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La “démocratie” et la fête des fous (5).

En juin-juillet 2020, j’évoquais la fête des fous dans une série d’articles sur le corona-virus.

Je fus l’un des premiers, sinon le premier (avant même le confinement) à dénoncer la folie covidiste comme une pathologie collective. Un article daté du 9 mars 2020, alors que le premier confinement eut lieu le 17 mars 2020.

Michel Onfray a publié à partir de 2021, six mois après mes articles, un livre qui porte le titre de “Nef des fous“. C’est la même idée. Sans doute, a-t-il lu mes articles sur Internet. Il évoque la folie du pouvoir politique en matière d’immigration, d’islamisation, de promotion du LGBT et de l’homosexualité. Il en sortira trois très bons livres à la lecture desquels j’ai beaucoup rigolé.

Mais il ne parle pas ni de corona-virus, ni surtout du système politique républicain.

Dans le deuxième volume, Michel Onfray semble parler de mon site internet sans me citer :

Quelques médias du Net qui souscrivent à la cause anti-vaccins et anti-pass sanitaire recourent sans problème aux pires insultes : Macron grimé en Hitler, les manifestants s’assimilant à des résistants ou à des Juifs dont ils arborent éhontément l’étoile jaune ! Les aiguilles de la vaccination assimilées à celle du docteur Mengele bien connu pour ses expériences de fou dans les camps de la mort. Les centres de vaccinations comparés à des camps d’extermination. Ils sont parfois vandalisés ou incendiés. Impunité encore…” (Michel Onfray, la nef des fous 2, année 2021, j’ai lu essai, p. 28).

Il dénonce la folie de notre époque sans tenter d’expliquer par quel processus les fous ont pris le pouvoir en France ou en Occident. S’il avait tenu les mêmes propos que les miens, il ne passera pas à la radio ou à la télévision. Il serait censuré comme je le suis. C’est toute la limite du travail de Michel Onfray.

Dans le quatrième et dernier article sur la fête des fous, j’évoquais le principe de l’élection républicaine comme une immense fête des fous chargé d’élire le roi des fous. Le principe de la fête des fous est l’inversion des rôles et des valeurs.

Dans un système politique “normal”, la légitimité du pouvoir vient de Dieu. Le Roi est le représentant du Christ sur terre dans le domaine politique. Le pape est aussi le représentant de Dieu sur terre dans le domaine religieux.

Une jour dans l’année, en général dans les trois jours après Noël (26, 27 et 28 décembre) ou le 6 janvier, le petit peuple élisait un roi des fous, un pape des fous ou un évèque des fous. Cela permettait de lacher la bride du peuple pour tourner en dérision le pouvoir politique ou religieux. Puis le lendemain, les choses redevenaient normal. Le Roi, l’évêque et le petit peuple reprenaient chacuns leurs place dans une société hiérarchisé.

Il est important de bien comprendre le processus dans la durée.

Nous avons trois étapes :

  • Un fonctionnement normal des pouvoirs politiques et religieux durant l’année.
  • Un jour dans l’année : élection d’un roi, d’un pape ou d’un évêque des fous.
  • Retour à la normale.

A notre époque, la fête des fous est devenue la norme. Il n’y a plus de retour à la vie normale après l’élection. Le fou reste sur son trône. Il usurpe le pouvoir. Il en abuse et il n’y a personne pour le contredire. Avec le fonctionnement normal, au-dessus du Roi et du Pape, il y a Dieu. Avec la fête des fous au pouvoir, Dieu disparaît. La légitimité vient d’en bas, donc le Pape et le Roi domine la foule par différentes techniques dont la fraude ou la manipulation mentale, Lucien Cerise dirait de l’ingénierie sociale.

Au président, des fous viennent s’ajouter un gouvernement des fous, une assemblée des fous, des tribunaux de fous, une presse de fous, des universités de fous… La folie est devenue la norme. Tout le système sombre dans la folie.

Il y a quelques années, Emmanuel Macron craignait qu’un dingue soit élu président de la République.

Il peut se rassurer, c’est déjà le cas depuis 2007 et Nicolas Sarkozy. En 2012, nous avons eu un deuxième fou avec l’élection de François Hollande. 2017 puis 2020, un troisième fou est arrive à l’Elysée. Comme beaucoup de psychopathe, Emmanuel Macron parlait en réalité de lui.

Sarkozy, Hollande et Macron, ce sont ce que j’ai appelé des fous sérieux. Sous le masque de la normalité, se cache un vrai fou. Il suffit de regarder leurs politiques, leurs comportements, et même la manière d’être pour comprendre que derrière l’apparence de sérieux se cache des vrais malades mentaux. Cela ne cesse de m’inquiéter. C’est toujours pour le plus grand malheur de leur peuple que les fous arrivent et restent au pouvoir. Cela va mal se terminer. Cela se termine déjà très mal.

L’intérêt de cet article et de l’article suivant (oui, je me lance dans une nouvelle série) est de montrer que la fête des fous est avant tout une fête à forte connotation politique. C’est une autre grille de lecture, différente de celle liée au corona-virus. Pour cela, regardons la fête des fous telle que décrite dans le chef d’œuvre de Victor Hugo, “Notre Dame de Paris“.

Le roman commence avec une fête des fous ayant lieu à Notre Dame de Paris.

Voici les premières lignes du roman.

Il y a aujourd’hui trois cent quarante-huit ans six mois et dix-neuf jours que les parisiens s’éveillèrent au bruit de toutes les cloches sonnant à grande volée dans la triple enceinte de la Cité, de l’Université et de la Ville.

Ce n’est cependant pas un jour dont l’histoire ait gardé souvenir que le 6 janvier 1482. Rien de notable dans l’événement qui mettait ainsi en branle, dès le matin, les cloches et les bourgeois de Paris. Ce n’était ni un assaut de picards ou de bourguignons, ni une châsse menée en procession, ni une révolte d’écoliers dans la vigne de Laas, ni une entrée de notredit très redouté seigneur monsieur le roi, ni même une belle pendaison de larrons et de larronnesses à la Justice de Paris. Ce n’était pas non plus la survenue, si fréquente au quinzième siècle, de quelque ambassade chamarrée et empanachée. Il y avait à peine deux jours que la dernière cavalcade de ce genre, celle des ambassadeurs flamands chargés de conclure le mariage entre le dauphin et Marguerite de Flandre, avait fait son entrée à Paris, au grand ennui de M. le cardinal de Bourbon, qui, pour plaire au roi, avait dû faire bonne mine à toute cette rustique cohue de bourgmestres flamands, et les régaler, en son hôtel de Bourbon, d’une moult belle moralité, sotie & farce, tandis qu’une pluie battante inondait à sa porte ses magnifiques tapisseries.

Le 6 janvier, ce qui mettait en émotion tout le populaire de Paris, comme dit Jean de Troyes, c’était la double solennité, réunie depuis un temps immémorial, du jour des Rois et de la Fête des Fous.

(…)

Le peuple affluait surtout dans les avenues du Palais de Justice, parce qu’on savait que les ambassadeurs flamands, arrivés de la surveille, se proposaient d’assister à la représentation du mystère et à l’élection du pape des fous, laquelle devait se faire également dans la grand’salle.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, I : La grand’salle).

Le 6 janvier, c’est le jour des Rois. Traditionnellement, la fête des fous avait lieu dans l’un des trois jours après Noël (26, 27 ou 28 décembre), parfois le 6 janvier. Ici, Victor Hugo choisit de placer sa fête des fous le 6 janvier. Sa fête des fous fera élire non pas un roi des fous, mais un pape des fous. C’est la même chose. L’un est le chef du pouvoir temporel (le Roi), l’autre le chef du pouvoir spirituel (le Pape). Il s’agit de tourner en dérision une autorité, qu’elle soit politique ou religieuse. En choisissant l’élection d’un pape des fous lors de la fête des rois, il associe la critique du pouvoir spirituel à celle du pouvoir temporel.

S’il pouvait nous être donné à nous, hommes de 1830, de nous mêler en pensée à ces parisiens du quinzième siècle et d’entrer avec eux, tiraillés, coudoyés, culbutés, dans cette immense salle du Palais, si étroite le 6 janvier 1482, le spectacle ne serait ni sans intérêt ni sans charme, et nous n’aurions autour de nous que des choses si vieilles qu’elles nous sembleraient toutes neuves.

Si le lecteur y consent, nous essaierons de retrouver par la pensée l’impression qu’il eût éprouvée avec nous en franchissant le seuil de cette grand’salle au milieu de cette cohue en surcot, en hoqueton et en cotte-hardie.

Et d’abord, bourdonnement dans les oreilles, éblouissement dans les yeux. Au-dessus de nos têtes une double voûte en ogive, lambrissée en sculptures de bois, peinte d’azur, fleurdelysée en or ; sous nos pieds, un pavé alternatif de marbre blanc et noir. À quelques pas de nous, un énorme pilier, puis un autre, puis un autre ; en tout sept piliers dans la longueur de la salle, soutenant au milieu de sa largeur les retombées de la double voûte. Autour des quatre premiers piliers, des boutiques de marchands, tout étincelantes de verre et de clinquants ; autour des trois derniers, des bancs de bois de chêne, usés et polis par le haut-de-chausses des plaideurs et la robe des procureurs. À l’entour de la salle, le long de la haute muraille, entre les portes, entre les croisées, entre les piliers, l’interminable rangée des statues de tous les rois de France depuis Pharamond ; les rois fainéants, les bras pendants et les yeux baissés ; les rois vaillants et bataillards, la tête et les mains hardiment levées au ciel. Puis, aux longues fenêtres ogives, des vitraux de mille couleurs ; aux larges issues de la salle, de riches portes finement sculptées ; et le tout, voûtes, piliers, murailles, chambranles, lambris, portes, statues, recouvert du haut en bas d’une splendide enluminure bleu et or, qui, déjà un peu ternie à l’époque où nous la voyons, avait presque entièrement disparu sous la poussière et les toiles d’araignée en l’an de grâce 1549, où du Breul l’admirait encore par tradition.

Qu’on se représente maintenant cette immense salle oblongue, éclairée de la clarté blafarde d’un jour de janvier, envahie par une foule bariolée et bruyante qui dérive le long des murs et tournoie autour des sept piliers, et l’on aura déjà une idée confuse de l’ensemble du tableau dont nous allons essayer d’indiquer plus précisément les curieux détails.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, I : La grand’salle).

Le lieu de l’élection du roi ou du pape des fous, c’était la cathédrale de la ville. Etant à Paris, elle eut lieu à Notre Dame. La fête est placée sous la symbolique des rois de France. Victor Hugo décrit la cathédrale en deux niveaux très symbolique.

En bas, le peuple figuré par une foule bariolée et bruyante.

En haut, les statues des rois de France. Il fait commencer les rois de France, non pas à partir de Clovis, mais avec Pharamond, roi mythique et ancêtre des Francs. Il distingue deux sortes de Rois : les rois fainéants, ayant les yeux et les bras baissés vers le peuple et les rois vaillants et bataillards, les yeux et les mains tournés vers le Ciel.

Nous trouvons une opposition, très habile, entre l’entrée solennelle des autorités religieuses dans la cathédrale et le déroulement de l’élection du pape des fous.

Ce fut sans doute cette popularité, acquise à si juste titre, qui le préserva, à son entrée, de tout mauvais accueil de la part de la cohue, si mécontente le moment d’auparavant, et fort peu disposée au respect d’un cardinal le jour même où elle allait élire un pape. Mais les parisiens ont peu de rancune ; et puis, en faisant commencer la représentation d’autorité, les bons bourgeois l’avaient emporté sur le cardinal, et ce triomphe leur suffisait. D’ailleurs monsieur le cardinal de Bourbon était bel homme, il avait une fort belle robe rouge qu’il portait fort bien ; c’est dire qu’il avait pour lui toutes les femmes, et par conséquent la meilleure moitié de l’auditoire. Certainement il y aurait injustice et mauvais goût à huer un cardinal pour s’être fait attendre au spectacle, lorsqu’il est bel homme et qu’il porte bien sa robe rouge.

Il entra donc, salua l’assistance avec ce sourire héréditaire des grands pour le peuple, et se dirigea à pas lents vers son fauteuil de velours écarlate, en ayant l’air de songer à tout autre chose. Son cortège, ce que nous appellerions aujourd’hui son état-major d’évêques et d’abbés, fit irruption à sa suite dans l’estrade, non sans redoublement de tumulte et de curiosité au parterre. C’était à qui se les montrerait, se les nommerait, à qui en connaîtrait au moins un ; qui, monsieur l’évêque de Marseille, Alaudet, si j’ai bonne mémoire ; qui, le primicier de Saint-Denis ; qui, Robert de Lespinasse, abbé de Saint-Germain-des-Prés, ce frère libertin d’une maîtresse de Louis XI : le tout avec force méprises et cacophonies. Quant aux écoliers, ils juraient. C’était leur jour, leur fête des fous, leur saturnale, l’orgie annuelle de la basoche et de l’école. Pas de turpitude qui ne fût de droit ce jour-là et chose sacrée. Et puis il y avait de folles commères dans la foule, Simone Quatrelivres, Agnès la Gadine, Robine Piédebou. N’était-ce pas le moins qu’on pût jurer à son aise et maugréer un peu le nom de Dieu, un si beau jour, en si bonne compagnie de gens d’église et de filles de joie ? Aussi ne s’en faisaient-ils faute ; et, au milieu du brouhaha, c’était un effrayant charivari de blasphèmes et d’énormités que celui de toutes ces langues échappées, langues de clercs et d’écoliers contenues le reste de l’année par la crainte du fer chaud de saint Louis. Pauvre saint Louis, quelle nargue ils lui faisaient dans son propre palais de justice ! Chacun d’eux, dans les nouveaux venus de l’estrade, avait pris à partie une soutane noire, ou grise, ou blanche, ou violette. Quant à Joannes Frollo de Molendino, en sa qualité de frère d’un archidiacre, c’était à la rouge qu’il s’était hardiment attaqué, et il chantait à tue-tête, en fixant ses yeux effrontés sur le cardinal : Cappa repleta mero !

Tous ces détails, que nous mettons ici à nu pour l’édification du lecteur, étaient tellement couverts par la rumeur générale qu’ils s’y effaçaient avant d’arriver jusqu’à l’estrade réservée. D’ailleurs le cardinal s’en fût peu ému, tant les libertés de ce jour-là étaient dans les mœurs. Il avait du reste, et sa mine en était toute préoccupée, un autre souci qui le suivait de près et qui entra presque en même temps que lui dans l’estrade. C’était l’ambassade de Flandre.

(…)

Alors arrivèrent, deux par deux, avec une gravité qui faisait contraste au milieu du pétulant cortège ecclésiastique de Charles de Bourbon, les quarante-huit ambassadeurs de Maximilien d’Autriche, ayant en tête révérend père en Dieu, Jehan, abbé de Saint-Bertin, chancelier de la Toison d’or, et Jacques de Goy, sieur Dauby, haut bailli de Gand. Il se fit dans l’assemblée un grand silence accompagné de rires étouffés pour écouter tous les noms saugrenus et toutes les qualifications bourgeoises que chacun de ces personnages transmettait imperturbablement à l’huissier, qui jetait ensuite noms et qualités pêle-mêle et tout estropiés à travers la foule. C’était maître Loys Roelof, échevin de la ville de Louvain ; messire Clays d’Etuelde, échevin de Bruxelles ; messire Paul de Baeust, sieur de Voirmizelle, président de Flandre ; maître Jehan Coleghens, bourgmestre de la ville d’Anvers ; maître George de la Moere, premier échevin de la kuere de la ville de Gand ; maître Gheldolf van der Hage, premier échevin des parchons de ladite ville ; et le sieur de Bierbecque, et Jehan Pinnock, et Jehan Dymaerzelle, etc., etc., etc. ; baillis, échevins, bourgmestres ; bourgmestres, échevins, baillis ; tous roides, gourmés, empesés, endimanchés de velours et de damas, encapuchonnés de cramignoles de velours noir à grosses houppes de fil d’or de Chypre ; bonnes têtes flamandes après tout, figures dignes et sévères, de la famille de celles que Rembrandt fait saillir si fortes et si graves sur le fond noir de sa Ronde de nuit ; personnages qui portaient tous écrit sur le front que Maximilien d’Autriche avait eu raison de se confier à plain, comme disait son manifeste, en leur sens, vaillance, expérience, loyaultez & bonnes preudomies.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, III : Monsieur le Cardinal).

L’autorité est ici représentée par l’évêque de Lyon, prima des Gaules. Mais la même scène aurait pu avoir lieu avec le roi de France. L’idée est la même. Il s’agit de mettre en scène le pouvoir devant le peuple. Une mise en scène symbolique pour montrer sa puissance et sa supériorité. La royauté de l’Ancien Régime était devenue maîtresse en la matière, copiée en cela par les autorités religieuses. Il faut lire le merveilleux livre de Jean-Marie Apostolides, “le roi machine“.

Jean-Marie Apostolidès évoque également le sujet dans un autre livre, tout aussi intéressant, “le prince sacrifié“.

Dans “le roi machine“, il analyse l’entrée du Roi dans les villes ou les fêtes de Louis XIV à Versailles. Cette symbolique se situe à plusieurs niveaux dont il faut parler.

Premier niveau. Une séparation entre le peuple et la Nation, entre l’élite et les gueux.

Ceux qui participe au défilé font partie de la Nation, ils sont l’élite.

Ceux qui regarde le défilé comme spectateur font partie du peuple, donc ce sont des gueux.

D’un coté le pouvoir politique ou religieux qui se met en scène et de l’autre le peuple qui regarde la mise en scène du pouvoir.

Bien retenir cela, car cette notion est fondamentale pour comprendre la communication politique.

L’entrée de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras.

Par exemple lors de l’entrée de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras, on observe bien la réparation. Le carrosse du roi, de la reine et de son cortège roule sur la route. De chaque côté de la route, la foule qui observe le spectacle.

Cette division apparaît clairement dans le texte de Victor Hugo, entre la foule qui regarde l’entrée de l’évêque et le pouvoir religieux qui défile représenté par l’évêque de Lyon et ses subordonnées.

Deuxième niveau. Au sein de l’élite, du pouvoir, il y a une hiérarchisation qui doit se manifester clairement lors du défilé. Il faut distinguer entre le chef et ses subordonnés. Il faut montrer cette distinction au sein du pouvoir. Elle doit être visible de tous. Chacun doit connaître sa position hiérarchique vis-à-vis des autres. Le peuple doit savoir qui est le chef et qui sont ses subordonnées.

D’abord le chef suprême. Ensuite les autres membres selon un ordre hiérarchique et protocolaire.

Dans le défilé que Victor Hugo met en scène, l’évêque de Lyon primat des Gaules est le chef de l’Eglise de France, il entre donc en premier et seul, afin de bien montrer au public et aux autres protagonistes qu’il est le seul chef de l’Eglise.

Ensuite, vont venir “son état-major d’évêques et d’abbés“.

Troisième niveau. A l’intérieur du défilé, il y a une symbolique qui est mise en œuvre pour montrer qu’il est le pouvoir. Là encore, cette symbolique est double.

Elle s’adresse d’abord et avant tout à ceux qui font partie de l’élite en montrant qui est le chef et qui est subordonnée.

Elle s’adresse ensuite au peuple qui doit comprendre que l’élite est détentrice du pouvoir.

Dans le cadre du roman de Victor Hugo, l’évêque porte un uniforme qui montre qu’il est le chef. Il porte un uniforme rouge visible de loin par le peuple. L’évêque est assis sur une chaise devant ses subordonnées qui eux sont assis sur une estrade. Le peuple, quant à lui, est debout.

On retrouve cette mise en scène du pouvoir à notre époque. Par exemple dans le nazisme avec les grandes réunions de Nuremberg filmé par Leni Riefensthal. D’ailleurs, en visionnant “le triomphe de la volonté“, on voit bien la dualité de la société, avec le chef qui parle à la masse du peuple. Un peuple en uniforme, aligné en rang et en groupe. Une mise en scène qui impressionna beaucoup à l’époque et contribua largement à la légitimité du nazisme sur la société allemande.

Hitler parle devanr foule, Triomphe de la volonté.

Parfois, le chef ne se trouve pas en face de la foule, mais sur le côté. Il y a la même hiérarchie au sein de l’élite avec le chef en avant et ses adjoints derrière.

Ce que propose le nazisme, c’est une société en ordre. Avec des hommes en uniforme. Hitler porte l’uniforme militaire, ses adjoints aussi, et même le peuple qui défile. Le peuple est bien aligné et se regroupe en unité et en division plus grande.

C’est la même chose avec le communisme et ses grands défilés sur la place rouge, au 1er mai, au 9 mai (victoire de la Deuxième Guerre mondiale) ou le 7 novembre (Révolution russe). Il y a une mise en scène du pouvoir pour frapper l’imaginaire du peuple.

Pendant que le pensionnaire de Gand et l’éminence échangeaient une révérence fort basse et quelques paroles à voix plus basse encore, un homme à haute stature, à large face, à puissantes épaules, se présentait pour entrer de front avec Guillaume Rym : on eût dit un dogue auprès d’un renard. Son bicoquet de feutre et sa veste de cuir faisaient tache au milieu du velours et de la soie qui l’entouraient. Présumant que c’était quelque palefrenier fourvoyé, l’huissier l’arrêta.

— Hé, l’ami ! on ne passe pas.

L’homme à veste de cuir le repoussa de l’épaule.

— Que me veut ce drôle ? dit-il avec un éclat de voix qui rendit la salle entière attentive à cet étrange colloque. Tu ne vois pas que j’en suis ?

— Votre nom ? demanda l’huissier.

— Jacques Coppenole.

— Vos qualités ?

— Chaussetier, à l’enseigne des Trois Chaînettes, à Gand.

L’huissier recula. Annoncer des échevins et des bourgmestres, passe ; mais un chaussetier, c’était dur. Le cardinal était sur les épines. Tout le peuple écoutait et regardait. Voilà deux jours que son éminence s’évertuait à lécher ces ours flamands pour les rendre un peu plus présentables en public, et l’incartade était rude. Cependant Guillaume Rym, avec son fin sourire, s’approcha de l’huissier.

— Annoncez maître Jacques Coppenole, clerc des échevins de la ville de Gand, lui souffla-t-il très bas.

— Huissier, reprit le cardinal à haute voix, annoncez maître Jacques Coppenole, clerc des échevins de l’illustre ville de Gand.

Ce fut une faute. Guillaume Rym tout seul eût escamoté la difficulté ; mais Coppenole avait entendu le cardinal.

— Non, croix-Dieu ! s’écria-t-il avec sa voix de tonnerre. Jacques Coppenole, chaussetier. Entends-tu, l’huissier ? Rien de plus, rien de moins. Croix-Dieu ! chaussetier, c’est assez beau. Monsieur l’archiduc a plus d’une fois cherché son gant dans mes chausses.

Les rires et les applaudissements éclatèrent. Un quolibet est tout de suite compris à Paris, et par conséquent toujours applaudi.

Ajoutons que Coppenole était du peuple, et que ce public qui l’entourait était du peuple. Aussi la communication entre eux et lui avait été prompte, électrique, et pour ainsi dire de plain-pied. L’altière algarade du chaussetier flamand, en humiliant les gens de cour, avait remué dans toutes les âmes plébéiennes je ne sais quel sentiment de dignité encore vague et indistinct au quinzième siècle. C’était un égal que ce chaussetier, qui venait de tenir tête à monsieur le cardinal ! réflexion bien douce à de pauvres diables qui étaient habitués à respect et obéissance envers les valets des sergents du bailli de l’abbé de Sainte-Geneviève, caudataire du cardinal.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, IV : Maître Jacques Coppenole).

Dans la mise en spectacle du pouvoir, il est également important de noter que la séparation entre le peuple et l’élite n’est pas qu’une séparation symbolique, mais également physique. Elle se manifeste concrètement. Il faut le dire d’emblée, la séparation entre peuple et élite est une nécessité vitale. Il faut maintenir le peuple à distance du pouvoir.

Une mise à distance symbolique pour l’utilisation des symbole du pouvoir pour impressionner le peuple. C’est la couronne, le sceptre, le globe, l’uniforme, etc.

Mais aussi, une mise à distance physique en créant un espace entre le chef et le peuple. le roi ne doit pas être directement au contact du peuple, il ne doit pas être à porté de main. C’est ce qui permet de maintenir le respect.

Lorsque le pouvoir se met au niveau du peuple, c’est toujours très dangereux. On observe cela avec Emmanuel Macron qui va parler aux citoyens en acceptant d’être à égalité avec son interlocuteur. Ce fut également le cas de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande. ce ne fut pas le cas du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de François Mitterrand ou même de Jacques Chirac, qui même s’il allaient parler à de modestes citoyens, veillaient cependant à ce que jamais le citoyenne manque de respect à leurs fonctions. Sarkozy et son “casse-toi pauvre con” ou son “descend me le dire si tu es un homme“, à créer une rupture majeure dans la règle de mise à distance du peuple. C’est d’ailleurs tout le problème de cette cinquième république finissante.

Mise à distance réelle également, par l’instauration d’une barrière physique entre le peuple et le pouvoir. Cette barrière se manifeste par la présence d’un cordon de sécurité qui interdit ou filtre le passage du peuple du côté du pouvoir.

Défilé nazi à Nuremberg avec son cordon de policier.

C’est ce que montre la scène durant laquelle Jacques Coppenole tente d’entrer dans le cortège de l’évêque. Il se présente comme chaussetier dans le magasin des “Trois chaînettes” de Gand. L’huissier tente de transformer son titre, trop vulgaire, en “clerc des échevins de la ville de Gand” pour le rendre plus présentable. Un titre pompeux et ronflant qui impressionne le populo et augmente l’estime de soi du bourgeois. Une technique encore utilisée de nos jours.

— Messieurs les bourgeois et hobereaux de Paris, je ne sais, croix-Dieu ! pas ce que nous faisons ici. Je vois bien là-bas dans ce coin, sur ce tréteau, des gens qui ont l’air de vouloir se battre. J’ignore si c’est là ce que vous appelez un mystère, mais ce n’est pas amusant. Ils se querellent de la langue, et rien de plus. Voilà un quart d’heure que j’attends le premier coup. Rien ne vient. Ce sont des lâches, qui ne s’égratignent qu’avec des injures. Il fallait faire venir des lutteurs de Londres ou de Rotterdam ; et, à la bonne heure ! vous auriez eu des coups de poing qu’on aurait entendus de la place. Mais ceux-là font pitié. Ils devraient nous donner au moins une danse morisque, ou quelque autre momerie ! Ce n’est pas là ce qu’on m’avait dit. On m’avait promis une fête des fous, avec élection du pape. Nous avons aussi notre pape des fous à Gand, et en cela nous ne sommes pas en arrière, croix-Dieu ! Mais voici comme nous faisons. On se rassemble une cohue, comme ici. Puis chacun à son tour va passer sa tête par un trou et fait une grimace aux autres. Celui qui fait la plus laide, à l’acclamation de tous, est élu pape. Voilà. C’est fort divertissant. Voulez-vous que nous fassions votre pape à la mode de mon pays ? Ce sera toujours moins fastidieux que d’écouter ces bavards. S’ils veulent venir faire leur grimace à la lucarne, ils seront du jeu. Qu’en dites-vous, messieurs les bourgeois ? Il y a ici un suffisamment grotesque échantillon des deux sexes pour qu’on rie à la flamande, et nous sommes assez de laids visages pour espérer une belle grimace.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, IV : Maître Jacques Coppenole).

En miroir de la procession de l’évêque, Victor Hugo évoque la fête des fous et son élection du pape des fous.

Traditionnellement, le pouvoir vient de Dieu. La succession se fait par hérédité. La légitimité vient donc d’en haut, du Ciel.

A l’inverse, dans la fête des fous, la légitimité vient d’en bas, du peuple. Celui qui devient pape ou roi est celui qui reçoit le plus de suffrage. Le critère pour être élu, c’est la laideur, c’est celui qui fera la plus belle grimace.

L’orgie devenait de plus en plus flamande. Teniers n’en donnerait qu’une bien imparfaite idée. Qu’on se figure en bacchanale la bataille de Salvator Rosa. Il n’y avait plus ni écoliers, ni ambassadeurs, ni bourgeois, ni hommes, ni femmes ; plus de Clopin Trouillefou, de Gilles Lecornu, de Marie Quatrelivres, de Robin Poussepain. Tout s’effaçait dans la licence commune. La grand’salle n’était plus qu’une vaste fournaise d’effronterie et de jovialité où chaque bouche était un cri, chaque œil un éclair, chaque face une grimace, chaque individu une posture. Le tout criait et hurlait. Les visages étranges qui venaient tour à tour grincer des dents à la rosace étaient comme autant de brandons jetés dans le brasier. Et de toute cette foule effervescente s’échappait, comme la vapeur de la fournaise, une rumeur aigre, aiguë, acérée, sifflante comme les ailes d’un moucheron.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, V : Quasimodo).

Les candidats au poste de pape des fous se succèdent à la tribune, comme les candidats à la présidentielle se succèdent sous notre “république” pour être élu président, non pas des fous, mais de la “république”. A chaque fois que j’assiste à une campagne électorale présidentielle, j’ai l’impression de revoir la scène de la fête des fous dans “Notre Dame de Paris“.

Un tonnerre d’applaudissements, mêlé à une prodigieuse acclamation, vint couper court à leur conversation. Le pape des fous était élu.

— Noël ! Noël ! Noël ! criait le peuple de toutes parts.

C’était une merveilleuse grimace, en effet, que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace. Après toutes les figures pentagones, hexagones et hétéroclites qui s’étaient succédé à cette lucarne sans réaliser cet idéal du grotesque qui s’était construit dans les imaginations exaltées par l’orgie, il ne fallait rien moins, pour enlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et Clopin Trouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvait atteindre, s’avoua vaincu. Nous ferons de même. Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre, de cette bouche en fer à cheval, de ce petit œil gauche obstrué d’un sourcil roux en broussailles tandis que l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse sur laquelle une de ces dents empiétait comme la défense d’un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela, de ce mélange de malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, si l’on peut, cet ensemble.

L’acclamation fut unanime. On se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble. La grimace était son visage.

Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contre-coup se faisait sentir par devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous venaient de se donner.

On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.

Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut, carré par la base, comme dit un grand homme, à son surtout mi-parti rouge et violet, semé de campanilles d’argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ, et s’écria d’une voix :

— C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! c’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! Noël ! Noël !

On voit que le pauvre diable avait des surnoms à choisir.

— Gare les femmes grosses ! criaient les écoliers.

— Ou qui ont envie de l’être, reprenait Joannes.

Les femmes en effet se cachaient le visage.

— Oh ! le vilain singe, disait l’une.

— Aussi méchant que laid, reprenait une autre.

— C’est le diable, ajoutait une troisième.

— J’ai le malheur de demeurer auprès de Notre-Dame ; toute la nuit je l’entends rôder dans la gouttière.

— Avec les chats.

— Il est toujours sur nos toits.

— Il nous jette des sorts par les cheminées.

— L’autre soir, il est venu me faire la grimace à ma lucarne. Je croyais que c’était un homme. J’ai eu une peur !

— Je suis sûre qu’il va au sabbat. Une fois, il a laissé un balai sur mes plombs.

— Oh ! la déplaisante face de bossu !

— Oh ! la vilaine âme !

— Buah !

Les hommes au contraire étaient ravis, et applaudissaient.

Quasimodo, objet du tumulte, se tenait toujours sur la porte de la chapelle, debout, sombre et grave, se laissant admirer.

Un écolier, Robin Poussepain, je crois, vint lui rire sous le nez, et trop près. Quasimodo se contenta de le prendre par la ceinture, et de le jeter à dix pas à travers la foule. Le tout sans dire un mot.

Maître Coppenole, émerveillé, s’approcha de lui.

— Croix-Dieu ! Saint-Père ! tu as bien la plus belle laideur que j’aie vue de ma vie. Tu mériterais la papauté à Rome comme à Paris.

En parlant ainsi, il lui mettait la main gaiement sur l’épaule. Quasimodo ne bougea pas. Coppenole poursuivit :

— Tu es un drôle avec qui j’ai démangeaison de ripailler, dût-il m’en coûter un douzain neuf de douze tournois. Que t’en semble ?

Quasimodo ne répondit pas.

— Croix-Dieu ! dit le chaussetier, est-ce que tu es sourd ?

Il était sourd en effet.

Cependant il commençait à s’impatienter des façons de Coppenole, et se tourna tout à coup vers lui avec un grincement de dents si formidable que le géant flamand recula, comme un bouledogue devant un chat.

Alors il se fit autour de l’étrange personnage un cercle de terreur et de respect qui avait au moins quinze pas géométriques de rayon. Une vieille femme expliqua à maître Coppenole que Quasimodo était sourd.

— Sourd ! dit le chaussetier avec son gros rire flamand. Croix-Dieu ! c’est un pape accompli.

— Hé ! je le reconnais, s’écria Jehan, qui était enfin descendu de son chapiteau pour voir Quasimodo de plus près, c’est le sonneur de cloches de mon frère l’archidiacre. — Bonjour, Quasimodo !

— Diable d’homme ! dit Robin Poussepain, encore tout contus de sa chute. Il paraît : c’est un bossu. Il marche : c’est un bancal. Il vous regarde : c’est un borgne. Vous lui parlez : c’est un sourd. — Ah çà, que fait-il de sa langue, ce Polyphème ?

— Il parle quand il veut, dit la vieille. Il est devenu sourd à sonner les cloches. Il n’est pas muet.

— Cela lui manque, observa Jehan.

— Et il a un œil de trop, ajouta Robin Poussepain.

— Non pas, dit judicieusement Jehan. Un borgne est bien plus incomplet qu’un aveugle. Il sait ce qui lui manque.

Cependant tous les mendiants, tous les laquais, tous les coupe-bourses, réunis aux écoliers, avaient été chercher processionnellement, dans l’armoire de la basoche, la tiare de carton et la simarre dérisoire du pape des fous. Quasimodo s’en laissa revêtir sans sourciller et avec une sorte de docilité orgueilleuse. Puis on le fit asseoir sur un brancard bariolé. Douze officiers de la confrérie des fous l’enlevèrent sur leurs épaules ; et une espèce de joie amère et dédaigneuse vint s’épanouir sur la face morose du cyclope, quand il vit sous ses pieds difformes toutes ces têtes d’hommes beaux, droits et bien faits. Puis la procession hurlante et déguenillée se mit en marche pour faire, selon l’usage, la tournée intérieure des galeries du Palais, avant la promenade des rues et des carrefours.” (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, V : Quasimodo).

Finalement, Quasimodo est élu pape des fous. On lui met sur la tête les attributs du pape des fous, sorte de parodie des symboles du vrai pape de Rome. Une “tiare en carton” et une “simarre dérisoire“.

Ensuite, il aura droit à sa procession dans les rues de Paris, comme le vrai pape après son élection.

Quasimodo pape des fous, Victor Masson, 1868.

Depuis 1962, le président de la République est élu au suffrage universel, comme le pape des fous chez Victor Hugo. Ce n’est pas celui qui fera la plus belle grimace qui est élue, mais celui qui mentira le plus. De 1965 à 1995, le système contrôlait suffisamment le processus électoral pour empêcher les candidatures les plus farfelues favorisant l’élection de président plus ou moins sérieux.

2007, pour la première fois un fou arrive au pouvoir. S’ouvre l’ère des fous normaux. Nicolas Sarkozy fut le champion de la grimace. Il aurait sans doute damé le pion de Quasimodo dans la cathédrale de Notre Dame. Entre haussement d’épaule et lèvre de côté qui se lève, Sarkozy fut le Quasimodo du XXIe siècle. Les grimaces, son souvent le signe de quelqu’un qui se contrôle de manière intempestive, afin de cacher sa vraie personnalité. Les tics physiques viennent polluer le discours de l’obsessionnel compulsif.

Après Nicolas Sarkozy, viendra le temps de François Hollande en 2012. Il se présentera comme le président normal. Il sera tout aussi timbré que Sarkozy, mais un timbré normal. Cela fait toute la différence. Il prendra le train au milieu des gueux, au lieu de l’avion, il ira draguer sa maîtresse en scooter, il sera atteint d’une sorte de malédiction avec l’eau, un porteur de poisse aquatique. Partout où François Hollande ira la pluie tombera comme un déluge, une sorte de Noé version républicaine.

Le sommet (pour l’instant) sera atteint avec Emmanuel Macron, élu en 2017, réélu en 2022.

Si l’on doit juger d’un pouvoir à la façon dont il se met en scène face au peuple, le message qu’envoie Macron est catastrophique.

Le 10 mai 1981, Mitterrand prit la parole sur le balcon d’un petit hôtel de Château-Chinon au cœur de la Bourgogne. Une petite ville dont il fut le maire depuis 1955.

François Mitterrand était comme un seigneur de Province qui salua ses sujets après avoir été élu président de la République. Le nom de la ville (“château”) qu’il avait choisi pour faire sa carrière politique locale était une référence à la France de l’Ancien Régime, au duché de Bourgogne. C’est une image rassurante qui plu tellement aux Français, resté dans le plus profond de leur âme des admirateurs du roi et du système monarchiste et à la féodalité. Cela colla parfaitement avec le slogan du deuxième tour, “la force tranquille”. Cela fit vibrer une sensibilité particulière de l’inconscient collectif français. Son discours, ce soir-là est d’ailleurs admirable sur ce point. Il dit “qu’il connaît le poids de l’histoire” et “qu’il appartient à l’histoire de juger le poids de nos actes“. Il ne s’agissait pas que de l’histoire républicaine. Nous l’avions tous compris ce soir-là. En 2023, que nous sommes à des années-lumière de cette époque.

Le 21 mai 1981, c’est la scène du Panthéon, qui va reprendre le rituel de la cérémonie d’entrée des rois dans la ville. Une cérémonie légèrement modifiée, pour l’adapter à la légitimité républicaine qui, comme nous l’avons vu, n’est pas la même que celle des rois de France. Cette fois-ci, une partie du peuple est invitée dans le défilé. Elle suit le président et ses subordonnées.

D’abord le président, seul, derrière lui ses adjoints et ensuite le peuple. On peut observer d’ailleurs que les adjoints sont collés les uns aux autres par les coudes pour contenir la pression populaire. La scène est hallucinante et marqua profondément les esprits. Une vraie ferveur qui a disparu aujourd’hui.

Avec François Mitterrand, il y a encore une forme d’élégeance et de préstige du pouvoir. Cela transparait dans ses deux événements.

Elle disparaîtra chez ses successeurs.

Quasimodo avait sa tiare en carton, Emmanuel Macron aura sa couronne en carton, un 6 janvier, comme un clin d’œil à Victor Hugo. La couronne de travers, une barbe de trois jours, une image catastrophique inimaginable du temps du général de Gaulle ou de François Mitterrand.

La mise en spectacle du pouvoir macronien est tombé dans le pathétique et ridicule en ce 9 mai 2023.

En raison des concerts de casserole (dont nous parleront dans l’article suivant), la police nationale et la gendarmerie, sorte de garde prétorienne du régime a fait évacuer le peuple des champs Elysées. Normalement, nous l’avons vu, le défilé comme spectacle politique a pour objectif de montrer au peuple le pouvoir tel qu’il voudrait se représenter.

Les Champs Elysées sont vides. Seul le pouvoir est présent, protéger par une police très obéissante. Certes, la cérémonie est diffusée à la télévision. Il y a donc un peuple qui regarde le pouvoir se mettre en scène. Mais c’est l’image d’un pouvoir seul, aux aguets et sans public sur le côté pour le regarder. C’est un spectacle incomplet.

Un pouvoir qui sombre presque dans la folie en montrant un président sortant du toit de sa voiture pour saluer des trottoirs vides.

Des écrans géants ont été installés par les organisateurs. Les images sont diffusées dessus… mais personnes pour les regarder. Image sidérante d’une république finissante. Une république dont les médias nous dise qu’elle est “démocratique”, mais dont le peuple est absent, car il est mis à l’écart. Nous sommes entrés dans l’ère de la post-démocratie. Le peuple français perçoit ce message que montrent les images diffusées à la télé.

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