Winston Churchill et l’astrologue Louis de Wohl.
Au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, Londres avait cru avoir trouvé l’arme secrète pour battre Hitler: un astrologue aussi farfelu que mystérieux qui assurait détenir la clef du mode de pensée du Führer.
« Hitler croit en l’astrologie et si je fais les mêmes calculs que ses astrologues, je connaîtrais ce qu’on lui conseille… et cela pourrait profiter aux Britanniques »: c’est armé de cet argument apparemment sans faille que Louis De Wohl devient capitaine et, jusqu’à la fin de la guerre, sera « le prophète » de Londres, comme l’appellera plus tard la presse.
L’histoire est connue depuis 1952, quand l’astrologue a publié une autobiographie très flatteuse intitulée « Le Nostradamus moderne ».
Mais les Archives Nationales britanniques, qui lèvent mardi un demi-siècle de secret sur le dossier « Louis De Wohl » révèlent ce que l’on savait moins : le MI5 (services de renseignements intérieurs) avait prévenu de façon répétée que le supposé « brillant scientifique » était un imposteur.
Né à Berlin le 24 janvier 1903 de parents hongrois, Lajos Mucsinyi Wohl, de son vrai nom, vivote en écrivant des romans de gare avant de s’exiler en 1935 au Royaume-Uni où il se présente comme un astrologue émérite.
Il francise son prénom « Lajos » en « Louis » et s’ajoute une particule pour se faire appeler « De Wohl ». Il assure dorénavant être le fils d’un noble hongrois.
Il prétendra aussi être descendant du poète allemand Heine, tout comme du baron Dreyfus, associé à la famille Rothschild.
A qui veut bien le croire, il vend des horoscopes personnalisés. Son entregent aidant, Louis De Wohl réussit à se faire des clients jusque dans les plus hautes sphères.
Il en profite à chaque fois pour placer son boniment: « J’ai trouvé que toutes les entreprises majeures de Hitler avaient été effectuées sous de bons auspices. Les intuitions divines de Hitler ne sont en réalité qu’une simple connaissance des conjonctions planétaires », écrit-il dans une lettre.
Ainsi, et comme l’astrologie n’est selon lui qu’un « calcul mathématique », il suffit de reproduire les prédictions des astrologues de Hitler pour savoir ce qui lui est conseillé et posséder un avantage décisif sur l’ennemi.
A ceux qui auraient l’esprit trop cartésien, il ajoute: « La question n’est pas de savoir si nous accordons une valeur scientifique à l’astrologie. Ce qui compte, c’est que Hitler suit ses préceptes », affirme De Wohl.
Le laïus finit par convaincre: en 1938, De Wohl est employé comme « propagandiste » par le Special Operations Executive (SOE, responsable des opérations derrière les lignes ennemies).
On ira jusqu’à lui fournir un appartement de fonction à Grosvernor House, en plein coeur de Londres.
Pourtant De Wohl fait grincer quelques dents. « De Wohl est un pur charlatan au passé mystérieux si ce n’est louche »: ce genre de note, écrite en février 1942, abonde dans le dossier du MI5.
« Aucune de ses prédictions ne s’est matérialisée si ce n’est celle de l’entrée en guerre de l’Italie, qu’il a faite à un moment où cela devenait évident », accuse un autre agent.
Mais le MI5 n’a aucun poids sur le SOE, dont le directeur, Charles Hambro, est persuadé que De Wohl est « quelqu’un de splendide et ne veut rien entendre contre lui », regrette une fiche du MI5.
Et le pire n’est même pas dans le dossier du MI5. Comme le rappelle Chris Andrew, historien des services secrets britanniques: « Louis de Wohl a persuadé Whitehall (le quartier du gouvernement britannique, ndlr) que Hitler était obsédé par l’astrologie… C’est complètement faux. »
L’un des astrologues du dictateur, Karl Ernst Krafft, finira dans le camp de Buchenwald.
© 2008 AFP
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