Nostradamus et la succession des « grand » et des « gros » papes.
Dans un passage assez étrange de l’épître à Henri Second, Nostradamus évoque une étonnante théorie née au XIXᵉ siècle, celle de la succession des « grands » papes et des « gros » papes.
« Et remettant la sainteté ruinée depuis longtemps, avec leur premier écrit, qu’après le grand chien sortira encore un plus gros mastin qui fera destruction de tout, même ce qui avait déjà été détruit et les temples seront redressés comme au premier temps, et commencera à répandre la débauche et la luxure ! Et à commettre encore mille autres forfaits. » (Nostradamus, Épître à Henri, 52-53).
De même, dans le quatrain II-41, il est fait référence à un « gros mastin » et à un « grand pontife » :
II-41
La grand’ estoile par sept jours bruslera,
Nuée fera deux soleils apparoir :
Le gros mastin toute nuit hurlera
Quand grand pontife changera de terroir.
Nous devons évoquer l’origine de cette théorie (I), avant de rechercher dans l’histoire le cycle de succession des papes (II), ce qui va nous permettre de comprendre le sens du passage de l’épître et du quatrain II-41 de Nostradamus (III).
I. Origine de la théorie.
La théorie de l’alternance entre « grands » et « gros » papes remonte au XIXᵉ siècle, dans un contexte politique très particulier de réaffirmation de la puissance de l’Église face aux divers pouvoirs temporels (A). Elle va d’abord prendre naissance sous la plume de certains articles caricaturaux dans la presse (B), avant d’être exploitée par les adversaires de l’Église (C).
A. Contexte politique.
La fameuse « prophétie des papes » de saint Malachie a nourri l’imaginaire des peuples en induisant l’idée d’une succession cyclique des souverains pontifes. J’ai d’ailleurs démontré l’authenticité du texte et son influence sur l’œuvre de Nostradamus dans une série de trois articles.
C’est également l’époque où l’Église sort d’une terrible crise existentielle au moment de la Révolution française et de l’Empire.
Pie VI (1775-1799) est mort prisonnier de Napoléon à Valence, le 29 août 1799.

Son successeur Pie VII (1800-1823) va signer un concordat avec l’Empereur en 1801. Il sera lui aussi enlevé et retenu prisonnier entre 1809 et 1814 par Napoléon, après son excommunication. Mais il ne cédera jamais, maintenant quoi qu’il arrive la puissance de l’Église face à ses ennemis.

Ces deux épisodes vont marquer les esprits et permettre la structuration d’une mythologie de l’épreuve, destinée à préparer le retour de son autorité. C’est à cette époque que l’on commence à relire l’histoire de la papauté afin de lui redonner du sens et de faire intervenir la Providence dans la succession des souverains pontifes.
B. Utilisé chez les anti-cléricaux.
Dans la presse satirique du XIXᵉ siècle, on voit proliférer l’idée d’une succession de grands papes et de gros papes, surtout à travers des caricatures. Parmi les papes représentés comme « gros », nous trouvons presque toujours Pie IX. Il est toujours caricaturé comme massif et replète (1), alors que son successeur Léon XIII est représenté comme mince, à la limite du cadavre décharné (2).
1. Pie IX (1846-1878) : le gros pape.
En 1862, le caricaturiste italien Adolfo Matarelli, dit « Mala », va caricaturer le pape Pie IX dans le journal satirique Il Lampione.
Le dessin est intitulé La caduta di Troja (La chute de Troie). La légende indique : Enea Napoleone III fugge da Roma repubblicana col grasso Pio IX sulle spalle (Napoléon III-Énée fuit Rome en portant le gros Pie IX sur ses épaules).
Le dessin représente un « gros » pape sur les épaules de l’Empereur. Ni l’un ni l’autre ne porte d’attribut du pouvoir. Le commentaire indique leur fonction et précise (pour ceux qui ne l’avaient pas remarqué) que le pape est « gros ».

« Énée Napoléon III fuit la Rome républicaine avec le gros Pie IX sur les épaules ». En arrière-plan, Rome en flammes. Caricature du journal satirique Il Lampione de 1862. En bas : « Le pieux Énée, pour sauver le vieil Anchise, perd Créuse ! ».
Une autre caricature du même dessinateur va s’inspirer de la célèbre sculpture de Jean de Boulogne (1529-1603), L’enlèvement de Sabine. Elle représente un homme (Romulus) qui enlève une jeune fille (Sabine) qui essaie de se libérer. Aux pieds de la statue se trouve un vieil homme désespéré. Il assiste impuissant à l’enlèvement.
La caricature dépeint Rome comme une jeune femme prise dans les bras de Victor-Emmanuel II, tandis qu’aux pieds du roi le pape Pie IX désespère. Il est représenté avec sa tiare papale en gros homme. Sa tiare tombe au sol.
En bas, la caricature indique : « Pour fonder la grandeur romaine, leurs filles ont été enlevées aux Sabins par l’orgueil. Maintenant, pour faire l’Italie, avec la force de la loi et de la raison, Rome est arrachée des bras du Pape-Roi qui fut le père de l’union de facto ».

Caricature d’Adolfo Matarelli dit « Mala », publiée dans le journal satirique Il Lampione dans la deuxième moitié du XIXᵉ siècle.
Une autre caricature célèbre, publiée cette fois en Angleterre dans le journal Vanity Fair du 1er janvier 1870, est intitulée Pius IX – The infallible (Sovereigns n°6). La planche montre Pie IX avec une silhouette courte et lourde, typique de la manière de le représenter à l’époque.

Pourquoi utiliser l’image du « gros pape » dans la caricature ?
- Ancrage visuel fort : le poids corporel est un signe immédiatement compréhensible. Il exprime la lourdeur du pouvoir, la lenteur administrative et donc l’éloignement des masses.
- Simplification humoristique : dans un dessin satirique, un pape « gros » suffit à suggérer une figure autoritaire ou condescendante.
Plus tard, au XXᵉ siècle, Jean XXIII sera de nouveau caricaturé comme un pape « rond et bonhomme ». Cela trouve ses racines dans les caricaturistes du XIXᵉ siècle.
Il faut ici dire quelques mots du très important journal satirique Le Charivari, fondé par Charles Philipon en 1832. Après 1858, il va prendre un virage clairement anticlérical et républicain. Il ridiculise les figures religieuses à travers les dessins d’Honoré Daumier. Daumier y imagine des silhouettes au physique prononcé ou aux proportions caricaturales. Ce sera le cas de la célèbre caricature de Louis-Philippe représenté en poire.

C’est ce genre de caricature qui va ressurgir sous le pontificat de Pie IX.
Parfois le sujet est perçu comme très sensible et mal reçu par les autorités, qui comprennent le caractère hautement polémique d’une telle représentation. Le journal hebdomadaire fondé par André Gill, La Lune, sera interdit par le pouvoir impérial en 1867, en raison d’une série d’images dont l’une représentait le pape en lutteur masqué contre Garibaldi.

2. Léon XIII (1878-1901) : le grand pape
À l’inverse, son successeur Léon XIII est représenté dans les caricatures comme mince, à la limite squelettique. Ce fut le cas, par exemple, dans le journal satirique français Le Grelot du 4 novembre 1888, par un dessin de Pépin intitulé Jour des morts. Observez le visage et les jambes du Saint-Père, la robe cachant le reste.

Son aspect squelettique apparaît surtout dans la manière de représenter son visage, comme le montre cette autre caricature célèbre qui le montre en marionnettiste de la vie politique de droite.

C. Mais absente dans la presse cléricale.
Durant la période charnière de 1878, entre la mort de Pie IX, le conclave et l’élection de Léon XIII, il est intéressant de voir la manière dont la presse catholique (La Revue des Deux Mondes, L’Univers et Le Figaro) présente les évènements.
On ne trouve pas, dans ces titres au moment du changement de pontificat, la petite musique « grand pape » contre « gros pape » ou « pape médiocre ». Les rédactions emploient un vocabulaire bien plus mesuré (ou dévot), sans ce contraste caricatural.
1. La Revue des Deux Mondes.
La Revue des Deux Mondes caractérise surtout Léon XIII par la modération diplomatique après Pie IX, sans déprécier ce dernier :
« De quoi s’agit-il réellement ? Jusqu’à quel point, dans quelle mesure la question est-elle engagée ? Ce qui n’est point douteux, c’est que depuis quelque temps, il y a un changement sensible, qui s’explique peut-être par le caractère du nouveau chef de l’Église autant que par des circonstances imprévues. Tant que le dernier pape a vécu enfermé au Vatican, la protestation était sa seule diplomatie ; c’était aussi sa dignité, la dignité d’un pontife éprouvé par le malheur. Pie IX n’a cessé de protester envers et contre tous. Il a protesté contre les Italiens ; il a protesté contre l’Allemagne et contre la Russie, pour les traitements que ces deux puissances infligeaient aux catholiques. Il a gardé jusqu’au bout dans toute son exaltation le sentiment du pontificat, fortifié et excité par vingt-cinq années d’épreuves. C’était une âme impétueuse et naïve.
Son successeur, le pape Léon XIII, s’est trouvé être un politique plein de mesure et de finesse. Temporisateur prudent et habile, il a su ménager son autorité, attendre les circonstances, éviter ou adoucir les conflits, renouer des relations avec des puissances intéressées à la paix religieuse, et le résultat de cette politique pratiquée avec autant de sagacité que de suite a été de refaire en peu de temps pour ainsi dire la situation du pontificat.
Par son habile modération, Léon XIII, le nouveau « prisonnier du Vatican », s’est créé une force de plus dans ses revendications comme dans ses résolutions, et c’est précisément ce qui donne plus de portée aux manifestations récentes par lesquelles il a cru devoir s’élever contre la position qui lui est faite à Rome. »
(Ch. Demazade, Chronique de la quinzaine, Revue des Deux Mondes, 4 décembre 1882).
Il qualifie la politique de Léon XIII de « politique pleine de mesure et de finesse », selon une formule qui n’évoque que le contenu de la politique des deux papes. Mais il n’est pas question de « grand » et de « gros » pape.
Selon une brochure anonyme intitulée Un Témoin, publiée dans la Revue des Deux Mondes peu après le conclave de 1878, les intrigues et tensions du dernier conclave furent mises à jour, ce qui provoqua une vive réaction parmi les cardinaux. Il sera mentionné plus tard par la presse, comme mettant à nu les petites intrigues du dernier conclave. Là encore, pas de lexique « grand/gros », mais un récit des équilibres qui ont mené à l’élection de Léon XIII.
Bien plus tard, la Revue des Deux Mondes va évoquer l’existence de « grands papes », comparés à des papes plus modestes. C’est le cas par exemple de ce passage d’un article de Victor Giraud intitulé Un demi-siècle de pensée française, publié le 1er mars 1918 :
« Subissant à son tour le prestige du grand pape qui a si généreusement travaillé à la pacification religieuse, politique et sociale des peuples chrétiens, il reprend et il pose avec une tranchante netteté le grave problème que les Taine et les Renan avaient résolu, non sans une certaine intrépidité d’affirmation dogmatique : Aux questions dont la solution importe à la vie morale de l’humanité, quelles réponses positives la science moderne apporte-t-elle ? Et il constate que ces réponses, quand elles sont formulées, sont singulièrement inconsistantes, et qu’en aucun cas elles ne sauraient prévaloir contre les solutions traditionnelles du dogme chrétien, et plus particulièrement du dogme catholique. »
(Victor Giraud, « Un demi-siècle de pensée française », Revue des Deux Mondes, 6ᵉ période, t. 44, 1er mars 1918, p. 109).
2. L’Univers.
L’Univers, quotidien catholique ultramontain, adopte en 1878 une rhétorique d’admiration pour Pie IX et d’espérance filiale envers Léon XIII. L’historiographie de la presse rappelle le poids doctrinal du titre (Veuillot) et, sous Léon XIII, l’évolution vers le « ralliement » des catholiques à la République. Là encore, jamais via l’antithèse « pape grand / pape médiocre ».
3. Le Temps.
Dans l’atmosphère des tout débuts de Léon XIII, la presse parisienne — par exemple Le Temps — salue Pecci comme « encore plus diplomate que prêtre », mettant l’accent sur le style conciliateur attendu du nouveau pontife. Une grille de lecture que l’on retrouve dans L’Univers, sans l’étiquette « médiocre ».
4. Le Figaro.
Le Figaro, journal fondé en 1826 comme feuille satirique anti-gouvernementale, devient dans les années 1850-1860 un quotidien monarchiste, catholique et conservateur. Ses positions sont proches des orléanistes et des catholiques modérés, mais avec une tonalité plus littéraire et mondaine que doctrinale. Il publie des critiques de théâtre, des feuilletons, etc.
Au moment du pontificat de Pie IX et de l’élection de Léon XIII (années 1870-1880), Le Figaro soutient le Saint-Siège, mais dans une logique plus politique que théologique : défense de l’ordre, méfiance vis-à-vis de la République radicale, sympathie pour le catholicisme comme pilier social.
Contrairement à L’Univers (ultramontain, dévot), Le Figaro se veut plus modéré et mondain. Il respecte Pie IX, mais insiste surtout sur la question romaine et la perte des États pontificaux en 1870. Il le dépeint comme un vieillard digne et victime de la violence de l’histoire, plutôt qu’un « gros pape ».
À l’élection de Léon XIII en 1878, il met en avant son profil diplomatique, ses talents d’homme politique et sa finesse intellectuelle. Là encore, pas de trace du cliché « gros/grand » pape. Le ton reste respectueux et aligné avec la presse catholique conservatrice, même si plus ironique parfois dans la forme.
Dans Le Figaro, on peut trouver de l’humour sur Rome, les conclaves, la Curie, mais jamais de caricature physique du pape, ce qui serait perçu comme une offense directe au catholicisme. Alors que dans Le Charivari ou Le Grelot, en revanche, Pie IX est croqué en « obèse réactionnaire » ou en « gros pape », et Léon XIII en « gringalet astucieux ». Cela confirme que l’opposition gros/grand pape est bien une invention de la presse satirique anticléricale, pas de la presse catholique ou royaliste comme Le Figaro.
D. Chez les historiens du catholicisme.
C’est avec les historiens du catholicisme et de l’histoire des papes que va apparaître une distinction essentielle entre papes réformateurs et papes conservateurs. Il faut ici parler des travaux d’Émile Poulat (1) et d’Yves Chiron (2). Ils vont faire le pont avec l’alternance « grand » et « gros » de la presse satirique.
1. Emile Poulat (1920-2014).
Émile Poulat est un historien du catholicisme, spécialiste du modernisme et de la papauté. Dans plusieurs de ses études (Église contre bourgeoisie, La crise moderniste, etc.), il insiste sur une dynamique d’alternance entre deux types de papes.


Mais c’est surtout dans Intégrisme et catholicisme intégral : un réseau secret international, la « Sapinière » (1909–1921), publié en 1969, qu’Émile Poulat décortique les tensions entre les courants réformateurs et les formes militantes du catholicisme conservateur, comme la « Sapinière », réseau mis en place sous Pie X pour lutter contre le modernisme.

Dans Église contre bourgeoisie (1977) et Catholicisme, démocratie et socialisme (1977), il aborde aussi ces tensions internes entre ouverture sociale et renfermement doctrinal.
Selon Émile Poulat, il y aurait :
- Des papes réformateurs qui ouvrent, dialoguent, tentent une adaptation à la modernité : Léon XIII, Jean XXIII.
- Suivis de papes de consolidation ou de réaction, qui ferment, reviennent à la doctrine stricte : Pie X, Paul VI, Jean-Paul II dans certains aspects.
Pour Poulat, cette alternance n’est pas « providentielle » mais structurelle. En effet, la structure même de l’Église oscille entre ouverture et fermeture pour assurer sa survie. Mais à aucun moment il ne parle de « gros » et de « grands » papes. C’est un langage trop caricatural ; il parle plutôt de cycles d’innovation / consolidation. Il n’est également jamais question de « grand pape » ou de « pape médiocre ».
2. Yves Chiron (1960-?).
Yves Chiron est un biographe de nombreux papes, avec des ouvrages consacrés à Pie IX (1995 et 2016), saint Pie X (2000), Pie XI (2004), Paul VI (1993), Jean XXIII (2016) ou encore François (2020).

Il note aussi une alternance historique entre différents types de papes :
- Un pape d’ouverture, de réforme : il introduit des nouveautés doctrinales, pastorales ou diplomatiques ; il dialogue avec les puissances ou les sociétés modernes ; il donne un souffle nouveau (ex. Léon XIII, Jean XXIII, François).
- Un pape de consolidation, de réaction : il recentre sur la doctrine, il ferme certaines portes ouvertes par son prédécesseur, il stabilise l’institution et « verrouille » les innovations (ex. Pie X, Paul VI, Benoît XVI).
Comme Émile Poulat, Yves Chiron voit dans cette alternance une logique interne de balancier entre un pape qui ouvre des portes, suivi d’un pape qui les referme pour éviter la dispersion. Là encore, il ne reprend pas l’image « gros / grand », mais il confirme l’idée d’un contraste visible dans l’histoire pontificale.
II. Succession des papes à travers l’histoire.
Abordons désormais la succession des papes depuis le XIXᵉ siècle en observant le type de pape concerné selon les classifications proposées plus haut, mais également au regard de la prophétie de Nostradamus. Commençons par les papes d’avant 1958 (A), puis ceux à partir de 1958 (B).
A. Les papes d’avant 1958.
Nous avons Pie IX (1), Léon XIII (2), Pie X (3), Benoît XV (4), Pie XI (5), Pie XII (6).
1. Pie IX (1846-1878).
Pie IX (1846–1878) fut un pape dont le règne fut très long : trente et un ans. Son pontificat fut dogmatique (« Immaculée Conception » en 1854, « Syllabus » en 1864, « infaillibilité pontificale » en 1870).
C’est une période de fermeture doctrinale.
Dans le II-41, il est question d’un « gros mastin » et d’un « grand pontife ». Pie IX est donc le « grand chien ».
II-41 :
La grand’ estoile par sept jours bruslera,
Nuée fera deux soleils apparoir :
Le gros mastin toute nuit hurlera
Quand grand pontife changera de terroir.
Le « gros mastin », c’est le pape Pie IX (« grand pontife ») qui dut fuir la cité pontificale (« changera de terroir ») pour s’installer à Gaëte, vers Naples. Il hurla de colère toute la nuit contre cette infamie (« toute nuit hurlera ») en raison de la révolution de 1848 qui bouleversa les États pontificaux.
C’est justement à cette époque que le pape sera caricaturé en « gros » personnage. C’est sans doute à cela que fait référence Nostradamus dans son quatrain.
2. Léon XIII (1878-1903).
Léon XIII (1878–1903) fut un grand intellectuel. Il dialogua avec les États, fit rédiger l’encyclique sociale Rerum novarum en 1891 ou l’encyclique sur le ralliement.
C’est une phase d’ouverture.
Il fut représenté dans les caricatures du XIXᵉ siècle comme mince, presque gringalet.
3. Pie X (1903-1914).
Pie X (1903–1914) mena une lutte contre le modernisme et renforça le traditionnalisme. C’est un pape de réaction.
Il fut un pape à forte corpulence.
4. Benoit XV (1914-1922).
Benoît XV (1914–1922) fit voter un nouveau code de droit canon et mena une intense activité diplomatique durant la Première Guerre mondiale. C’est un pape d’ouverture, de modernisation.
Benoît XV était un pape mince et longiligne.
5. Pie XI (1922-1939).
Pie XI (1922–1939) régla la question romaine avec la signature du traité de Latran en 1929, qui reconnut l’État du Vatican. Il fit face à la montée des totalitarismes : communisme, fascisme et nazisme. C’est un pape de réaction.
Pie XI fut souvent représenté en « gros pape » par les caricaturistes. Une satire publiée dans le journal satirique soviétique Krokodil à la fin des années 1940 le montre en posture héroïque — façon archange saint Michel, encensoir à la main — tandis que des criminels de guerre, nazis ou fascistes, reculent devant lui.

La caricature présente Pie XII comme une figure puissante, mais cet affrontement symbolique induit surtout un contraste moral : Pie XII apparaît comme une figure forte, solennelle, éloignée de l’image de l’ascète frugal.
6. Pie XII (1939-1958).
Pie XII (1939–1958) est classé par la plupart des historiens comme un pape de consolidation, car il verrouille le modèle tridentin et incarne la papauté « souveraine », encore vêtue de la tiare et portée en sedia gestatoria. Mais ses réformes liturgiques font de lui une transition indirecte vers Vatican II. Yves Chiron (Pie XII, diplomate et pasteur, Perrin, 2003) insiste sur cette ambivalence : en apparence, un pape « ferme », mais qui a ouvert malgré lui la voie aux réformes de Jean XXIII.
Malheureusement, aucune caricature satirique publiée à l’époque n’est facilement accessible aujourd’hui montrant explicitement Pie XII comme pape maigre ou ascétique. Les archives du Grelot et du Charivari en ligne ne révèlent pas de représentation visuelle stéréotypée. Toutefois, la perception d’un pape eucharistique, réfléchi et contemplatif, à l’image d’un mince prêtre méditatif, demeure forte dans les mémoires.
B. Les papes à partir de 1958.
Pour les papes à partir de 1958, nous avons Jean XXIII (1), Paul VI (2), Jean-Paul Iᵉʳ (3), Jean-Paul II (4), Benoît XVI (5), François (6).
1. Jean XXIII (1958-1963).
Jean XXIII (1958–1963) est un pape d’ouverture, qui annonce le concile Vatican II, un aggiornamento de l’Église.
Jean XXIII entre en contraste avec Pie XII, considéré comme un pape ascétique et diplomatique, alors que lui est présenté comme un pape populaire, « Il Papa buono ».
L’affaire des ornements pontificaux trop étroits illustre ce contraste.
À la mort de Pie XII (1958), son successeur Jean XXIII fut élu au conclave du 28 octobre 1958. Quand il fallut l’habiller pour la première apparition publique (la fameuse bénédiction Urbi et Orbi), on sortit les ornements pontificaux conservés pour l’occasion, en particulier la tiare et les soutanes ajustées aux mensurations de Pie XII. Mais problème : Pie XII était très mince et longiligne, tandis que Jean XXIII était rond, massif, au visage jovial. Résultat : les vêtements liturgiques furent trop étroits et mal ajustés ; il fallut les élargir à la hâte, et la presse s’empara de l’image du « bon pape Jean », corpulent et souriant, contrastant fortement avec l’austérité spectrale de Pie XII.
La presse italienne et internationale nota immédiatement ce contraste. Nous trouvons deux exemples dans la presse française :
« Bien qu’il puisse provenir d’un milieu campagnard simple, sans noblesse connue dans sa lignée à proprement parler, à l’exception de son lien profond avec le sol d’où il est issu, il n’était pas naïf, comme certains observateurs « sophistiqués » auraient aimé le croire. Il était conscient de lui-même, en ce sens qu’il connaissait ses capacités aussi bien que ses défauts. Il savait aussi qu’il serait toujours mis en contraste avec les autres, en particulier son prédécesseur, le princier et aristocrate Pie XII. Mais il avait confiance en la Divine Providence.
Cela n’a pas fait de mal que son sens de l’humour toujours présent ait gardé les choses en perspective. Par exemple, lorsqu’il s’est vu pour la première fois dans un miroir en pied, vêtu de la grande soutane blanche papale qui ne convenait pas tout à fait à son corps de cinq pieds deux pouces et pesant plus de 200 livres, qui devait être lâché à certains endroits, pour être maintenu ensemble avec beaucoup d’effort par des épingles à cheveux, il s’est exclamé avec un regard évaluateur et critique : « Cet homme sera un désastre à la télévision ! » (Il a dit plus tard qu’il s’était senti lors de sa première apparition devant le monde entier comme un « nouveau-né emmailloté ».) »
(American Magazine, « Quand le pape Jean et Ike se sont mis à rire au Vatican », Joseph McAuley, 16 septembre 2015).
Dans une interview publiée dans Le Monde en avril 2005, le journaliste Salvatore Aloïse rapporte ces mots : « Le pape Roncalli – Jean XXIII – avait une taille un peu trop massive. » Il explique qu’à l’élection, les vêtements liturgiques préparés pour Pie XII ne lui allaient pas — d’où des retouches urgentes à réaliser. Ce détail vestimentaire devint instantanément un symbole visuel de la transition entre deux pontificats.
2. Paul VI (1963-1978).
Paul VI (1963–1978) mena à son terme le concile Vatican II, puis imposa ensuite Humanae vitae en 1968 et une reprise en main doctrinale. C’est un pape de consolidation.
Paul VI était un pape mince.
3. Jean-Paul Ier (1978).
Jean-Paul Iᵉʳ ne régna qu’un mois. Il est l’exemple type du pontificat bref mais signifiant.
Jean-Paul Iᵉʳ était un « gros pape ». Il avait une silhouette assez ronde, un visage jovial, souriant, avec des lunettes épaisses. Il n’était pas obèse comme les caricatures de Pie IX, mais comparé à Paul VI (très maigre, ascétique) et à Jean-Paul II (sportif, robuste, au visage énergique), Luciani paraissait plus corpulent et bonhomme. Son pontificat d’un mois a empêché la satire de vraiment s’installer sur son physique.
4. Jean-Paul II (1978-2005).
Jean-Paul II (1978–2005) imposa une grande ouverture médiatique et spirituelle, mais une fermeté doctrinale, notamment sur la morale. C’est une figure complexe, souvent vue comme « charismatique mais conservatrice ».
Jean-Paul II était un pape mince, longiligne et sportif. Il était souvent présenté comme tel dans la presse ou dans les caricatures.


Sauf à la fin de sa vie, où il est présenté comme un pape obèse et impotent. Les « unes » de Charlie Hebdo sont d’ailleurs d’une férocité sans nom à ce sujet.


5. Benoît XVI (2005-2013).
Benoît XVI (2005–2013) fut un pape intellectuel, qui prôna le retour au dogme et lutta contre la sécularisation. Ce fut un pape de fermeture.
Quand Joseph Ratzinger devint Benoît XVI, le 19 avril 2005, on l’habilla aussi avec des vêtements préparés à l’avance pour l’apparition publique au balcon de Saint-Pierre.
Mais contrairement à 1958, le problème n’était pas la taille, mais le style : Benoît XVI hérita d’habits liturgiques qui semblaient un peu flottants (notamment la mozette et la soutane blanche). Plusieurs observateurs notèrent que les vêtements « semblaient trop grands », ce qui donnait au nouveau pape une allure mal à l’aise. La presse (notamment en Italie et en Allemagne) s’amusa de cette image : le nouveau pape « ne rentrait pas dans les habits de Jean-Paul II », formule évidemment symbolique.
L’image fut largement reprise comme une métaphore :
- Jean-Paul II (1978–2005) : géant charismatique, voyageur infatigable.
- Benoît XVI (2005–2013) : intellectuel réservé, timide, « petit professeur allemand ».
Les habits trop amples (et non trop étroits, cette fois) traduisaient le fait que Benoît XVI aurait du mal à succéder à la stature immense de Jean-Paul II.
D’ailleurs, Benoît XVI sera caricaturé comme un « gros pape » tout au long de son pontificat.

6. François (2013-2025).
François (2013–2025) relança une dynamique d’ouverture pastorale vers d’autres cultes et vers l’arrivée des migrants en Europe.


La figure du pape François n’a pas échappé aux caricaturistes, qui l’opposent régulièrement à son prédécesseur Benoît XVI.

Dans une planche humoristique, Benoît XVI est dessiné comme un prélat corpulent, tandis que François apparaît filiforme, au visage allongé et ascétique. Le contraste entre ces deux silhouettes reprend le vieux cliché satirique né au XIXᵉ siècle : l’alternance d’un « gros » pape et d’un « grand » pape. Ce registre comique, qui associait jadis Pie IX et Léon XIII, puis Pie XII et Jean XXIII, s’est prolongé jusqu’à nos jours avec le duo Benoît XVI et François.

III. Notradamus et la symbolique du « grand chein et du « gros mastin ».
Venons en désormais a ce que dit Nostradamus sur la succession entre un « grand chien » et un « gros mastin ».
« Et remettant la sainteté ruinée depuis longtemps, avec leur premier écrit, qu’après le grand chien sortira encore un plus gros mastin qui fera destruction de tout, même ce qui avait déjà été détruit et les temples seront redressés comme au premier temps, et commencera à répandre la débauche et la luxure ! Et à commettre encore mille autres forfaits. » (Nostradamus, Épître à Henri, 52-53).
Ici, le « grand chien » et le « gros mastin » renvoient clairement à la symbolique pontificale. Le mastin est une race de chien espagnole, chargée de surveiller les troupeaux dans les pâturages : image du pasteur qui garde les fidèles.
- Le « gros mastin » évoque les papes corpulents, caricaturés comme tels dans la presse.
- Le « grand chien » renvoie à des papes ascétiques, charismatiques, perçus comme guides spirituels.
Nostradamus semble prophétiser une alternance cyclique entre papes d’ouverture et papes de réaction, ce qui correspond étrangement à ce que les caricaturistes du XIXᵉ siècle avaient déjà mis en scène.
Ainsi, le double pontificat Benoît XVI – François illustre parfaitement cette logique : un pape « gros mastin » (conservateur, verrouillant la doctrine) suivi d’un « grand chien » (pasteur ouvert et missionnaire).
Le texte prophétique indique encore :
« Et remettant la sainteté ruinée depuis longtemps, avec leur premier écrit, qu’après le grand chien sortira encore un plus gros mastin qui fera destruction de tout, même ce qui avait déjà été détruit et les temples seront redressés comme au premier temps, et commencera à répandre la débauche et la luxure ! »
Le continent européen connaîtra un recul de la pratique religieuse (« et remettant la sainteté ruinée depuis longtemps »). Le processus de déchristianisation s’accélérera lorsqu’il y aura un « grand chien » et un « gros mastin ».
- Le « grand chien », c’est François.
- Le « gros mastin », c’est Benoît XVI.
C’est à l’époque du double pontificat que les croyances auxquelles les catholiques seront attachés (« qui fera destruction de tout, même ce qui avait déjà été détruit ») seront profondément ébranlées.
Les vrais fidèles seront obligés de revenir à l’esprit originel des premiers chrétiens du temps du Christ (« avec leur premier écrit »).
Finalement, l’Église catholique reviendra au temps des premiers siècles de l’ère chrétienne (« et les temples seront redressés comme au premier temps »).
Les « premiers temps » concernent la période historique allant de la mort du Christ jusqu’à l’édit de Milan en 313, qui fit du catholicisme la religion officielle de l’Empire. Les chrétiens se réunissaient alors en petites communautés dans la périphérie des cités. Ils vivaient et pratiquaient leur culte clandestinement, condamnés à mort lorsqu’ils étaient arrêtés par les autorités romaines. C’est l’époque des saints martyrs.