précise que cette restauration ne se fera que lors d’une “troisième inondation de sang humain“, c’est-à-dire lors de la Troisième Guerre mondiale.

Une analyse que vient compléter un quatrain :

III-73 :
Quand dans le regne parviendra le boiteux
Competiteur aura proche bastard :
Luy & le regne viendront si fort rogneux,
Qu’ains qu’il guerisse son fait sera bien tard.


Le comte de Chambord, petit neveu de Louis XVIII, devenu boiteux (« le boiteux ») par suite d’un accident de cheval, en 1841, sera proche de devenir roi de France (« Quand dans le regne parviendra »).
Il aura pour concurrent (« Competiteur ») un membre de la famille d’Orléans (« aura proche bastard »). Nous avons déjà vu que Nostradamus surnomme la famille d’Orléans, les bastards. Si ses chances de restauration seront très grandes au début de la République (« Luy & le regne viendront si fort »), elles iront en s’amoindrissant avec le temps (« rogneux »). Il échouera, en 1873, après trois longues années de tergiversation (« Qu’ains qu’il guerisse son fait sera bien tard »). 1873 se retrouve dans le numéro du quatrain (73).

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