IV-47 : Massacre de la Saint-Barthélemy (1572).

IV-47
Le massacre de la Saint-Barthélemy, d’après François Dubois.

Quand Charles IX (« le noir farouche ») aura exercé (« quand aura essayé ») sa main sanguinaire (« Sa main sanguine ») avec le feu, le fer et l’arquebuse (« par feu, fer, arcs tendus »), le peuple (« Trestout le peuple ») sera très effrayé (« sera tant effraie ») de voir les principaux seigneurs protestants (« Voyr les plus grands ») pendus par le col et par les pieds (« par col & pieds pendus »).

Pendant le massacre de la Saint-Barthélemy, Charles IX tira, par une croisée du Louvre, plusieurs coups d’une longue arquebuse sur les Huguenots qui fuyaient, de l’autre côté de la Seine, dans le faubourg Saint-Germain.

Le corps de l’Amiral Coligny fut traîné par le peuple, au bout d’une corde, dans la fange des ruisseaux, puis pendu par un pied au gibet de Montfaucon. 

Article Wikipédia massacre de la Saint-Barthélémy.

Le mariage (entre Henri de Navarre, futur Henri IV, et Marguerite de Valois) et est célébré le 18 août 1572, occasion de festivités grandioses auxquelles sont conviés tous les grands du royaume, y compris les protestants, dans un esprit de concorde et de réconciliation. Le mariage occasionne la présence à Paris d’un très grand nombre de gentilshommes protestants venus escorter leur prince. Or, Paris est une ville farouchement anti-huguenote. Les Parisiens, catholiques à l’extrême, n’acceptent pas leur présence. Du fait du martèlement des prédicateurs, capucins et dominicains au premier chef, le mariage d’une princesse de France avec un protestant leur est en horreur. Le peuple parisien est très mécontent. En outre, les récoltes ont été mauvaises. Les hausses des prix et le luxe déployé à l’occasion des noces royales accentuent la colère du peuple.

La cour est elle-même très tendue. Catherine de Médicis n’a pas obtenu l’accord du pape pour célébrer ce mariage exceptionnel. Par conséquent, les prélats français hésitent sur l’attitude à adopter. Il faut toute l’habileté de la reine-mère pour convaincre le cardinal de Bourbon d’unir les époux. Par ailleurs, les rivalités entre les grandes familles réapparaissent. Les Guise ne sont pas prêts à laisser la place aux Montmorency. François, duc de Montmorency et gouverneur de Paris, ne parvient pas à contrôler les troubles urbains. Cédant face au danger parisien, il préfère quitter la ville quelques jours après le mariage.

Le , un attentat à l’arquebuse, attribué à un certain Maurevert, est perpétré contre Gaspard de Coligny à sa sortie du Louvre, alors qu’il se dirige vers son hôtel, rue de Béthisy.

L’Amiral s’en tire avec l’index de la main droite arraché et le bras gauche labouré par une balle qui y reste. Les soupçons s’orientent très vite vers des proches des Guise et on désigne (probablement à tort) la complicité de la reine-mère, Catherine de Médicis. Pourquoi cet attentat ? Peut-être pour saboter le processus de paix. Mais les plus exaltés y voient une punition divine.

La tentative d’assassinat de Coligny est l’événement déclencheur de la crise qui va mener au massacre, autrement dit le « premier acte » de celui-ci. Les protestants s’élèvent contre cet attentat contre leur chef le plus respecté, et réclament vengeance. La capitale est au bord de la guerre civile entre les partisans des Guise et les huguenots. Pour rassurer Coligny et les protestants, le roi vient avec sa cour au chevet du blessé, et lui promet justice. Devant la reculade du roi face aux protestants, les Guise font mine de quitter la capitale, laissant le roi et la reine mère dans le plus grand désarroi. Charles IX et Catherine de Médicis prennent peur de se retrouver seuls avec les protestants. Depuis la surprise de Meaux en 1567, la reine-mère a toujours eu la plus grande appréhension à l’égard des protestants. Pendant le repas de la reine-mère, des protestants viennent bruyamment lui réclamer justice.

La première Saint-Barthélemy.

Peu de temps après cette décision, les autorités municipales de Paris furent convoquées. Il leur fut ordonné de fermer les portes de la ville et d’armer les bourgeois (“Sa main sanguine par feu, fer, arcs tendus) afin de prévenir toute tentative de soulèvement. Le commandement des opérations militaires fut confié au duc de Guise et à son oncle le duc d’Aumale. Ils ont l’appui des princes connus pour leur intransigeance au sein du cercle royal ; le duc de Nevers, le duc de Montpensier et le bâtard d’Angoulême.

Faute de concordance des sources, il n’est pas possible aujourd’hui pour les historiens de déterminer la chronologie des opérations. Le moment exact où commença la tuerie demeure incertain.

Le « commando » du duc de Guise fut mené rue de Béthisy, au logis de l’amiral de Coligny, qui fut tiré de son lit, achevé et défenestré.

Les nobles protestants logés au Louvre furent évacués du palais puis massacrés dans les rues avoisinantes (on comptait parmi eux Pardaillan, Saint-Martin, Sources, Armand de Clermont de Piles, Saint-Jean-d’Angely, Beaudiné, Puy Viaud, Berny, Quellenec, baron du Pons). Leurs corps rassemblés devant le palais furent dénudés, traînés dans les rues puis jetés dans la Seine.

Les troupes de Guise s’attaquèrent ensuite aux chefs protestants logés dans le faubourg Saint-Germain (qui était à cette époque encore en dehors de la ville). Le contretemps apporté par la fermeture des portes de la ville et la disparition de ses clefs permit aux protestants d’organiser une riposte et de s’enfuir (comme Caumont ou Montgomery).

Ces assassinats constituent le « deuxième acte » du massacre.

La seconde Saint-Barthélemy.

Le « troisième acte » débute au cours de la nuit : les assassinats de chefs protestants se transforment en massacre généralisé de tous les protestants, sans considération d’âge, de sexe ou de rang social. Alertés par le bruit et l’agitation de l’opération militaire, les Parisiens les plus exaltés se laissent emporter par la peur et la violence (“Trestout le peuple sera tant effraie). Ils attribuent à tort le trouble nocturne aux protestants et se mettent à les poursuivre, pensant agir pour la défense de leur ville. Ce serait pour cette raison que le tocsin aurait sonné à la cloche de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, proche du Louvre, tocsin rapidement repris par d’autres clochers de la ville.

La tuerie dure plusieurs jours, malgré les tentatives du roi pour la faire arrêter. Enfermés dans une ville quadrillée par la milice bourgeoise, les protestants ont peu de chance de s’en sortir. Leurs maisons sont pillées et leurs cadavres dénudés et jetés dans la Seine. Certains parviennent à se réfugier chez des proches mais les maisons des catholiques tenus en suspicion sont également fouillées. Ceux qui manifestent leur hostilité au massacre prennent le risque de se faire assassiner. Le massacre touche également les étrangers, notamment les Italiens.

La floraison inopinée d’une aubépine dans le cimetière des Innocents au matin du 24 août perçue comme un signe divin renforce la conviction du peuple du bien-fondé de l’épuration. Le cadavre de Coligny, retrouvé par la foule, est émasculé, plongé dans la Seine, où il pourrit trois jours avant d’être pendu au gibet de Montfaucon (“Voyr les plus grands par col & pieds pendus”).

Gravure allemande représentant l’attentat perpétré contre Coligny.

Dès le matin du 24 août 1572, le roi ordonna en vain l’arrêt du massacre. Il prit différentes mesures pour rétablir l’ordre et tenter vainement de protéger la vie des gens menacés (“Le noir farouche quand aura essayé“). Le roi envoya notamment le duc de Guise et le duc de Nevers protéger les protestants bénéficiant d’un statut ou d’un rang particulier. C’est le cas de l’hôtel de l’ambassadeur d’Angleterre Francis Walsingham où des protestants avaient trouvé refuge et que les Parisiens exaltés étaient en train d’assiéger[10]. D’autres personnes avaient trouvé refuge à l’hôtel de Guise et à l’hôtel de Nemours, où la tante protestante du roi, Renée de France, s’était réfugiée avec une partie de sa maison. Les familiers de la famille royale comme les Crussol, Antoine et Louise, furent protégés et les princes et les princesses de sang trouvèrent un abri sûr derrière les murs du Louvre.

Le 26 août, le roi tint un lit de justice où il endossa la responsabilité de l’exécution des chefs de guerre protestants. Il déclara alors qu’il avait voulu : « prévenir l’exécution d’une malheureuse et détestable conspiration faite par ledit amiral, chef et auteur d’icelle et sesdits adhérents et complices en la personne dudit seigneur roi et contre son État, la reine sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs étant près d’eux. »

Au total, le nombre de morts est estimé à 3 000 à Paris, et de 5 000 à 10 000 dans toute la France, voire 30 000.

Voir le quatrain VI-75 sur la défection de Coligny.