III-87 : la bataille d’Orbetello (1646)
Durant la guerre de Trente Ans, une flotte française (« Classe Gauloyse »), commandée par le chevalier de La Ferrière, en 1655, sombrera dans le golfe de Lyon, en côtoyant la Corse (« Corseigne ») et la Sardaigne (« sardaigne »).
Ils périront (« Trestous mourres ») avant d’atteindre le cap du Pourceau (« frustrés de laide Grogne ») en coulant au fond de la mer (« Sang nagera : captif ne me croyras »).
Elle marquera une étape importante de la guerre entre la France et l’Espagne en empêchant la conquête de la Toscane par la France.
Article Wikipédia Bataille d’Orbetello.
La bataille d’Orbetello ou d’Orbitello est une double bataille livrée pendant la guerre de Trente Ans. C’est un affrontement terrestre mené de mai à juillet 1646 à Orbetello, ville forte toscane assiégée par les Français, et une bataille navale donnée le 14 juin entre la flotte française chargée de soutenir le siège et une flotte espagnole de secours. C’est au départ un succès français, avec le débarquement réussi du corps expéditionnaire en Toscane. L’opération s’enlise par la suite à cause de la mort de l’amiral français tué dans la bataille navale, avant de tourner à l’échec complet avec la fuite des troupes terrestres. L’opération vaut de sévères critiques à Mazarin, son organisateur, et ne satisfait pas le roi d’Espagne, qui s’attendait à un succès plus éclatant de ses forces. Cette bataille, qui ébranle malgré tout la puissance espagnole en Méditerranée, n’a pas de conséquences immédiates sur un conflit qui va durer entre les deux pays jusqu’en 1659.
La France est en guerre contre les Habsbourg d’Espagne et de Vienne depuis 1635. La flotte française mène une lutte acharnée en Méditerranée contre les forces espagnoles et a déjà remporté de nombreux succès (Bataille de Guetaria, de Vado, de Barcelone, de Carthagène). En 1646, Mazarin, qui a succédé à Richelieu mort en 1642, décide de porter la guerre jusqu’en Italie en y envoyant une forte expédition. Le cardinal a trois objectifs :
– Couper les communications espagnoles en Méditerranée. Celles-ci, déjà très amoindries par la victoire française de Vado, passent par les Présides de Toscane, puis Gênes, pays amis. Les forces espagnoles peuvent ensuite gagner le Milanais, traverser les Alpes et déboucher en Allemagne où la guerre fait rage. Pour Mazarin, cette opération doit permettre de verrouiller la Toscane et d’ébranler aussi l’influence espagnole sur l’Italie, entre autres à Rome[1].
– Réagir contre l’élection d’Innocent X, un pape favorable à l’Espagne. Cette élection est un coup dur pour la France, mais il peut être rapidement contrebalancé si le débarquement est un succès. Il ne s’agit pas d’envahir les États pontificaux, mais forcer Innocent X à réfléchir avant de donner des réponses favorables aux demandes de Madrid.
– Le dernier objectif est le plus ambitieux : chasser l’Espagne de L’Italie. Mazarin, lui-même d’origine italienne, souffre de la domination de l’Espagne sur l’Italie et rêve d’en expulser celle-ci. Après le débarquement sur les Présides, la flotte doit se diriger sur Naples, prendre la ville par surprise et placer sur le trône napolitain le prince Thomas de Savoie, à qui est confié le commandement de l’expédition.
Il s’agit donc d’une très grosse opération. En secret, la flotte s’arme à Toulon. Pour débarquer à Orbetello, Mazarin, qui connait très bien le terrain, prépare avec minutie la campagne et établit le calendrier des opérations. Le commandement de la flotte est confié au jeune amiral de Maillé-Brézé qui s’est illustré lors des précédentes batailles contre l’Espagne. La flotte appareille le 26 avril 1646. Le duc de Maillé-Brézé et le commandeur des Gouttes embarque sur l’Admiral. Le vice-amiral, le Comte du Daugnon et le chef d’escadre de Montigny embarquent à bord du Dunkerque. Maillé-Brézé dispose de 16 vaisseaux, 20 galères, 8 brûlots, 4 flûtes, 68 barques ou tartanes. À son bord, 5 000 fantassins, 500 cavaliers, de l’artillerie et du ravitaillement.
L’armée navale (“Classe Gauloyse“) longe sans encombre les côtes de Provence et le Ligurie (“n’aproches de Corseigne Moins de Sardaigne“). Le 9 mai, elle mouille à San Stéphano. Maillé-Brézé débarque les 400 hommes du comte du Daugnon, qui occupe Talamone, la tour des Salines puis s’empare du fort San Stéphano. Le 13 et 14 mai, on débarque l’artillerie. Or, la région, qui compte de nombreux marais, est très insalubre et il aurait fallu entrer en campagne beaucoup plus tôt : avec les premières chaleurs, la région exhale des miasmes pestilentiels. Il faudrait neutraliser rapidement Orbetello. Mais le prince Thomas se révèle un piètre stratège. Il néglige d’assurer ses arrières, perd du temps, ce qui laisse le temps aux 200 hommes de la garnison d’Orbetello de se retrancher. Le siège s’enlise. Les maladies et les désertions font fondre les effectifs français. La flotte, restée au large en soutien, surveille les environs et n’ose s’approcher de crainte de s’échouer. À Paris, à la lecture des dépêches, Mazarin s’étonne et s’impatiente : « C’est une étrange affaire que de passer un fossé en Italie. »
Ces lenteurs permettent aux Espagnols de réagir en combinant des vaisseaux venus d’Espagne renforcés par les galères de Naples, de Sardaigne et de Sicile. Le 14 juin, à l’aube, la flotte espagnole de l’amiral don Francisco Diaz Pimienta est en vue. Il dispose de 22 vaisseaux, 30 galères, des brûlots, des flûtes et porte avec lui 3 300 soldats pour secourir la place. En voyant l’ennemi, Maillé-Brézé s’empresse de faire remorquer ses vaisseaux par les galères afin de ne pas être surpris au mouillage par l’assaillant. Puis, il met sa flotte en ordre de bataille. Il la divise en trois groupes de six navires : au centre, le corps de bataille qu’il commande à bord du Grand Saint-Louis. À bâbord, la division du comte du Daugnon qui porte sa marque au mât de misaine de la Lune. Enfin à tribord, la division du contre-amiral de Montigny qui monte le Soleil. Six autres vaisseaux de réserve sont laissés au commandement de Montade.
Bientôt les deux flottes arrivent au contact mais le vent manque et il faut faire remorquer les vaisseaux par les galères. Lorsque celui-ci se lève enfin, on entame la canonnade. Le combat tourne à la mêlée générale typique des affrontements navals de cette époque. Les vaisseaux et galions cherchent le duel individuel au canon ou à l’abordage, la tactique de la ligne de file, caractéristique des combats navals d’après 1650, n’ayant pas encore été théorisée. Le Grand Saint-Louis démâte le Santiago navire amiral espagnol. Au terme d’une longue mêlée, les deux flottes sont fortement endommagées. Les Espagnols perdent la frégate Santa Catalina, brûlée par son propre équipage pour éviter la capture. Le galion Testa de Oro subit de gros dommages. Deux vaisseaux français ont des avaries importantes et un brûlot explose. Au crépuscule, les Espagnols se retirent. La victoire revient à l’escadre française, mais à ce moment, un des derniers boulets frappe en pleine tête Maillé-Brézé, qui disparaît prématurément à 27 ans (“Trestous mourres frustrés de laide Grogne“).
Il peut arriver que la mort du chef change totalement le cours des évènements. C’est la cas ici. La victoire navale reste sans lendemain, car Du Daugnon, qui prend la commandement après la mort de Maillé-Brézé, ne poursuit pas les Espagnols en fuite. Dans la nuit, sous prétexte de faire réparer des avaries, il appareille pour gagner Toulon et Marseille, abandonnant littéralement le corps expéditionnaire et la flotte de transport. Les Espagnols reviennent sur Orbetello pour soulager la garnison, mais une tempête disperse leurs navires pendant la nuit et leur coûte une galère, tout comme aux Français en fuite. Il n’en reste pas moins que le corps expéditionnaire, privé de soutien, est condamné. La flotte espagnole, qui s’est reformée, débarque les troupes de renfort et saisit ou détruit les navires de transport, mais sans parvenir à secourir immédiatement la place. Le siège est finalement levé le 18 juillet, après un mois de combats d’arrière garde et l’arrivée d’une autre force espagnole qui a traversé les États pontificaux depuis Naples (“Sang nagera : captif ne me croyras“). La troupe française se disloque : le prince Thomas s’enfuit avec la cavalerie en direction de la Savoie en abandonnant l’infanterie à son triste sort. Cette dernière est évacuée par quelques navires, mais l’artillerie et les bagages sont perdus. Selon l’expression d’un contemporain, « le coup de canon qui avait tué par hasard Brézé avait ruiné l’entreprise. » (“tu t’en repentiras“).