IX-77 : procès de Marie Antoinette (1793).
Le regne prins le Roy conjurera
La dame prinse à mort jurez à sort,
La vie à Royne fils on desniera,
Et la pellix au fort de la consort.
La monarchie ayant été abolie en France (« le regne prins ») par la mort de son Roi (« roi », le pouvoir sera usurpé par des révolutionnaires qui auront préparé depuis longtemps leur conspiration (« conjurera »). La Reine, prisonnière (« la dame prinse ») au Temple (« au fort ») sera également condamnée à mort par des jurés tirés au sort (« à mort jurez à sort ») contrairement à son époux jugé par des députés élus. En effet, si Louis XVI fut jugé par les députés de la Convention nationale, Marie-Antoinette a comparu devant un tribunal ordinaire.
On refusera à Marie-Antoinette de laisser revoir son fils (« la vie à Royne fils on desniera »). On poussera l’enfant à accuser sa mère d’attouchement sexuel (« et la pellix »). Cette mise en cause aurait pu entraîner son acquittement, tant elle choqua le public présent lors de l’audience. Finalement, elle sera condamnée à mort puis exécutée, comme son mari (« de la consort »).
Article Wikipédia Marie-Antoinette.
Marie-Antoinette Josèphe Jeanne, archiduchesse d’Autriche, princesse impériale, princesse royale de Hongrie et de Bohême, (née le à Vienne – morte le à Paris), fut la dernière reine de France et de Navarre (1774–1792), épouse de Louis XVI, roi de France et de Navarre.
Fille de l’empereur François Ier et de Marie-Thérèse d’Autriche, reine de Hongrie et de Bohême, était par son père, arrière-petite-fille de Philippe, duc d’Orléans, frère de Louis XIV, donc une descendante directe des rois de France Henri IV et Louis XIII. Par les Lorraine, les Bourbons et les Orléans, elle avait, paradoxalement, davantage d’ascendances françaises que son époux le roi Louis XVI, ce qui n’empêcha pas de la traiter d’« Autrichienne ».
Interrogé à Paris par une délégation de l’Assemblée constituante, Louis XVI répond évasivement. Ces réponses, rendues publiques, suscitent le scandale, et certains révolutionnaires réclament la déchéance du roi. Marie-Antoinette, elle, correspond secrètement avec Barnave, Duport et Lameth qui veulent convaincre le roi d’accepter son rôle de monarque constitutionnel. Mais elle joue là un double jeu car elle espère seulement « les endormir et […] leur donner confiance […] pour les mieux déjouer après » (lettre de la Reine à Mercy). Elle écrit même à Fersen ces mots : « Quel bonheur si je puis un jour redevenir assez puissante pour prouver à tous ces gueux que je n’étais pas leur dupe ». Le 13 septembre, Louis XVI accepte la Constitution. Le 30, l’Assemblée constituante se dissout et est remplacée par l’Assemblée législative, cependant que des bruits de guerre avec les monarchies alentour, au premier rang desquelles l’Autriche, se font plus pressants. Le peuple est alors remonté contre Marie-Antoinette, toujours appelée « l’Autrichienne ». Les pamphlets et journaux révolutionnaires la traitent de « monstre femelle » ou encore de « Madame Veto », et on l’accuse de vouloir faire baigner la capitale dans le sang. Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche et elle subit dans un premier temps de sérieux revers. Le , le manifeste de Brunswick, largement inspiré par Fersen, achève d’enflammer une partie de la population.
Le 10 août, c’est l’insurrection. Les Tuileries sont prises d’assaut, les gardes suisses massacrés. Le roi et sa famille se réfugient à l’Assemblée, qui vote la suspension provisoire du roi et leur internement au couvent des Feuillants (« Le regne prins« ). Le lendemain, la famille royale est finalement transférée à la prison du Temple. Pendant les massacres de septembre, la princesse de Lamballe, proche amie de la reine et victime symbolique, est sauvagement assassinée, démembrée, mutilée, déchiquetée et sa tête est brandie au bout d’une pique devant les fenêtres de Marie-Antoinette pendant que divers morceaux de son corps sont brandis en trophée dans Paris. Les auteurs du meurtre veulent « monter dans la tour et obliger la reine à embrasser la tête de sa grue ». Ils veulent lui montrer la tête et le corps nu et profané de la princesse sur lequel, ils en sont convaincus, la reine se serait si longtemps livrée à ses penchants saphiques. Peu après, la Convention vote l’instauration de la République et déclare la famille royale otage. Début décembre, a lieu la découverte officielle de l’« armoire de fer » dans laquelle Louis XVI cachait ses papiers secrets et dont l’existence est aujourd’hui sujette à débats (« le Roy conjurera« ). Le procès est désormais inévitable. Le 11 décembre, Louis XVI est séparé de sa famille pour être emmené dans un autre logement de la prison du Temple.
Le 26 décembre, la Convention vote la mort avec une majorité étroite, avec le soutien du duc d’Orléans, cousin du roi, connu alors sous le nom de Philippe Égalité. Louis XVI est exécuté le . Le 27 mars, Robespierre, qui n’est pas encore au gouvernement, évoque le sort de la reine pour la première fois devant la Convention. Le 13 juillet, le dauphin est enlevé à sa mère et confié au savetier Simon. Le 2 août, c’est Marie-Antoinette qui est séparée des princesses (sa fille Madame Royale et sa belle-sœur madame Élisabeth) et est conduite à la Conciergerie. Durant son séjour dans sa prison, Marie-Antoinette, atteinte de saignements, aurait développé un cancer de l’utérus, un cancer cervical, un fibrome ou aurait été affectée d’une ménopause précoce : Robespierre inquiet la fait suivre par son propre médecin Joseph Souberbielle qui rapporte à « L’Incorruptible » des métrorragies récurrentes. Aussi Robespierre fait-il accélérer la procédure judiciaire. Lors du transfert, alors qu’elle s’est violemment cogné la tête, elle répond à ses geôliers, qui s’en inquiètent, son fameux « Rien à présent ne peut plus me faire de mal ». Son interrogatoire commence le lendemain.
Le , Marie-Antoinette comparaît devant le Tribunal révolutionnaire, mené par l’accusateur public Fouquier-Tinville. Si le procès de Louis XVI devant la Convention avait conservé quelques formes de procès équitable, ce n’est pas le cas de celui de la reine. Le dossier est monté très rapidement, il est incomplet, Fouquier-Tinville n’ayant pas réussi à retrouver toutes les pièces de celui de Louis XVI. Pour charger l’accusation, il parle de faire témoigner le dauphin contre sa mère (« La vie à Royne fils on desniera« ) qui est alors accusée d’inceste par Jacques-René Hébert. Il déclare que la reine et Mme Élisabeth ont eu des attouchements sur le jeune Louis XVII (« Et la pellix au fort de la consort« ). Marie-Antoinette ne répond rien et un juré en fait la remarque. Marie-Antoinette se lève et répond « Si je n’ai pas répondu c’est que la nature elle-même refuse de répondre à une telle accusation faite à une mère. J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici ! ». Pour la dernière fois, la foule (et surtout les femmes) applaudit la reine. Une fois la séance terminée, celle-ci demande à son avocat « N’ai je pas mis trop de dignité dans ma réponse ? ». Selon Gaspard Louis Lafont d’Aussonne dans ses mémoires publiés en 1824, des personnes dans la foule dirent le matin du jugement « Marie-Antoinette s’en retirera : elle a répondu comme un ange, on ne fera que la déporter ».
On l’accuse également d’entente avec les puissances étrangères. Comme la reine nie, Herman, président du Tribunal, l’accuse d’être « l’instigatrice principale de la trahison de Louis Capet » : c’est donc bien un procès pour haute trahison. Le préambule de l’acte d’accusation déclare également : « Examen fait de toutes les pièces transmises par l’accusateur public, il en résulte qu’à l’instar des Messaline, Frédégonde et Médicis, que l’on qualifiait autrefois de reines de France et dont les noms à jamais odieux ne s’effaceront pas des fastes de l’histoire, Marie-Antoinette, veuve de Louis Capet, a été, depuis son séjour en France, le fléau et la sangsue des Français. » Il ajoute « la cause des troubles qui agitent depuis quatre ans la nation et ont fait tant de malheureuses victimes. »
Les dépositions des témoins à charge s’avèrent bien peu convaincantes. Marie-Antoinette répond qu’elle n’était « que la femme de Louis XVI, et qu’il fallait bien qu’elle se conform[ât] à ses volontés ». Fouquier-Tinville réclame la mort et fait de l’accusée « l’ennemie déclarée de la nation française ». Les deux avocats de Marie-Antoinette, Tronçon-Ducoudray et Chauveau-Lagarde, jeunes, inexpérimentés et n’ayant pas eu connaissance du dossier, ne peuvent que lire à haute voix les quelques notes qu’ils ont eu le temps de prendre.
Quatre questions sont posées au jury :
« 1. Est-il constant qu’il ait existé des manœuvres et des intelligences avec les puissances étrangères et autres ennemis extérieurs de la République, lesdites manœuvres et des intelligences tendant à leur fournir des secours en argent, à leur donner l’entrée du territoire français et à leur faciliter le progrès de leurs armes ?
2. Marie-Antoinette d’Autriche (…) est-elle convaincue d’avoir coopéré à ces manœuvres et d’avoir entretenu ces intelligences ?
3. Est-il constant qu’il ait existé un complot et une conspiration tendant à allumer la guerre civile à l’intérieur de la République ?
4. Marie-Antoinette est-elle convaincue d’avoir participé à ce complot et à cette conspiration ? »
Aux quatre questions, le jury répond « oui ». Lorsque le jury rend son verdict, il n’existe aucune preuve de l’accusation de haute trahison que l’on impute à la reine. Le dossier est vide de toute pièce.
Techniquement, au vu des pièces du procès, la condamnation n’est pas basée sur des faits avérés. On apprit plus tard que la reine entretenait une correspondance avec le comte Hans Axel de Fersen où il apparaît que l’Autriche et les monarchies d’Europe se préparaient à la guerre contre la France, ainsi lit-on dans une lettre du 19 avril 1792 adressée au comte que la reine écrivait : (…) « Les ministres et les jacobins font déclarer demain au roi la guerre à la maison d’Autriche, sous prétexte que par ses traités de l’année dernière elle a manqué à celui d’alliance de cinquante-six, et qu’elle n’a pas répondu catégoriquement à la dernière dépêche. Les ministres espèrent que cette démarche fera peur et qu’on négociera dans trois semaines. Dieu veuille que cela ne soit point et qu’enfin on se venge de tous les outrages qu’on reçoit dans ce pays-ci ! (…) ». La reine, captive, n’était pour autant personnellement pas en mesure d’organiser ou d’ordonner directement quelque directive militaire que ce soit. Sa correspondance avec le comte de Fersen indique néanmoins qu’elle y incite par divers courriers.
En réalité, il fallait condamner la « veuve Capet ». Robespierre a donc intégré au jury le médecin qui soignait la reine à la Conciergerie, lequel a indiqué aux autres jurés que de toute façon Marie-Antoinette était médicalement condamnée à brève échéance car elle avait de forts épanchements sanguins.
La condamnation à mort, pour haute trahison, est prononcée le vers 4 heures du matin (« La dame prinse à mort jurez à sort« ).