III-20 : expulsion des musulmans d’Espagne (1609).

III-20
Expulsion des Morisques au port de Dénia.

Les musulmans ont obtenu par le traité de Grenade de 1491 (« Loing d’Ibere, au regne de Granade ») signé avec Ferdinand V, roi d’Espagne, le droit de rester sur les terres qui arrose le Guadalquivir (« Par les contrées du grand fleuve Bethique ») pour fonder le royaume de Grenade (« de Granade »).

En 1568, éclate une révolte musulmane (« par gens Mahumetiques ») afin de rejeter les chrétiens de la région (« Croix repoussées »). Le 9 avril 1609, un décret ordonne l’expulsion des musulmans d’Espagne. Les derniers à quitter la péninsule ibérique le feront en 1614 (« Un de Cordube trahira la contrade »).

Article Wikipédia La révolte des Alpujarras.

La révolte des Alpujarras est un soulèvement de la population morisque du royaume de Grenade (« Loing d’Ibere, au regne de Granade« ), en Espagne, survenu au cours du règne de Philippe II, entre 1568 et 1571.

L’abondante population morisque granadine entendait ainsi protester contre la pragmatique sanction de 1567 qui portait atteinte à sa liberté religieuse. Après avoir pris le dessus sur les insurgés, la monarchie décida de disperser plus de 80 000 d’entre eux dans divers points de la péninsule Ibérique afin d’éviter à l’avenir que leur concentration facilitât de nouvelles rébellions. En raison de la gravité et de l’intensité des combats les événements sont également parfois désignés sous le nom de guerre des Alpujarras.

Les musulmans étaient tolérés depuis le traité de Grenade (1491), toutefois la pression destinée à une conversion allait s’amplifier à partir de 1499.

Pedro de Deza, président de la Chancellerie royale de Grenade, émit en janvier 1567 un édit promulguant la pragmatique et commença sa mise en application. Au cours des mois suivants, les Morisques tentèrent de négocier, à travers leurs représentants Jorge de Baeza et Francisco Núñez Muley, qui affirmaient que les traditions mentionnées par l’édit n’étaient pas incompatibles avec la doctrine chrétienne et que le commerce, principale activité économique de la population morisque après l’agriculture, pouvait se voir affecté et par conséquent les recettes fiscales de la royauté diminuées. Mais ces arguments, qui en d’autres occasions durant le règne de Charles Quint avaient convaincu, restèrent cette fois sans effet.

Après un an de négociations infructueuses, les Morisques décidèrent de lever les armes en 1568. Ils ne reçurent guère de soutien de la ville de Grenade mais la rébellion s’étendit rapidement dans les Alpujarras (« Par les contrées du grand fleuve Bethique« ). Fernando de Córdoba y Válor, qui se faisait nommer en arabe Ibn Umeya ( Aben Humeya, en espagnol) et qui s’était fait proclamer roi près de la localité de Narila, en se déclarant descendant de la dynastie du Califat de Cordoue, se trouvait à la tête du soulèvement.

Les débuts des événements se déroulèrent alors que Philippe II se trouvait, avec la plus grande partie de ses troupes, en guerre aux Pays-Bas. En 1570, devant la tournure que prenait la révolte, le roi remplaça le marquis de Mondéjar au poste de capitaine général de Grenade par son demi-frère Juan d’Autriche, qui prit le commandement d’une armée régulière constituée de troupes venues d’Italie et du levant, qui remplaça la milice locale et réussit à étouffer la révolte en 1571. Parmi ces soldats se trouvait El Inca Garcilaso de la Vega. Les derniers rebelles, après avoir perdu le fort de Juviles, furent assaillis dans des grottes situées à proximité.

Les Morisques de Grenade qui survécurent, furent dispersés vers d’autres points de la Couronne de Castille, principalement en Castille et en Andalousie occidentale.

Article Wikipédia L’expulsion des Morisques d’Espagne.

Plus d’un siècle après leur conversion forcée au christianisme et bien que devenus, à force de métissage, physiquement indiscernables des « vieux chrétiens », une grande partie des Morisques se maintient comme un groupe social cloisonné du reste de la société espagnole, en dépit de la perte de l’usage de l’Arabe andalou au bénéfice du castillan et de leur connaissance très pauvre des rites de l’islam, religion qu’ils continuent toutefois de pratiquer en secret (« Croix repoussées par gens Mahumetiques« ).

Après la rébellion des Alpujarras (1568-1571), menée par les Morisques grenadins, ceux qui ont subi le moins d’acculturation, l’opinion selon laquelle cette minorité religieuse constitue un véritable problème de sécurité nationale gagne du terrain : ils sont couramment soupçonnés de complicité avec les Turcs, les pirates barbaresques qui pillent périodiquement le littoral espagnol, ou même les Français (« Croix repoussées par gens Mahumetiques« ).

1604 marque le début d’une récession économique dans la péninsule Ibérique, conséquence d’une première baisse dans l’arrivée des ressources du Nouveau Monde. La dégradation des conditions de vie des chrétiens les conduit à considérer avec défiance celles des Morisques. On note vers la même époque une radicalisation dans le mode de pensée de nombreux gouvernants, après l’échec de la lutte contre le protestantisme aux Pays-Bas. Il faut ajouter la volonté d’en finir avec les postures critiques, courantes en Europe depuis un certain temps, à propos du caractère discutable de la christianité de l’Espagne, en raison même de la persistance de certaines minorités religieuses ; cette décision mène à terme le processus d’homogénéisation qui avait commencé avec le décret d’expulsion des Juifs de 1492 et entérine la christianité des royaumes d’Espagne. Cette idée n’est cependant pas nécessairement majoritaire en Espagne, où nombreux sont ceux qui considèrent avec méfiance la perte de moyens humains que suppose une telle expulsion.

L’opinion publique est donc particulièrement divisée, entre ceux qui pensent que l’on doit encore laisser du temps pour mener à bien l’évangélisation des Morisques, ceux qui pensent que l’on doit continuer à se montrer tolérants avec eux et ceux qui défendent leur expulsion. Bon nombre d’ecclésiastiques défendent la possibilité de laisser du temps, une option soutenue en partie par Rome, car ils considèrent qu’une conversion totale exige un contact prolongé avec les croyances et la société chrétienne. La noblesse aragonaise et valencienne est quant à elle partisane de laisser la situation en l’état : ils sont en effet ceux qui profitent le plus de cet état de fait, particulièrement en termes de main d’œuvre pour leurs terres. La classe paysanne, cependant, les voient d’un mauvais œil et les considèrent comme des rivaux.

Parmi les défenseurs de l’expulsion se trouve Jaime Bleda, un religieux dominicain de Valence, qui voit dans cette mesure le châtiment mérité par les Morisques pour leur apostasie et leurs blasphèmes contre la foi chrétienne ; Bleda, qui défend ce projet à Rome comme à Madrid auprès de Philippe III, s’appuie sur son expérience directe des communautés morisques de la région de Valence, observations qu’il extrapole à l’ensemble des Morisques d’Espagne. Il réunit ses accusations et sa justification de l’expulsion dans un ouvrage, le Defensio fidei (Défense de la foi dans l’affaire des nouveaux-chrétiens du royaume de Valence et de toute l’Espagne) qui n’est publié qu’en 1610, après le début de l’expulsion. Si au début l’idée n’est pas retenue par les gouvernants, la suggestion est plus tard réitérée par l’archevêque de Valence, Juan de Ribera, qui considère les Morisques comme des hérétiques, des apostats et des traîtres. Jusqu’en 1608, la politique menée envers les Morisques avait été celle de la conversion, bien qu’il existe des antécédents d’allusions à des mesures plus radicales de la part de Charles Quint et de Philippe II, respectivement en 1526 et 1582. Ce n’est cependant qu’à partir de 1608 que le Conseil d’État commence à envisager sérieusement le choix de l’expulsion, pour la recommander au souverain l’année suivante.

Le est rédigé le décret ordonnant l’expulsion des Morisques (« Un de Cordube trahira la contrade« ), en dépit des problèmes que son application peut poser pour des motifs démographiques. Il est décidé de commencer par Valence, la zone la plus concernée par la mesure ; les préparatifs sont menés dans le plus grand secret. À partir du mois de septembre, des tercios venus d’Italie prennent position dans le nord et le sud du royaume de Valence et, le 22 du même mois, le vice-roi ordonne la publication du décret. L’aristocratie valencienne se réunit avec des représentants du gouvernement pour protester contre l’expulsion qui suppose une diminution significative de ses revenus, mais l’opposition faiblit avec la promesse de récupérer une part des propriétés terriennes des Morisques. On permet à ces derniers de prendre tout ce qu’ils peuvent emporter mais leurs maisons et terrains sont octroyés à leurs seigneurs ; ils sont menacés de la peine de mort en cas d’incendie ou de destruction avant le transfert des biens. À partir du 30 septembre, ils sont menés vers les différents ports du royaume où ils doivent payer eux-mêmes le trajet.

Ce mauvais accueil dans certaines régions du Maghreb cause de grandes craintes parmi la population morisque n’ayant pas encore été déportée. Le 20 octobre se produit donc un soulèvement contre l’expulsion en Espagne ; les rebelles sont vaincus en novembre et l’expulsion des Morisques valenciens est menée à son terme. Au début de 1610 a lieu l’expulsion des Morisques aragonais, suivie de celle des Morisques catalans en septembre. La mise en œuvre du décret dans les territoires de la Couronne de Castille est une tâche plus ardue, étant donné qu’ils sont davantage éparpillés dans le royaume à la suite de leur dispersion menée en répression de la rébellion des Alpujarras. Pour cette raison, on offre aux populations morisques une première possibilité de quitter volontairement le pays, avec le droit d’emporter leurs biens les plus précieux et tout ce qu’ils sont susceptibles de pouvoir vendre. Ainsi, en Castille, l’expulsion s’étale sur près de trois années, de 1611 à 1614.

Les derniers Morisques à partir vers le Maroc en 1614 rejoignent les Hornacheros, morisques de Hornachos en Estrémadure, installés à Rabat depuis la deuxième moitié du XVIe siècle, sous le règne du sultan saadien Abu Marwan Abd al-Malik. Ceux-ci créent une république corsaire qui commerce avec différents États européens (France, Pays-Bas, Angleterre).

Ces procédures d’expulsion massive ayant été très imparfaites, nombreux sont ceux qui ont réussi de fait à passer au travers du décret et sont restés en Espagne.

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