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L’astrologie sumérienne (1)

Le destin des hommes, des animaux, des végétaux et des Nations est fixé par l’assemblée des dieux (I) puis inscrite dans la tablette-aux-destins (II).

I : L’assemblée des dieux en Mésopotamie.

L’assemblée des douze dieux (A) décidait du destin du monde (B) comme le montre plusieurs textes littéraires, « Enki ordonnateur du monde » (C) ou l’épopée de Gilgamesh (D).

A : Les douze dieux mésopotamiens.

Le Panthéon suméro-akkadien comportait de nombreuses divinités, mais seuls douze dieux intervenaient dans la gestion de l’univers. Cette liste évolua à travers la longue histoire pluri-millénaire de la Mésopotamie.

Une tablette retrouvée à Shurupak donne une liste des dieux organisés et hiérarchisés. En haut de la première colonne, on retrouve six noms auxquels il faut rajouter leurs conjoints pour trouver le nombre douze.

1An (Anu).7Urash, Ki, Antu.
2Enlil (Ellil).8Ninlil.
3Inanna (Ishtar).9Dumuzi.
4Enki (Ea).10Ninhursag, Damgalnuna.
5Nanna (Sîn).11Ningal.
6Utu (Shamash).12Sheria, Aya.

En Grèce et sur le modèle sumérien, les principaux dieux étaient douze. Ce sont les dieux olympiens. Je sais qu’il existe plusieurs listes dans la littérature. En ce qui me concerne je me réfère à celle donné par Edith Hamilton dans son livre sur « la mythologie ».

A Rome, continuatrice de la culture hellène, il y a également un conseil des douze dieux, les « Dii Consentes » ou « Dii Complices ». Celui-ci est en réalité un mélange entre le panthéon grec et le panthéon étrusque.

1Zeus (Jupiter).
2Poséidon (Neptune).
3Hadès (Pluton).
4Hestia (Vesta).
5Héra (Junon).
6Arès (Mars).
7Athéna (Minerve).
8Apollon.
9Aphrodite (Vénus).
10Hermès (Mercure).
11Artémis (Diane).
12Héphaïstos (Vulcain).

Le Panthéon sumérien était organisé en une double triade, la première impliquait le Ciel, la Terre et le sous-sol (1) et la deuxième les trois astres majeurs (2).

1. La première triade sumérienne.

Au sommet du Panthéon, se trouvent trois dieux qui dirigent chacun un domaine de la création.

« Lorsque le Ciel eut été séparé de la Terre

Et que la Terre eut été séparée du Ciel

An ayant emporté avec lui le Ciel

Et Enlil ayant emporté avec lui la Terre

Et ayant octroyé le KUR à Ereskigal. »

(Enkidu et les enfers)

Nous avons An (en sumérien), Anu (en akkadien) qui dirige le Ciel. Il est le créateur du monde et prend la forme d’une créature évanescente. Il participe rarement aux décisions divines. Il est uniquement une instance d’appel. Il n’est pas représenté sous forme de statue, mais par une tiare avec des cornes. Il est représenté par le chiffre soixante.

Statuette en terre cuite du dieu Enki/Ea sur un trône, une coupe à la main.

Nous retrouvons souvent une double tiare d’An sur les stèles astrologique de l’époque cassite.

Kudurru du roi cassite Mellishipak II (Mellishikhu) 1188-1174 av. J.-C., Musée du Louvre.

Les deux autres dieux de la triade sont Enlil et Enki.

Enlil (en sumérien), Ellil (en akkadien) est le seigneur (En) du vent (lil). Il est parfois le fils aîné ou le frère du dieu An selon les époques et les textes. Il dispose des attributs royaux. C’est lui qui choisit les rois humains et leur donne les attributs de la royauté. Il était associé au nombre cinquante.

Le dieu Enlil, assis. Le poing gauche serré tient un objet (aujourd’hui perdu). Provenant du quartier des scribes à Nippur, Irak. 1800-1600 AVANT NOTRE ÈRE. Argile cuite. On peut voir des traces de peinture rouge et noire. Exposé au Musée de l’Irak à Bagdad, Irak.

Dans le texte « Enkidu et les enfers« , le texte attribut l’enfer (Kur) à Ereskigal. Ereskigal, c’est Enki. Enki (en sumérien) ou Ea (en akkadien) est le dieu des eaux douces souterraines. Il est le dieu civilisateur qui maîtrise les arts et les techniques. Il était associé au nombre quarante.

1An (Anu).Ciel.60
2Enlil.Terre.50
3Enki.Sous-sol.40

La double tiare des kudurrus cassites correspondent aux deux autres dieux qui dirige, l’un le Ciel et l’autre les Enfers. Ils sont tous deux, représenté avec une la tiare de An, comme nous venons de le voir. En effet, l’un comme l’autre détient son pouvoir de An. Un dieu suprême qui délègue son pouvoir à un représentant sur terre et sous la terre.

1An.Le dieu du ciel. Le dieu le plus élevé du Panthéon. Son nom est écrit avec un signe en forme d’étoile. Il est le souverain de tous les dieux. Il arbitre les conflits entre les dieux. Ses décisions sont sans appel.
2Enlil.Le seigneur des airs. Il est le souffle de vie. Il est le roi de Sumer, de la Mésopotamie et même de la terre entière. C’est lui qui choisit le souverain terrestre. Il a créé le monde.
3Enki.Le seigneur de la terre. Il est le dieu de la terre, le maître des eaux douces et des cours d’eau. Il est l’inventeur des techniques, des sciences et des arts. Il va appliquer les lois adoptées par Enlil.

Nous retrouvons la même chose en Grèce. Selon les textes mythologies, à la mort de Cronos (Saturne chez les Latins), ses trois fils se partagèrent le monde par tirage au sort. Zeus fut tiré au sort, le premier et devint le roi du Ciel, Poséidon devient roi de la mer et Hadès le roi du sous-sol.

 

1Zeus.Il est le dieu souverain, le seigneur du Ciel, le dieu de la pluie et de l’orage.
2Poséidon.Il est le dieu de la mer.
3Hadès.Il dirige le monde souterrain et le royaume des morts.

La trinité divine sumérienne, comme son homologue grecque, peuvent être mise en parallèle avec la Sainte Trinité catholique dont elle semble directement inspirée.

1Dieu.Vis dans le Ciel
2Saint-Esprit.Esprit de Dieu qui agit dans les airs.
3Fils.Jésus-Christ incarné parmi les hommes sur terre.
ElémentsSumer.Grèce.Christianisme.
Ciel.An.Zeus.Dieu.
Air/Eau.Enlil.Poséidon.Saint-Esprit.
Terre/ sous-sol.Enki.Hadès.Fils.

2. La deuxième triade sumérienne.

Les trois autres noms de la tablette de Shurupak forme la deuxième triade des dieux planétaires.

1Inanna (Ishtar).Vénus.15
2Nanna (Sîn).Lune.30
3Utu (Shamash).Soleil.20

Cette trinité est représenté au sommet des stèles cassites astrologiques.

Kudurru du roi cassite Mellishipak II (Mellishikhu) 1188-1174 av. J.-C., Musée du Louvre.
Haut du Kudurru du roi cassite Mellishipak II (Mellishikhu) 1188-1174 av. J.-C., Musée du Louvre.

Inanna (en sumérien) ou Ishtar (akkadien) est surnommé la « dame des cieux ». Elle est la déesse la plus importante du panthéon sumérien. Elle est la déesse de la fertilité, de l’amour et de la guerre. Elle est associée à la planète Vénus. Elle correspond au nombre quinze.

Plaque en terre cuite représentant la déesse Ishtar. Eshnunna, c. 1800 av. J.-C.

Inanna est figuré par une étoile à huit branches.

Vénus dans le Kudurru du roi cassite Mellishipak II (Mellishikhu) 1188-1174 av. J.-C., Musée du Louvre.

Nanna (en sumérien), Sîn (en akkadien) est le dieu de la Lune. Il est associé au chiffre trente. On la retrouve sous une forme traditionnelle d’un croisant.

La Lune dans le Kudurru du roi cassite Mellishipak II (Mellishikhu) 1188-1174 av. J.-C., Musée du Louvre.

Utu (en sumérien), Shamash (en akkadien) était le dieu Soleil. Il symbolisait la fertilité, la justice et la vérité. Il est associé au nombre vingt.

Le Soleil dans le Kudurru du roi cassite Mellishipak II (Mellishikhu) 1188-1174 av. J.-C., Musée du Louvre.

B : L’assemblée du destin.

Le Panthéon mésopotamien regroupait un certain nombre de Dieu. On parlait alors de « dingir » en sumérien et d’«ilu » en akkadien, comme le dit Jean Botéro dans son livre « la plus vieille religion du monde« .

« Concept religieux fondamental qui répondait à une classe déterminée d’êtres, mis en relief dans l’écriture, par la présence, juste avant le nom de chacun de ses représentants du signe cunéiforme « indicatif » de l’étoile. On ne l’épelait pas, mais il avertissait du caractère « surélevé » = surnaturel du personnage. » (Jean Bottéro, la plus vieille religion, folio, p. 102).

Les dieux se réunissaient en assemblée.

« Tout en établissant une certaine hiérarchie entre les dieux, les Sumériens pensaient qu’une forme d’assemblée divine se réunissait régulièrement pour renforcer sa sociabilité par un banquet et prendre des décisions importantes. » (Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Bouquins, Robert Laffont, p. 85).

Des assemblées réelles étaient organisées dans certains lieux. Les dieux étaient représentés par des statues.

« Un certain nombre de rituels montrent que l’on réunissait lors des grandes cérémonies les dieux et les déesses sous la forme de leurs statues dans les sanctuaires majeurs pour siéger dans le « lieu de l’assemblée divine » (ubshukkinakku) et y prononcer les destins du pays. » (Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Bouquins, Robert Laffont, p. 85).

C : « Enki ordonnateur du monde ».

Plusieurs œuvres littéraires mésopotamiennes évoquent cette assemblée et son rôle dans le destin du monde. Nous pouvons lire ces textes dans un autre livre de Jean Bottéro, « lorsque les dieux faisaient les hommes« . Le livre édité dans les année quatre-vingt n’est pas réédité et se trouve d’occasion à des prix exorbitants (entre 200€ et 500€). Il mériterait pourtant une réédition en poche, tant son intérêt est majeur sur les origines de la civilisation. Il est possible de le trouver en version pdf gratuit sur Internet.

Nous trouvons par exemple le texte «Enki ordonnateur du monde ».

« Jusqu’aux cieux chatoyants et impénétrables,

Tu portes tes regards pareils à des roseaux halhal !

C’est toi qui nombres les jours, mets en place les mois,

Parachèves les années,

Et, quand (chacune) se clôt,

Expose au Conseil la décision exacte

Et déclares, devant tous, la sentence !

Ô vénérable Enki, le souverain des hommes tous ensemble,

C’est toi ! »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 166).

« Seigneur chéri de An, parure d’Eridu !

Toi qui rumines ordres et décisions,

Qui arrêtes à bon escient les destins !

Toi qui fermes (…) jours ; qui mets les mois en place,

Qui fait arpenter le ciel aux étoiles,

Dont tu connais le nombre !

Toi qui as installé les gens en leur demeure

Et prends garde qu’ils suivent leur pasteur ! « 

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 167).

Enki fixe les jours, mois et année pour permettre aux hommes de connaître l’écoulement du temps et l’avenir. Ce passage a été repris au début de la Genèse.

« Dieu dit :  » Qu’il y ait des luminaires dans le firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu’ils soient des signes, qu’ils marquent les époques, les jours et les années, et qu’ils servent de luminaires dans le firmament du ciel pour éclairer la terre.  » Et cela fut ainsi. Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles. Dieu les plaça dans le firmament du ciel pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Et il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le quatrième jour. » (Genèse, I, 14-19).

Le dieu Enki fixe les jours et les mois de l’année. Il établit donc le calendrier. Le Dieu du Christianisme fait la même chose. Il divise le Ciel en « signes ». Il crée les astres qui vont parcourir les « signes » du zodiaque, ce qui va permettre de fixer les époques, les jours et les années. Nous trouvons là une description de l’astrologie et de son rôle prédictif. N’en déplaise à certains. Les racines de ce texte se trouvent à Sumer. Nous savons qu’Abraham venait de la cité sumérienne d’Ur et qu’il emmena ce savoir ancestral avec lui dans ses bagages. Qu’il fut ensuite introduit dans la description de la création du monde par le rédacteur de la Genèse.

« Et il lui dit : « Je suis Yahvé, qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens, afin de te donner ce pays pour le posséder. » » (Genèse, XV : 7)

Mais là où le texte sumérien va plus loin que cela de la Genèse, c’est que, à chaque début d’année, Enki présente au conseil des dieux les nouvelles sentences qui toucheront les peuples et les individus pour l’année suivante. En début d’année, le destin de chacun est redéfini par le Conseil des dieux. C’est le rôle de la révolution solaire (pour le destin des hommes) et de l’Ingres de Bélier (pour le destin, des royaumes et des empires).

L’Ingrès de Bélier marque le moment où le Soleil entre dans le signe du Bélier. Cela se produit au mois de mars. Jusqu’à une époque très récente, le début de l’année commençait justement en mars.

Nous retrouvons le conseil des dieux dans le Judaïsme avec les douze tribus d’Israël qui se réunissent en Grand Conseil avec Jacob ou Moïse.

« Ce sont là tous ceux qui formèrent les douze tribus d’Israël ; c’est ainsi que leur parla leur père et qu’il les bénit. Il les bénit chacun selon sa bénédiction. » (Genèse, XLIX : 28).

Plus étonnant nous retrouvons un grand conseil des douze apôtres dans la bouche de Jésus qui peut sans doute faire référence à des sources sumériennes où le christianisme prend ses racines.

« Alors Pierre, prenant la parole :  » Voici, dit-il, que nous avons tout quitté pour vous suivre ; qu’avons nous donc à attendre ?  » Jésus leur répondit :  » Je vous le dis en vérité, lorsque, au jour du renouvellement, le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez aussi sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura quitté des maisons, ou des frères, ou des sœurs, ou un père, ou une mère, ou une femme, ou des enfants, ou des champs à cause de mon nom, il recevra le centuple et possédera la vie éternelle. » » (Mathieu, XIX, 27-29).

Douze dieux sumériens, douze dieux grecs, douze tribus israéliennes ou douze apôtres, comme les douze signes du zodiaque.

D : L’épopée de Gilgamesh.

Dans un autre livre de Jean Bottéro, sur l’épopée de Gilgamesh, lui disponible à un prix abordable, nous trouvons également une référence au conseil des dieux.

« Et Enkidu s’adressa à Gilgamesh :

Ecoute le rêve que j’ai fait cette nuit :

Anu, Enlil, Ea et Shamash-le-céleste tenaient conseil.

Et Anu dit à Enlil :

Parce qu’ils ont tué, et le Taureau-Céleste, et

Humbaba, pour cela, dit Anu, celui d’entre eux

Qui a dépouillé la Montagne des Cèdres, doit mourir !

Mais Enlil répondit : Enkidu doit mourir,

Mais Gilgamesh ne doit pas mourir ! »

(Jean Bottéro, l’épopée de Gilgamesh, fragment du IIe millénaire, 1-10, p. 286-287)

C’est lors du Conseil des dieux que Enlil condamne à mort Enkidu pour avoir tué, avec Gilgamesh , le Taureau céleste et le géant Humbaba.

Pour plus de détails sur ce sujet, je vous renvoie à la lecture de mon article sur « l’astrologie et l’épopée de Gilgamesh« .

II : La tablette-aux-destins.

Les décisions du conseil des dieux sont inscrites sur la tablette-aux-destins. Elle contient le destin de l’univers et de l’ensemble des êtres vivants. On la retrouve mentionné dans plusieurs textes, dont Enki ordonnateur du monde (§1), le mythe d’Anzu (§2) et dans l’enuma elish (§3).

A : « Enki ordonnateur du monde ».

La tablette des destins contenait le futur de l’univers et de tous les êtres vivants. Elle était détenue par le chef des dieux, Enki.

« Moi, le Seigneur, je vais partir !

Je vais gagner mon pays (…), moi, Enki !

Je vais (…), moi, le maître des destinées ! »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 169).

Une fois, les décisions prisent, Enki va parcourir le monde pour annoncer le destin de chaque pays, de chaque région ou de chaque roi.

« Enki le vénérable s’approchait du pays,

Afin que, suite à cette visite du grand Prince,

L’opulence y prévalût partout !

Il en arrêta donc le destin en ces termes :

Ô Sumer, grand pays, territoire infini,

Enveloppé d’une lumière indéfectible,

Dispensateur des Pouvoirs à tous les peuples,

De l’Orient à l’Occident !

Sublimes et inaccessibles sont tes pouvoirs

Et ton cœur est plein de mystère, insondable.

Ton habilité inventive, qui peut enfanter même des dieux,

Est aussi, hors d’atteinte que le ciel :

Elle donne naissance, et aux rois,

Qu’elle ceint du diadème authentique,

Et aux prêtres enturbannés ! »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 171).

Sumer a pour fonction de dominer les autres peuples. Elle donnera des rois et des prêtres. Ce passage est fondamental, car nous comprenons que les dieux ont donné une mission particulière à Sumer en matière de religion et d’organisation politique sur les autres peuples.

La aussi, comme pour l’astrologie et le conseil des dieux, nous trouvons une transmission de la division du pouvoir entre une fonction politique et une fonction religieuse. Une conception née à Sumer, puis transmise aux Juifs puis aux Chrétiens.

Au moment de la fuite d’Egypte, Moïse fut chargé de la fonction politique, alors que son frère, Aaron s’occupait de la religion.

Nous retrouvons la même séparation entre fonction religieuse et fonction politique au moment du Royaume d’Israël. Samuel fut le Grand Prêtre. C’est lui qui sacra avec de l’huile sainte le roi Saül, puis le roi David.

« Yahvé ! Ses ennemis seront brisés ; du haut du ciel il tonnera sur eux, Yahvé jugera les extrémités de la terre. Il donnera la puissance à son roi, et il élèvera la corne de son oint. » (1 Samuel, II : 10).

« Et je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira selon mon coeur et selon mon âme, je lui bâtirai une maison stable, et il marchera toujours devant mon oint. » (1 Samuel, II : 35).

Lorsque Saül empiète sur la fonction religieuse de Samuel, Dieu lui retire sa fonction politique de roi. Il sera remplacé par David, sacré par Samuel. Samuel. Comme ce sera le cas des papes avec le catholicisme, Samuel dispose du droit de « lier » (le sacre) et de « délier » (retirer le titre de roi par excommunication).

« Et Yahvé dit à Samuel : «Ne prends pas garde à sa figure et à la hauteur de sa taille, car je l’ai écarté. Il ne s’agit pas de ce que l’homme voit ; l’homme regarde le visage, mais Yahvé regarde le coeur.

Isaï appela Abinadab et le fit passer devant Samuel ; et Samuel dit : «Ce n’est pas encore celui-ci que Yahvé a choisi.» Isaï fit passer Samma ; et Samuel dit : «Ce n’est pas encore celui-ci que Yahvé a choisi.» Isaï fit passer ses sept fils devant Samuel ; et Samuel dit à Isaï : «Yahvé n’a choisi aucun de ceux-ci.»

Alors Samuel dit à Isaï : «Sont-ce là tous les jeunes gens ?» Il répondit : «Il y a encore le plus jeune, et voilà qu’il fait paître les brebis.» Samuel dit à Isaï : «Envoie-le chercher, car nous ne nous mettrons point à table qu’il ne soit venu ici.»

Isaï l’envoya chercher. Or il était blond, avec de beaux yeux et une belle figure. Yahvé dit : «Lève-toi, oins-le, car c’est lui !» Samuel, ayant pris la corne d’huile, l’oignit au milieu de ses frères, et l’Esprit de Yahvé fondit sur David à partir de ce jour et dans la suite.

Samuel se leva et s’en alla à Ramatha.

L’Esprit de Yahvé se retira de Saül, et un mauvais esprit venu de Yahvé fondit sur lui. » (1 Samuel, XVI : 7-14).

Avec le Christ, va venir la théorie des deux glaives qui se trouve en filiation directe du judaïsme de l’Ancien testament et de Sumer, comme le montre le texte « Enki ordonnateur du monde« .

« Et il leur dit :  » Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ?  » Ils dirent : « De rien. » Il leur dit : « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, et de même la besace ; et que celui qui n’a pas de glaive vende son manteau et en achète un. Car, je vous le dis, il faut encore que cette Ecriture s’accomplisse en moi : Et il a été compté parmi les malfaiteurs. Aussi bien, ce qui me concerne touche à sa fin. » Ils lui dirent : « Seigneur, voici ici deux glaives. » Il leur dit : « C’est assez. » » (Luc, XXII : 35-38).

Théorisée par Saint-Bernard et repris dans la bulle « unam sanctam par Boniface VIII :

« Sûrement celui qui nie que le glaive temporel est au pouvoir de Pierre ne remarque pas assez la parole du Seigneur : « Mets ton glaive au fourreau ». Les deux glaives sont donc au pouvoir de l’Eglise, le spirituel et le matériel, mais l’un doit être manié pour l’Eglise, l’autre par l’Eglise ; l’un par la main du prêtre, l’autre par celle des rois et des chevaliers, mais sur l’ordre du prêtre et tant qu’il le permet. Car il faut que le glaive soit sous le glaive et que l’autorité temporelle soit soumise à la spirituelle. » (bulle unam Sanctam)

Revenons au texte sumérien « Enki, ordonnateur du monde« . Le texte parle d’Ur dont nous savons le rôle particulier qu’elle joua dans la naissance du judaïsme, puis du christianisme. C’est la cité d’Abraham.

« Puis, arrivé à Ur, la cité sainte,

Enki, roi de l’Apsû, en arrêta le destin :

« Cité toute-parfaite, les pieds dans l’eau,

Taureau puissant,

Riche estrade qui domine la terre,

Haute comme une montagne,

Bosquet embaumé, à l’ombre déployée,

Sûre de ta force,

Les Pouvoirs préparés pour toi te combleront !

Car Enlil, le Grand-Mont,

A prononcé devant l’univers ton nom sublime !

Ô cité dont Enki aura arrêté le destin,

Ô ville sainte d’Ur, tu seras exhaussée jusqu’au ciel ! »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 172).

Ur est présenté comme une ville sainte qui est rehaussée jusqu’au ciel. Il est question d’un bosquet embaumé et d’une haute montagne, qui fait penser à l’épisode de Moïse, au buisson ardent et au décalogue.

B : Le mythe d’Anzû.

Autres œuvre littéraire présente dans le livre de Jean Bottéro « Lorsque les dieux faisaient les hommes« , c’est le « mythe d’Anzû » qui est une variante de « Enki ordonateur du monde« , puisque là, c’est Enlil qui détient la tablette-du-destin.

« Le dieu accepta donc ce que lui avait proposé Ea :

Il prit possession de son sanctuaire (…)

Et distribua leurs charges à tous les dieux !

Suite à sa décision, il garda Anzû auprès de lui,

Et le chargea de surveiller l’entrée

Du saint-des-saints qu’il avait parachevé.

Toujours il prenait devant lui son bain d’eau-claire :

Ainsi Anzû observait-il faits et gestes de son souverain !

Il avait sans cesse devant les yeux sa Couronne-impériale

Et son Manteau-divin,

Ainsi que la Tablette-aux-destins,

Qu’Enlil gardait sur lui. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 392-393).

Enlil s’était vu confier la garde des insignes royaux : la couronne impériale et le manteau-divin. Il avait également la garde de la tablette-aux-destins.

Anzû (en akkadien), Imdugud (en sumérien), est un monstre mi-aigle, mi-lion qui avait la garde de l’entrée du palais d’Enlil.

Relief votif d’Ur-Nanshe, roi de Lagash, représentant l’oiseau-tempête divin Anzû (ou I’m-dugud) en aigle léontocéphale. Albâtre, Dynasties Archaïques III (2550-2500 av. J.-C.). Découvert à Tello, ancienne cité de Girsu.

« A force de voir, de la sorte, le père des dieux, Duranki,

Il résolut de lui dérober la Souveraineté

A force de voir de la sorte le père des dieux, Duranki,

Anzû résolut de lui dérober la Souveraineté :

Je m’emparerai, moi, de la divine Tablette-aux-destins,

Je monopoliserai les charges de tous les dieux,

J’aurai le trône pour moi seul

Et je maitriserai tous les Pouvoirs-divin !

A l’entrée du saint-des-saints qu’il gardait,

Il attendit le point du jour.

Et, pendant qu’Enlil prenait son bain d’eau-claire,

Dépouillé de ses vêtements

Et la Couronne déposée sur son trône,

Anzû s’empara de la Tablette-aux-destins

Et prit pour lui la Souveraineté,

Laissant ainsi vaquer les Pouvoirs-divins. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 393).

Anzû déroba les attributs royaux et surtout la tablette-aux-destins provoquant le désordre du monde.

« Comme il avait confisqué la Souveraineté,

Les pouvoirs-divins vaquaient,

Enlil, le père et le roi des dieux était paralysé,

La Majesté avait disparu, le Silence régnait !

Tous les Igigi au complet étaient en pleine confusion !

Et le saint-des-saints dépouillé de sa dignité !

De partout confluèrent alors les dieux de la terre. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 406).

Un passage intéressant indique que sans les attributs royaux et surtout la tablette-aux-destins, le silence règne dans le monde. Les dieux ne peuvent plus intervenir sur terre. « La Majesté avait disparu, le Silence régnait ! ».

Anzû, Lagash, à l’époque d’Entemena.

L’assemblée des dieux décida de récupérer la tablette. Elle envoya Ninurta pour combattre Anzû.

« Le Sublime et puissants fils des Dieux, le chéri de Mammi,

L’auxiliaire de An et de Dagan, le préféré du Prince,

Banda alors son Arc et l’arma ;

Puis, de la panse de l’Arc, lui décocha un trait.

Mais la flèche revint sans avoir touché Anzû,

Car celui-ci lui avait crié :

Trait qui m’arrives, retourne à ta cannaie :

A ton fourré, bois de l’Arc !

Corde, à l’échine du mouton !

Empennage, retourne à tes oiseaux d’origine !

La Tablette-aux-destins, qu’il détenait,

Avait ainsi supprimé la corde de l’Arc !

Et éloigné de son corps la flèche !

Le combat s’interrompit donc, s’arrêta la bataille,

Et tourna court le choc des armes, sur la montagne,

Sans que Ninurta eût pu vaincre Anzû. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 399-400).

Les dieux vont donner un précieux conseil pour vaincre Anzû malgré la tablette-aux-destins.

« Tout ce que je te dis là, redis-le-lui :

Le combat ne s’arrêtera qu’avec la victoire !

Epuise Anzû, tant et si bien,

En l’exposant à des coups de Vents,

Qu’il laisse choir ses ailes :

Alors, en place de tes traits,

Empare-toi d’une arme de taille,

Et tranche-les-lui, le mutilant à droite et à gauche,

De sorte que la vue de ses ailes en cet état

Lui ôte le parler de la bouche :

Il ne fera plus que réclamer une aile, puis une l’autre !

Mais bande seulement ton Arc, et que, de sa panse,

Les flèches partent comme autant d’éclairs,

Tandis que ses ailes et pennes

Frétillerons, ensanglantées !

Rends-toi donc maître de sa vie : vaines Anzû,

Et que les vents emportent au secret ses ailes. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 400-401).

Ainsi fut vaincu Anzû et la Tablette-aux-destins restitué à Enlil.

C : « Enuma elish ».

Toujours dans « lorsque les dieux faisaient les hommes« , nous trouvons sans doute l’un des plus grand chef d’œuvre de la littérature sumérienne, avec « l’épopée de Gilgamesh ». Je parle de l’enuma elish. Nous pouvons également le trouver, dans une traduction originale de Louis Galador. Le prix est abordable, contrairement à celui de Jean Bottéro. Un monument de la littérature mondiale de tous les temps que je vous invite à découvrir dans cette édition.

Dans l’enuma Elish, on retrouve une description de la création du monde. C’est un texte récent dans l’histoire de la Mésopotamie. Il date du XIIe siècle et reprend sans doute une tradition plus ancienne. Il ressemble par certains aspects à « Enki, ordonnateur du monde« . Je ne citerais que les passages qui concernent la tablette-aux-destins.

« Il appela ce palais Apsû,

Et l’on y marqua les Salles-de-cérémonie.

Là même, il établit

Sa chambre-nuptiale,

Où Ea, avec Damkina, son épouse.

Siégèrent en majesté.

Dans ce Sanctuaire-aux-Destins,

Cette Chapelle-aux-Sorts. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 607-608).

Le palais de l’Apsû, demeure des dieux dans le Ciel est appelé le sanctuaire aux destins.

« Elle exalta Quingu,

Lui conférant, entre eux, le plus haut-rang :

La marche en tête de l’armée,

La direction du conseil-de-guerre,

Le lever d’arme pour l’engagement,

La conduite de la bataille,

L’autorité

Sur les combattants :

Elle lui mit tout cela en main

Et elle l’installa sur le siège-d’honneur,

(disant 🙂 j’ai proféré pour toi la Formule

Et je t’ai fait prépondérant en l’Assemblée des dieux ;

Je t’ai offert

La principauté sur eux tous !

Sois le plus grand !

Sois mon époux unique !

Qu’on exalte ton nom

Sur tout les Anunnaki !

Et elle lui remit la Tablette-aux-destins,

Quelle fixa sur sa poitrine :

Qu’irrévocable soit ton ordre ! (dit-elle).

Que (ta parole) se réalise !

Quingu ainsi surexalté

Et mis en possession de la suprématie,

Pour les dieux, ses enfants,

(Elle arrêta) ce destin :

En ouvrant seulement la bouche,

Que votre venin concentré

Fasse céder la Tyrannie ! »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 611).

La Tablette aux destins est remise à Quingu le fils de Tiamat. Grâce à elle, il peut par sa simple parole fixer le destin des êtres vivants.

« Alors Ea

Ouvrit sa bouche :

O toi, esprit profond,

Qui arrêtes le Destin,

Toi qui, seul, as pouvoir

De produire et d’anéantir !

Ansar, esprit profond,

Qui arrêtes le Destin,

Toi qui, seul, as pouvoir

De produire et d’anéantir !

L’ordre que tu m’as donné,

Nous le… sur-le-champ.

Sitôt que j’ai fait. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 614).

Tiamat entre en guerre contre les dieux. Mardouk va prendre la direction des armes divines. L’assemblée des dieux vote en faveur de Mardouk, un destin victorieux.

« Il déclara à ce dernier :

Seigneur des dieux,

Qui arrêtes le destin des grands-dieux,

Si moi

Je dois vous venger :

Terrasser Tiamat

Pour vous sauver,

Tenez conseil

Et proclamez-moi un destin transcendant !

En la Salle-aux-délibérations,

Siégez allégrement ensemble

Et faites que, d’un mot, en votre lieu-et-place,

J’arrête les destins :

Que rien ne soit changé

De ce que moi, j’agencerai,

Et que tout ordre proféré par mes lèvres

Demeure irréversible, irrévocable ! »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 618).

Mardouk devient roi en recevant les attributs de la royauté, sceptre, trône et bâton.

« Marduk seul est le Roi !

Et lui remirent à la suite

Sceptre, trône et Bâton royal.

Puis ils lui conférèrent l’Arme-sans-pareille,

Qui jette-à-terre les ennemis :

Pars donc

Trancher la gorge à Tiamat »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 626).

Mardouk parvient à vaincre Tiamat. Il s’empare de la Tablette-aux-destins et la fixe sur sa poitrine.

« Il le terrassa

Et en fit un « dieu-mort » ;

Il lui ôta la Tablette-aux-destins

Qui ne lui convenait pas

Et l’ayant scellée de son sceau,

La fixa à sa poitrine. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 630).

Puis il offrit la Tablette-aux-destins à Anu.

« Il établit les Pouvoirs-délégués des dieux

Et il en investit Ea,

Il enleva la Tablette-aux-destins

Qu’il avait confisquée à Quingu

Et l’emporta pour l’offrir à Anu

En premier cadeau de bienvenue. »

(Jean Bottéro, lorsque les dieux faisaient les hommes, p. 634).

Nous voilà arrivée au terme de ce premier article sur l’astrologie sumérienne. Suite au prochain article.

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