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Les ères astrologiques en Grèce : l’ère du Gémeaux (1).

Après avoir étudié dans le détail les ères astrologiques dans la Bible, je vous propose de reprendre le même travail, mais avec la Grèce et en particulier avec sa mythologie. Les sources sont là aussi très riches et permettent de faire un vaste travail de recherche. Il est d’ailleurs très étrange de remarquer, qu’il est possible de retrouver la trace de presque toutes les ères astrologiques, alors même que l’histoire de la Grèce antique est “censé” être circonscrite sur une période très courte.

Dans le cadre de cette série d’articles, je me limiterais à l’histoire “officielle” afin d’esquisser une histoire des ères astrologiques en lien avec l’archéologie et les textes parvenus jusqu’à nous. A ce stade, le reste n’est que spéculation stérile et me ferait perdre en crédibilité. D’autant qu’il existe d’autres hypothèses pour expliquer les ères astrologiques que l’observation sur une longue durée des effets du Ciel sur les civilisations, comme par exemple l’inconscient collectif et ses archétypes universels dont les ères astrologiques seraient l’une des expressions, parmi d’autres. On peut les comprendre et les découvrir en étudiant les mythologies et les contes de fées. Il est également possible que les Grecs aient eux accès au savoir Sumérien ou Mazdéens via l’Asie mineure.

Selon les historiens, la Grèce était peuplé de villages permanents qui vivaient de l’agriculture et de l’élevage, dès le Néolithique, soit dès sept mille ans avant Jésus-Christ, ce qui nous situe sous l’ère du Gémeaux. C’est également sous cette ère que commence l’Ancien testament avec Adam et Eve. Donc il est logique de commencer cette série d’articles avec l’ère du Gémeaux.

L’ère astrologique du Gémeaux a laissé quelques traces dans la mythologie grecque dont il convient de parler. Le Gémeaux (I) s’oppose au Sagittaire (II). Ce sont les deux influences de cette époque, l’une principale et l’autre secondaire. Durant cette ère, le signe précédent qui va être sacrifié, c’est le Cancer (III).

I : Le Gémeaux.

Le Gémeaux est représenté par Castor et Pollux (A), par le huitième travail d’Héraclès (B) et par la guerre de Troie (C).

A. Castor et Pollux

Dans la Bible, le signe du Gémeaux est symbolisé par le couple divin Adam et Eve ou Abel et Caïn. Dans la mythologie grecque, nous avons Castor et Pollux. Il faut dire quelques mots sur le contexte de la naissance de ce couple important dans le monde grec.

Zeus s’unit à Léda sous l’aspect d’un cygne et, la même nuit, s’unit aussi à elle son époux Tyndare. Léda eut Pollux et Hélène de Zeus ; et Castor et Clytemnestre de Tyndare. Certains, toutefois, prétendent qu’Hélène était la fille de Zeus et de Némésis. Un jour, Némésis, pour se soustraire aux violences de Zeus, se métamorphosa en oie ; Zeus se changea alors en cygne et s’unit à elle. Némésis pondit un oeuf ; un berger le trouva dans les buissons et le porta à Léda. Léda le conserva dans un coffre ; à terme, Hélène naquit et Léda l’éleva comme sa propre enfant. La jeune fille devint extraordinairement belle, si bien que Thésée l’enleva et la mena à Aphidna. Comme Thésée se trouvait aux Enfers, Castor et Pollux assiégèrent la ville et s’en rendirent maîtres ; ils prirent Hélène et emmenèrent comme captive la mère de Thésée, Éthra.” (Apollodore, La bibliothèque, Editions de l’aire, p. 167).

Leda, reine de Sparte, donna naissance à deux enfants mortels avec Tyndare, le roi de Sparte : Castor et Clytemnestre.

Lors d’une relation avec Zeus ayant pris l’apparence d’un cygne, elle donna naissance à deux enfants immortels : Pollux et Hélène de Troie.

Léda et Zeus sous la forme d’un cygne, fresque antique de Pompéi.

Deux filles et deux garçons.

Nous avons donc en réalité deux couples divins, comme dans la Bible avec Adam et Eve et avec Abel et Caïn.

Les deux frères étaient appelés les Dioscures. Ce sont Castor et Pollux. Ce sont deux cavaliers réputés pour être doués dans l’art de la guerre. Ils sont souvent représentés à cheval, ce qui fait du cheval l’un des symboles de l’ère du Gémeaux.

Plaque votive avec Dioscures et Artémis, trouvée à Demir Kapiya, Macédoine, IIe – IIIe siècle.
Relief votif avec apparition des Dioscures. Dans la partie supérieure, les Dioscures galopent au-dessus d’une Victoire en vol. Marbre, iie siècle av. J.-C., Larissa (Thessalie). Musée du Louvre.
Castor, dompteur de chevaux. Cratère des Niobides, vers 460-450 av. J.-C., Musée du Louvres (G 341).

B. Le huitième travail d’Héraclès.

Dans les douze travaux d’Héraclès, celui-ci doit conduire les juments de Diomède. Ce travail représente le signe du Gémeaux.

Le huitième travail consista à porter à Mycènes les juments du roi de Thrace Diomède. Ce dernier était le fils d’Arès et de Cyrène, et régnait sur les Bistones, un peuple de Thrace très belliqueux, et il possédait des juments anthropophages. Héraclès mit à la voile avec une équipe de volontaires, attaqua les gardiens des écuries, et mena les juments sur la plage. Mais les Bistones prirent les armes et les poursuivirent. Alors Héraclès confia les juments à Abdéros. Celui-ci était le fils d’Hermès ; originaire d’Oponte en Locride, il était aimé d’Héraclès. Mais les juments le mirent en pièces et le dévorèrent. Entre-temps, Héraclès avait défait les Bistones, tué Diomède et contraint à la fuite les survivants. Après avoir fondé la cité d’Abdéra près de la tombe d’Abdéros, le héros amena les juments à Eurysthée. Mais celui-ci ensuite les libéra, et les juments gagnèrent le mont Olympe, où elles furent dévorées par les bêtes sauvages.” (Apollodore, La bibliothèque, Editions de l’aire, p. 98).

Héraclès et les cavales de Diomède, mosaïque de Liria (Espagne), première moitié du IIIe siècle.

Diomède, roi de Thrace, qu’il ne faut pas confondre avec le Diomède qui joua un rôle important durant la guerre de Troie, ni avec le footballeur champion du monde 1998 Bernard Diomède. Le Diomède d’Héraclès possédait des juments anthropophages, c’est-à-dire des chevaux mangeuses d’hommes. Le roi avait pour habitude de donner la chair de ses invités en repas à ses chevaux.

Héraclès doit capturer vivante les juments pour les emmener à Mycène. Elles rejoindront ensuite le mont Olympe. Ce travail caractérise l’ère du Gémeaux comme signe principal. Lorsque le symbole est tué par Héraclès, il s’agit du sacrifice du même signe a l’ère suivante.

C. La guerre de Troie.

Lors de la guerre de Troie, c’est le deuxième couple divin qui va intervenir. Il se compose de deux sœurs : Clytemnestre et Hélène.

Clymnèstre est l’épouse du roi de Mycène, Agamemnon.

Clytemnestre essayant de réveiller les Érinyes tandis que son fils est purifié par Apolloncratère apulien à figures rouges, 380370Louvre (Cp 710).

Hélène est l’épouse du roi de Sparte, Ménélas.

Relief romain représentant Hélène et les Dioscures,

Elles semblent devoir être l’équivalent d’Abel et Caïn dans la Bible. Un couple au destin tragique qui provoqua et entraîna la mort et la division.

Castor et Pollux sont déjà mort depuis longtemps lorsque commence le conflit. Cela montre que c’est le deuxième couple qui est à la manœuvre dans cette guerre.

Afin de prendre la ville de Troie, les Grecs vont utiliser un cheval géant en bois.

Quelque temps plus tard, Ulysse eut l’idée de construire un cheval de bois, qu’il soumit à Épéios qui était architecte. Ce dernier fit couper du bois sur le mont Ida et construisit un cheval, creux à l’intérieur, avec des ouvertures sur les flancs. Ulysse persuada cinquante guerriers parmi les plus valeureux à y entrer (trois mille suivant l’auteur de la Petite Iliade), tandis que les autres, à la nuit venue, devaient mettre le feu à leurs tentes, lever l’ancre, prendre position à Ténédos et revenir par mer la nuit suivante.

On suivit son conseil ; on fit entrer dans le Cheval les plus courageux des guerriers, aux ordres d’Ulysse. Sur le Cheval, il était écrit : «Les Grecs consacrent ce don à Athéna pour le retour dans leur patrie». Puis ils brûlèrent leurs tentes, laissèrent Sinon à terre, qui devait allumer un feu — un signal — et, la nuit venue, ils mirent à la voile et se postèrent à Ténédos.

À l’aube, les Troyens virent que le camp des Grecs était désert ; croyant que leurs ennemis avaient fui, remplis d’allégresse, ils tirèrent le Cheval dans leur ville, le placèrent devant le palais de Priam et délibérèrent sur ce qu’il convenait de faire.

Cassandre soutint qu’à l’intérieur se trouvaient des guerriers armés ; le devin Laocoon était d’accord avec elle ; aussi, qui voulait le brûler, qui le jeter dans un précipice. Mais la majorité estima qu’il fallait l’épargner, comme une offrande votive à la divinité ; on se prépara donc aux sacrifices et aux festins.

Apollon leur envoya un signe : des îles voisines arrivèrent par mer deux serpents qui dévorèrent les fils de Laocoon.

À la nuit tombée, quand tous étaient profondément endormis, les Grecs, ayant quitté Ténédos, firent route vers Troie. De la tombe d’Achille, Sinon alluma un feu pour les guider. Hélène, tournant autour du cheval, appelait les guerriers, en imitant la voix de chacune de leurs femmes. Anticlos voulut répondre, mais Ulysse lui ferma la bouche.

Quand ils se furent assurés que leurs ennemis étaient endormis, les Grecs ouvrirent les portes du cheval et en descendirent, armés. Échion, le fils de Porthéos, mourut le premier, en tombant [du haut] ; les autres descendirent à l’aide d’une corde, puis gagnèrent les murs, ouvrirent les portes et firent entrer leurs compagnons revenus à terre de Ténédos.

Les Grecs en armes se répandirent dans la ville, pénétrèrent dans les maisons et tuèrent ceux qui étaient endormis. Néoptolème tua Priam qui s’était réfugié sur l’autel de Zeus erchéios.

(…)

Les Troyens ayant été tués, les Grecs mirent le feu à la ville, et se partagèrent le butin. Ils offrirent des sacrifices à tous les dieux.” (Apollodore, La bibliothèque, Editions de l’aire, p. 228-230)

Cheval contenant des guerriers, vase de Mykonos, 675 avant J.C.

La scène est relatée dans l’Odyssée. Je ne résiste pas à la tentation de vous la donner pour le plaisir de l’esprit et des yeux.

Hélène : Ménélas, fils d’Atrée, roi chéri de Jupiter, et vous, enfants de héros valeureux (le dieu fils de Saturne nous envoie tour à tour le bien et le mal, car il peut tout), prenez maintenant le repos et goûtez, assis dans vos palais, le charme des doux entretiens.

Je vais vous raconter une aventure intéressante. Je ne pourrai vous rappeler ni vous énumérer tous les hauts faits d’Ulysse à l’esprit audacieux ; mais du moins je vous entretiendrai d’une seule entreprise que tenta ce héros courageux et qu’il accomplit au milieu du peuple des Troyens, où vous, Achéens, avez souffert tant de maux. — Un jour Ulysse, après s’être meurtri le corps de coups ignominieux, jette sur ses épaules de vils haillons, et, semblable à un esclave, il entre dans la cité aux larges rues de ses ennemis. Ulysse, ainsi déguisé, ressemblait à un tout autre homme, à un mendiant ; et il n’était plus ce héros venu jadis sur les navires achéens[8]. Sous ce costume il pénètre dans la ville de Troie, et tous ignoraient que ce fût Ulysse ; moi seule je le reconnus et je l’interrogeai ; mais par ruse sans doute il évita de me répondre. Dès que je l’eus baigné, parfumé d’huile et recouvert d’autres vêtements ; dès que je lui eus juré, par le plus terrible des serments, de ne point découvrir Ulysse aux Troyens avant que ce héros eût rejoint ses tentes et ses rapides navires, il me dévoila tous les projets des Achéens. Puis Ulysse ayant tué avec son glaive redoutable un grand nombre d’ennemis, revint parmi les Argiens avec la réputation d’un homme rempli de stratagèmes[9].. Alors les Troyennes poussèrent de grands cris, et moi je fus forcée de me réjouir au fond du cœur ; car mon seul désir était de revoir mes foyers. Je pleurais sans cesse sur la faute fatale que m’avait fait commettre Vénus, lorsqu’elle me conduisit loin de la terre chérie de la patrie, qu’elle me fit quitter le lit nuptial, et me sépara de ma fille et de mon époux, de Ménélas qui l’emporte sur tous et par son esprit et par sa beauté.

Le blond Ménélas lui répond :

Ma chère épouse, tout ce que tu viens de dire est juste. J’ai appris à connaître les sentiments et les conseils de beaucoup de héros ; j’ai parcouru de nombreuses contrées ; mais jamais je n’ai vu de mes propres yeux un mortel d’une grandeur d’âme égale à celle de l’intrépide Ulysse. Ce héros courageux osa s’introduire dans le cheval de bois au moyen duquel nous pénétrâmes, nous, les plus braves des Grecs, pour porter aux Troyens le carnage et la mort. Inspirée sans doute par un dieu qui voulait combler de gloire les Troyens, tu vins, ô Hélène, suivie du divin Déiphobe, près de nos creuses embûches, et tu en fis trois fois le tour en les touchant de tes blanches mains, et tu appelas par leurs noms les plus illustres des Grecs en imitant la voix de leurs épouses. Assis au milieu des guerriers, moi, Diomède et le divin Ulysse, nous t’entendîmes appeler. À ces accents, le fils de Tydée et moi nous nous élançâmes tout à coup pour sortir ou du moins pour répondre du fond de notre retraite ; mais Ulysse nous arrêta ; il contint notre ardeur, et tous les autres fils des Achéens gardèrent un profond silence. Anticlus seul voulut t’adresser la parole ; mais Ulysse de ses mains robustes lui ferma fortement la bouche et le retint jusqu’au moment où Minerve-Pallas t’éloigna de ces lieux. C’est ainsi que ce héros sauva l’armée.” (Homère, Odyssée, chant IV, folio classique, p. 84-85).

A peine évoquée, l’histoire du cheval est relatée dans le détail au chant VIII :

Démodocus, je t’élève au-dessus de tous les mortels. Tu as sans doute été instruit par une muse, fille de Jupiter, ou par Apollon lui-même ; car tu chantes admirablement la triste destinée des Achéens : tu nous racontes tout ce qu’ils ont entrepris et souffert, toutes les fatigues qu’ils ont supportées comme si toi-même tu en avais été témoin ou comme si tu l’avais entendu dire par quelques-uns de ces guerriers. Maintenant poursuis ton récit et chante-nous l’histoire du cheval de bois que construisit Épéus avec le secours de Minerve, et qu’Ulysse, par ses ruses, conduisit dans la citadelle après avoir rempli les flancs de ce cheval de vaillants combattants qui renversèrent ensuite la ville d’Ilion. Si tu nous racontes fidèlement ces faits, je proclamerai alors devant tous les hommes qu’un dieu bienveillant t’a donné tes chants sublimes et divins.

Aussitôt Démodocus, inspiré par une divinité, commence son récit en chantant d’abord comment une partie des Argiens s’embarquèrent sur des navires aux beaux tillacs, après avoir livré les tentes aux flammes, et comment l’autre partie de ces guerriers, sous la conduite du vaillant Ulysse, furent, au milieu de la place publique, cachés dans le cheval que les Troyens eux-mêmes avaient traîné dans la citadelle. Tandis que le cheval de bois était sur la place, les habitants d’Ilion agitaient divers avis : les uns voulaient rompre avec le fer les cavités de cet édifice, les autres proposaient de précipiter l’animal du haut des rochers, et les troisièmes demandaient qu’il devînt une offrande expiatoire destinée à apaiser les dieux. Cette dernière résolution devait s’accomplir : car les immortels avaient décrété qu’Ilion périrait lorsque ses murs recèleraient un immense cheval où se cacheraient les plus illustres Argiens pour porter à leurs ennemis le carnage et la mort. — Démodocus chante ensuite comment les fils des Achéens, étant sortis du cheval, ravagèrent la ville de Troie ; il célèbre le courage de tous les héros qui détruisirent cette cité chérie, mais il glorifie surtout Ulysse qui, semblable au dieu Mars, marchait avec Ménélas vers les palais de Déiphobe, Ulysse, qui se précipitait dans les plus terribles mêlées et qui remporta la victoire, aidé par Minerve, la magnanime déesse.” (Homère, Odyssée, chant IV, folio classique, p. 162-163).

L’épisode a surtout été popularisé par Virgile dans sa sublime Enéide, lui aussi l’un des textes fondateurs de la civilisation occidentale, tout comme l’Illiade et l’Odyssée :

À ces mots, le silence règne de toutes parts ; les regards attentifs s’attachent sur le fils d’Anchise ; et de son lit élevé, le héros commence en ces termes :

Reine, vous m’ordonnez de rouvrir la source amère de mes larmes ; vous voulez que je retrace la puissance de Troie et son déplorable empire, s’écroulant sous les coups des Grecs : épouvantable catastrophe, dont j’ai été le témoin, dont je fus presque la victime. » À ce récit douloureux, quel farouche Dolope, quel soldat de Pyrrhus ou du barbare Ulysse, pourrait retenir ses pleurs ? Déjà la nuit abandonne les cieux, et le déclin des astres invite au doux repos. Mais si vous trouvez quelques charmes aux peintures de nos revers, si votre pitié s’intéresse aux derniers efforts d’Ilion ; quoique mon cœur frémisse au souvenir de tant de maux, et repousse une affreuse image, j’obéirai.

Épuisés par cent combats, et repoussés par les destins, les chefs de la Grèce comptaient au pied de nos remparts dix années d’assauts inutiles. Tout-à-coup Pallas les inspire ; et sous leurs mains s’élève, tel qu’un mont gigantesque, l’édifice d’un cheval énorme : les ais du pin antique en ont façonné la structure. C’est, disent-ils, un vœu pour leur retour : le bruit s’en répand jusqu’à nous. Cependant l’élite de leurs guerriers, désignés par le sort, remplit en secret les flancs ténébreux du colosse ; et dans ses cavités immenses, dans ses profonds recoins, s’entasse une phalange armée.

Non loin de ces parages est Ténédos, île fameuse, île opulente, alors que florissait l’empire de Priam ; aujourd’hui simple rade, abri peu sûr pour les vaisseaux. C’est là que les Grecs se retirent, là qu’ils se cachent, le long des côtes inhabitées. Crédules, nous chantons leur départ, nous saluons les vents qui les remportent vers Mycènes. Enfin Pergame respire, affranchie d’un long deuil ; les portes s’ouvrent, on s’élance ; on se plaît à parcourir et le camp des Doriens, et les plaines désertes, et le rivage abandonné. Ici veillaient les Dolopes ; là flottaient les pavillons de l’implacable Achille ; voici la plage que bordaient les navires ; c’est dans ces champs que se heurtaient les bataillons rivaux. Tout un peuple en extase se presse autour du don fatal, promis à la chaste Déesse ; tous en admirent l’imposant aspect. Thymète le premier, soit trahison, soit que déjà le sort de Troie fût ainsi résolu, Thymète nous invite à l’introduire dans nos murs, à l’installer en pompe dans la citadelle. Mais Capys, mais tous ceux dont la prudence dirige les conseils, veulent qu’à l’instant même on précipite au fond des mers cette insidieuse offrande, ce présent suspect de la Grèce ; ils veulent que la flamme le réduise en cendre, ou que le fer en sonde les profondeurs, en interroge les mystères.

Pendant que la multitude incertaine se partage en avis contraires, Laocoon paraît : suivi d’un nombreux cortège, il accourt, l’œil en feu, des hauteurs de la citadelle ; et d’un tertre voisin : « Malheureux ! s’écrie-t-il, quelle démence vous égare ? Les croyez-vous loin de ces bords, vos cruels ennemis ? Ces pieux tributs de la Grèce, les croyez-vous exempts de perfidie ? Est-ce là connaître Ulysse ? Ou ces cloisons trompeuses recèlent les enfans d’Argos ; ou l’astuce fabriqua cette machine impie, pour dominer nos tours, et vomir la mort sur nos têtes. Oui, ce vœu cache un piège. Troyens ! méfiez-vous, quel qu’il soit, de ce cheval funeste ! je crains les Grecs, jusque dans leurs présens. » Il dit, et d’un bras nerveux pousse une longue javeline contre le vaste sein du monstre. Le trait s’y fixe et tremble ; la masse ébranlée mugit, et ses sombres cavernes résonnent d’un lugubre murmure. Ah ! sans le courroux des dieux, sans le vertige de nos pensées, nous suivions cet exemple, nous brisions sous la hache ces repaires ennemis ; et toi, Pergame, tu régnerais encore ! palais superbe de Priam, tu serais encore debout !

(…)

Aussitôt s’écroule sous nos coups un large pan de nos murailles, et nos remparts sont ouverts à l’ennemi. Chacun s’empresse d’aplanir le passage ; les uns coulent des roues mobiles sous les pieds du colosse ; d’autres suspendent à ses épaules de longs cordages. La fatale machine gravit nos retranchemens, enceinte d’une armée. À l’entour, nos enfans et nos vierges font retentir l’air de chants religieux, et se plaisent à toucher le câble qui la traîne. Elle entre enfin, elle entre, et s’avance menaçante au milieu de la ville. Ô ma patrie ! ô séjour des dieux, Ilion ! cité célèbre par tant d’exploits, cité de Dardanus ! Quatre fois, au seuil même de nos portes, la masse énorme s’arrêta : quatre fois ses antres retentirent du cliquetis des armes. Cependant, ô délire ! nous en pressons la marche ; et poussés d’un aveugle transport, nous plaçons le monstre sinistre sous les lambris de l’Immortelle. Alors même Cassandre, élevant sa voix fatidique, nous prédit nos malheurs ; mais hélas ! un dieu nous rendait sourds à la voix de Cassandre. Et nous, infortunés, nous dont luisait le jour suprême, nous en faisons un jour de fête, nous courons parer nos temples de verdure et de fleurs !

Enfin le soleil a décrit son tour ; et la nuit s’élançant des gouffres humides, enveloppe de son crêpe immense et le ciel, et la terre, et les complots des Dolopes. Les Troyens, sous leurs toits paisibles, s’abandonnent au repos : tout dort, et dans Pergame règne un calme profond. Mais déjà les nefs de Mycènes s’avançaient de Ténédos dans leur menaçant appareil, et voguaient à la faveur du silence et des ombres, vers un rivage, hélas ! trop connu. Un fanal, arboré sur la poupe royale, a fait briller ses feux. À l’instant Sinon, que le ciel irrité protégeait pour notre ruine, rompt furtivement la barrière qui retenait les Grecs, et les délivre de leur sombre prison. Le repaire s’ouvre, et les rend à la lumière. De ces voûtes caverneuses se précipitent avec une joie barbare et Thessandre et Sthénélus, et l’exécrable Ulysse, en glissant le long d’un câble officieux. Après eux, s’élancent Acamas et Thoas, et Pyrrhus, bouillant fils d’Achille, et Machaon, et Ménélas, et l’inventeur du stratagème, le cruel Épéus. Les lâches fondent sur un peuple enseveli dans le sommeil et les fumées du vin : ils massacrent les gardes, ils s’emparent des portes, et les ouvrant de toutes parts aux farouches enfans de l’Aulide, en poussent dans nos murs les phalanges conjurées.” (Virgile, Enéide, chant II, folio classique, p. 78-80 ; 85-86).

Se pose la question de la datation de la guerre de Troie. Selon l’historiographie officielle, elle aurait eu lieu au XVe siècle avant Jésus-Christ, pendant l’ère du Bélier. Or, ce qui ne cesse de me surprendre, c’est que tous dans la guerre de Troie porte la marque de l’ère du Gémeaux. Nous avons, outre le couple divin et un cheval, le Sagittaire, influence secondaire de l’époque.

Situation géographique de Troie.

II : Le Sagittaire.

Le Sagittaire, influence secondaire de l’ère est représenté par un Cygne (A) ainsi que par un arc et des flèches (B).

A. Le cygne.

Nous avons déjà vu que Zeus va prendre la forme d’un cygne pour donner naissance aux deux coupes divin de l’ère du Gémeaux. Castor et Pollux pour le couple divin de la première période. Clymenèstre et Hélène pour le couple de la deuxième période.

Mosaïque du sanctuaire d’Aphrodite (détail), Paphos, Chypre.

Le cygne doit être compris comme l’une des représentations du Sagittaire, c’est-à-dire de l’influence secondaire de l’ère du Gémeaux. Chaque ère astrologique doit être comprise comme un couple de signe dont l’un domine son époque et l’autre exerce une influence secondaire. C’est toute l’importance des axes en astrologie.

B. L’arc et les flèches.

Traditionnellement, le Sagittaire est représenté par un centaure qui tire des flèches avec un arc. Il est donc logique de faire de l’arc et des flèches l’un des symboles secondaire de l’ère du Gémeaux.

Durant la guerre de Troie, l’une des scènes les plus importante fait intervenir un arc et des flèches.

La guerre durait depuis dix ans déjà, et les Grecs perdaient courage, quand Calchas prophétisa que Troie ne pourrait être conquise sans le concours de l’arc et des flèches d’Héraclès. À cette nouvelle, Ulysse, en compagnie de Diomède, se rendit auprès de Philoctète, à Lemnos ; il s’empara, par la ruse, de son arc, et le persuada de faire voile vers Troie. Philoctète, arrivé à Troie, fut guéri par Podalirios ; il tua Alexandre d’une flèche.” (Apollodore, la bibliothèque, p. 226-227).

L’arc et les flèches d’Héraclès furent amenés devant Troie par Philoctète, car il était le seul à savoir s’en servir. Ce sont les fameuses flèches qu’il utilisa contre les Centaures lors du quatrième travail qui concernait le sanglier d’Erymanthe qu’il devait le capturer vivant.

Comme il traversait Pholoé, Héraclès rencontra le Centaure Pholos, le fils de Silène et d’une Nymphe mélienne. Pholos offrit à Héraclès de la viande rôtie alors que lui la mangeait crue. Quand ensuite Héraclès demanda du vin, il répondit qu’il n’avait pas le coeur d’ouvrir la jarre, vu qu’elle appartenait à la communauté des Centaures.

Mais Héraclès lui donna du courage et Pholos ouvrit la jarre. Peu après, ayant senti l’odeur du vin, les autres Centaures arrivèrent à la caverne de Pholos, armés de pierres et de bâtons. Les premiers qui osèrent se précipiter à l’intérieur furent Anchios et Agrios, mais Héraclès les repoussa, en leur jetant des tisons ardents ; quant aux autres, il les prit pour cibles avec ses flèches, et il les pourchassa jusqu’à Malée. Là, ils se réfugièrent auprès de Chiron, que les Lapithes avaient chassé du Pélion, et qui à présent habitaient non loin de Malée. Les Centaures se pelotonnèrent derrière lui et Héraclès les visa, mais une flèche traversa le bras d’Élatos et se planta dans le genou de Chiron.

Affligé, Héraclès se porta auprès de Chiron, ôta la flèche et appliqua sur la plaie les médecines que Chiron lui-même lui avait données. Mais la blessure était incurable, et Chiron se retira dans sa grotte. Il désirait mourir, ce qui était impossible, puisque par nature il était immortel. Alors Prométhée demanda à Zeus qu’il pût devenir immortel à la place de Chiron, et ainsi celui-ci put-il mourir. Les Centaures rescapés s’enfuirent dans toutes les directions : certains gagnèrent le mont Malée, Eurytion alla à Pholoé, et Nessos au fleuve Événos. D’autres furent accueillis à Éleusis par Poséidon, qui les cacha dans les montagnes. Pholos, entre-temps, avait extrait d’un cadavre une des flèches d’Héraclès, et s’étonna qu’une si petite chose ait pu tuer des créatures si grandes. Mais la flèche lui échappa des mains, le blessa à un pied et le tua immédiatement.

Revenu à Pholoé, Héraclès vit Pholos mort : il l’enterra, puis il reprit la chasse au sanglier. Par ses cris, Héraclès réussit à le débusquer ; il le poussa, épuisé, dans la neige haute, l’attacha et le porta à Mycènes.” (Apollodore, La bibliothèque, Editions de l’aire, p. 95-96).

III : Le sacrifice du Cancer.

L’ère du Gémeaux voit le sacrifice du signe précédent, le Cancer. Le Cancer à Sumer, comme en Grèce est traditionnellement représenté par un Crabe, par une Tortue, un Poulpe ou une Seiche.

D’ailleurs, un petit détour littéraire, très intéressant, dans les livres de Howard Phillips Lovecraft. Cthulhu et les grands anciens sont représentés sous la forme d’êtres dotés de tentacules, faisant penser à une pieuvre. J’ai toujours pensé que l’auteur évoquait la symbolique du signe du Cancer, et sans doute celle de l’ère du Cancer, c’est-à-dire celle qui était là avant l’ère du Gémeaux, avant Castor et Pollux, avant Adam et Eve, Abel et Caïn. Un détail qui en dit long sur l’univers lovecraftien.

j’ai lu il y a quelques mois, un très bon roman, de China Miéville, intitulé “Kraken” dans lequel une secte vénérait un dieu pieuvre.

On sent l’influence de Howard Phillips Lovecraft à travers l’ensemble du roman. On y découvre également l’étonnante vie souterraine d’un Londres fantasmé qui permet d’entrevoir ce que pourrait être l’ère du Cancer de nos jours, où plutôt une survivance de cette ère sous celle du poisson, car les anciennes ères ne disparaissent jamais vraiment, elle continue d’influer sur certaines personnes dans le secret et sous les radars médiatiques. C’est un Cancer teinté de Poisson et de Vierge. Un Cancer sacrifié perpétuellement, car il suscite crainte et stupeur. On retrouve cette idée dans les nouvelles de Lovecraft. Là aussi, il n’y a pas de hasard. Il est difficile d’en dire plus sans spoiler l’histoire (pour ceux qui voudraient le lire). Un roman remarquable à ce sujet, même si je me pose la question de savoir si l’auteur avait conscience de ce qu’il décrivait. Les archétypes universels exercent leurs influences de manière inconsciente sur les civilisations, ce qui explique pourquoi Carl Gustav Jung parlait d’inconscient collectif.

L’idée derrière le signe du Cancer, c’est celle d’une chose qui retient, qui peut saisir une autre chose.

Le crabe peut saisir avec ses pinces. La tortue peut saisir avec sa bouche. Il empêche de partir. C’est ce que dit l’étymologie du nom sumérien du Cancer. Je vous renvoie à la lecture de mon article sur la tablette “mul.apin“.

Or, Thésée lors de ses travaux doit affronter une tortue lors du quatrième de ses travaux :

Puis il tua Sciron, le Corinthien, fils de Pélops, ou peut-être de Poséidon. Sciron habitait sur le territoire de la Mégaride, et contrôlait ce promontoire rocheux, qui, de son nom, fut appelé roche scironienne. Tous ceux qui passaient par là, Sciron les contraignait à lui laver les pieds ; dès qu’ils avaient fini de les lui laver, il les jetait dans la mer où une gigantesque tortue les dévorait. Mais Thésée l’attrapa par les pieds et le précipita dans la mer.” (Apollodore, La bibliothèque, Editions de l’aire, p. 199).

Sciron le Corinthien forçait ceux qui passait près d’un rocher à lui laver les pieds. Une fois la tâche accomplie, il les jetait à la mer pour être dévoré par une tortue géante. Thésée, qui passait par là, jeta Sciron à la mer pour être mangé par la tortue. Dans une représentation de la scène sur un bol grec, on observe que la tortue (en bas au milieu) attrape avec Sciron par le bras, avec sa bouche, pour le précipiter dans l’eau.

Bol à boire, Thésée plonge Sciron dans la mer, de Vulci (Italie), attribué au peintre Douris, vers 480 av. J.-C., Altes Museum Berlin.

De même, Héraclès doit affronter un monstre pour sauver Hésione de Troie d’une mort certaine. Une scène qui fait furieusement penser au sacrifice du Cancer.

« Quand il les aperçut en ordre de bataille, Héraclès soupçonna une trahison : il tua Hippolyte, il lui arracha la ceinture et, après avoir mis en déroute toutes les autres, il appareilla pour Troie.

En ces jours, la cité était affligée par un grave fléau, à cause de la colère d’Apollon et de Poséidon. Les deux dieux, en effet, pour mettre à l’épreuve l’outrecuidance du roi Laomédon, avaient pris l’apparence de deux mortels, et s’étaient accordés avec lui de fortifier les murs de la citadelle de Pergame, en échange d’une rétribution. Mais quand ensuite ils eurent achevé le travail, Laomédon refusa de les payer. Alors Apollon envoya une épidémie et Poséidon un monstre marin ; ce dernier, sortant des eaux avec la marée, s’aventurait sur la terre ferme et causait des ravages parmi les hommes. Les oracles avaient révélé que ce grand malheur prendrait fin si Laomédon exposait sa fille Hésione en pâture au monstre : aussi la jeune fille était-elle enchaînée à un rocher près de la mer. Héraclès vit la jeune fille exposée sur le rocher, et promit qu’il la libérerait si Laomédon lui cédait les juments que Zeus lui avait données en échange de l’enlèvement de Ganymède. Laomédon lui donna sa parole, Héraclès tua le monstre et sauva la jeune fille. Mais le roi refusa de lui donner la rétribution promise : alors Héraclès menaça de faire la guerre à Troie, puis il repartit. » (Apollodore, la bibliothèque, Editions de l’aire, p. 100).

La scène se déroule à Troie dont nous avons déjà vu le lien avec l’ère du Gémeaux. Elle se déroule avant les deux guerres. Les deux dieux, Apollon et Poséidon avaient pris l’apparence de deux mortelles (un couple typique du Gémeaux) afin de construire une fortification imprenable autour de la ville de Troie (qui est curieusement appelé Pergame par Apollodore).

Murs de pierre, maçonnés, dans les ruines de ce qu’on considère être aujourd’hui la citadelle de Troie.

Une fois la tâche accomplie le roi de Troie, Laomédon, refusa de payer les deux dieux ce qui provoqua leurs colères. Poséidon envoya pour se venger un terrible monstre marin, Ceto. Ceto est l’incarnation du Cancer. Pour mettre fin au ravage de Ceto, le roi devra sacrifier sa fille au monstre.

Une représentation du monstre marin Céto en prise avec Héraclès dont on devine l’arc seulement en haut à gauche ; Fragment d’un cratère (?) campanienne à figures rouges, vers 360 av. J.-C., Staatliche AntikensammlungenMunich.

Héraclès proposa de libérer Hésione en échange des juments que Zeus avait offert à Laomédon. Nous voyons que le signe du Gémeaux (les juments) croise celui du Cancer (Ceto, le monstre marin).

Hercules et Hésione, Raoul Lefèvre, Histoires de Troyes, 15e siècle.

Héraclès tua Ceto, mais n’obtint, ni les chevaux, ni la main de la belle Hésione et menaça de faire la guerre à Troie.

Attention, car il y a d’autres scènes dans la mythologie grecque qui mettent en jeu, un monstre marin avec une jeune fille. Ils ne relèvent pas tous du Cancer, ils peuvent aussi appartenir à la symbolique du Poisson et de la Vierge. Il faut bien prendre soin d’analyser dans le détail le contexte du mythe et surtout les relations avec les autres symboles pour ne pas se tromper. J’en reparlerais lors de l’article sur l’ère du Verseau et en particulier le sacrifice du Poisson en Grèce. Je pense ici à Persée et à la tête de la Gorgone qu’il utilise pour sauver Andromède (pour ceux qui veulent anticiper mes propres travaux).

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