La succession des Républiques selon Nostradamus.
Nostradamus s’est amusé à numéroter les Républiques. Il ne le fait que pour elles.
Il n’y a pas de numérotation pour les Restaurations monarchiques ni pour les deux Empires.
Sous une monarchie ou un empire, ce sont les souverains que l’on numérote.
Il attribue également des numéros aux Antéchrists, mais ceux-ci ne sont pas à proprement parler des régimes politiques.
J’ai découvert ce système en étudiant deux quatrains, le III-59 et le II-88.
Cette découverte ouvre un regard particulier sur le reste de son œuvre.
Étudions donc toutes les Républiques dans l’ordre chronologique.
I : La Première République (1792-1799).
Le quatrain IX-17 évoque la Première République :
IX-17 :
Le tiers premier pis que ne fit Neron,
Vuidez vaillant que sang humain respandre :
Rédifier fera le forneron,
Siecle d’or mort, nouueau Roy grand esclandre.
La Première République est ici désignée par le terme « premier ».
Nostradamus annonce qu’elle sera pire que Néron (« premier pis que ne fit Neron »). Elle persécutera les chrétiens et les populations civiles.
Néron avait fait exécuter de nombreux chrétiens après l’incendie de Rome. Parmi ces martyrs figurèrent saint Pierre et saint Paul.

De même, la Première République issue de la Révolution persécuta les chrétiens et institua le système d’exécutions de la Terreur. On estime à environ 100 000 le nombre de victimes et à 500 000 celui des emprisonnements. C’est en ce sens qu’il écrit : « Vuidez vaillant que sang humain respandre. »

Enfin, il conclut que la Première République mettra fin à l’âge d’or de la France, inauguré sous Louis XIV (« Siecle d’or mort »). Elle ne parviendra pas à se maintenir durablement, car la monarchie reviendra en France en 1814 (« nouveau Roy grand esclandre »).
Le numéro du quatrain (17) renvoie à la révolution bolchévique de 1917, qui s’inspira largement de la Révolution française.
II : La Deuxième République (1848-1852).
Je n’ai trouvé aucun quatrain où Nostradamus fait explicitement référence à la Deuxième République.
Sans doute la considéra-t-il comme n’étant pas véritablement une république. Elle ne dura que quatre ans et fut dirigée par le neveu de Napoléon Bonaparte.
III : La Troisième République (1870-1940).
A : Le quatrain IX-17
Le quatrain IX-17 traite à la fois de la Première et de la Troisième République, dont il souligne la violence. Ce texte est remarquable par la précision de ses indices de lieu et de temps. Il demeure pourtant méconnu, alors qu’il devrait figurer au panthéon de l’œuvre du prophète provençal.
IX-17 :
Le tiers premier pis que ne fit Neron,
Vuidez vaillant que sang humain respandre :
Rédifier fera le forneron,
Siecle d’or mort, nouueau Roy grand esclandre.
Le terme « tiers » au début du vers peut renvoyer au Tiers État qui prend le pouvoir sous la Première République, mais aussi à la Troisième République.
Nostradamus indique que la Première République fera plus de victimes que la Troisième. Nous avons vu pourquoi.
Au début de la Troisième République, en 1870, le peuple de Paris se révolta et instaura la « Commune ». Les communards furent massacrés par les républicains.
Un grand incendie ravagea la capitale à ce moment-là, rappelant l’incendie de Rome, d’où l’allusion à Néron.

Néron avait en effet mis le feu à Rome afin d’assister au spectacle depuis son balcon. Il accusa ensuite les chrétiens d’avoir allumé le premier foyer, puis les fit exécuter. Ce fut le temps des martyrs chrétiens.
Nostradamus compare donc la Troisième République à Néron, en raison de l’incendie de Rome et de celui de Paris lors de la Commune. En particulier, le palais des Tuileries fut incendié à cette occasion.
Or, Nostradamus semble désigner précisément le palais des Tuileries dans son quatrain (« le forneron »), du mot latin fornax (fournaise). Ce palais, construit à côté d’un four à tuiles, tirait son nom de cette origine. La Première République y avait installé son Assemblée et le Comité de Salut public. Brûlé en 1871 durant la Commune, il ne fut jamais reconstruit (« Rédifier fera le forneron »).
B : Le quatrain II-88.
Le quatrain II-88 évoque également la Troisième République sous l’expression « tiers » :
II-88 :
Le circuit du grand faict ruineux
Le nom septiesme du cinquiesme sera :
D’un tiers plus grand l’estrange belliqueux.
Monton, Lutece, Aix ne garantira.
La Troisième République (« d’un tiers ») tombera en raison de l’invasion d’un « étranger belliqueux » (« l’estrange belliqueux »). Cet étranger, c’est l’Allemagne qui attaquera la France en mai 1940.
C : Le quatrain III-59.
Enfin, le quatrain III-59 mentionne encore la Troisième République :
III-59 :
Barbare empire par le tiers usurpé
La plus grand part de son sang metra à mort :
Par mort senile par luy le quart frapé,
Pour peur que sang par le sang ne soit mort.
L’Algérie, le Maroc et la Tunisie (« Barbare empire ») seront colonisés (« usurpé ») sous la Troisième République (« par le tiers »).

La conquête de l’Algérie commença à la fin du règne de Charles X, puis se poursuivit sous celui de Louis-Philippe. Nostradamus en parle dans son Épître à Henri Second.
Elle continua ensuite sous le Second Empire et la Troisième République.
En revanche, la Tunisie fut colonisée en 1881 par le traité du Bardo, signé le 12 mai 1881 avec le bey de Tunis.
Quant au Maroc, il fut colonisé en 1912.
IV : La Quatrième République (1946-1958).
Le quatrain III-59 évoque également la Quatrième République :
III-59 :
Barbare empire par le tiers usurpé
La plus grand part de son sang metra à mort :
Par mort senile par luy le quart frapé,
Pour peur que sang par le sang ne soit mort.
Le texte est admirable, car il relate dans le détail la succession des régimes politiques en France à la fin du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle.
Il commence par évoquer la Troisième République, qu’il appelle « le tiers », puis le quatrain passe au régime politique suivant, la Quatrième République (« le quart »). Celle-ci sera proclamée après qu’un régime dirigé par un vieillard (« senile ») aura été renversé (« Par mort »).
Le « sénile », c’est le maréchal Pétain. Le terme « sénile » signifie ici, comme dans le quatrain I-78, « chef vieillard (…) sens hébété ».

La guerre d’Algérie provoqua ensuite la chute de la Quatrième République (« le quart frapé »). Le nombre important de victimes françaises (« Pour peur que sang par le sang ») entraîna le renversement de la Quatrième République et son remplacement, en 1958, par un autre régime (« ne soit mort »).
L’indépendance de l’Algérie fut finalement accordée par crainte d’une guerre civile sanglante en métropole (« Pour peur »).
V : La Cinquième République (1958-…)
Le mot « cinquiesme » n’apparaît que deux fois dans les textes prophétiques de Nostradamus.
Le premier renvoie au début de cette République (X-27, A), le second à sa chute (II-88, B).
A : Le quatrain X-27.
X-27 :
Par le cinquieme et un grand Hercules
Viendront le temple ouvrir de main bellique,
Un Clement, Iule et Ascans recules,
L’espee, clef, aigle, n’eurent onc si grand picque.
Le texte concerne clairement la Cinquième République (« Par le cinquieme »).
1. « Un grand Hercules » : le Général de Gaulle.
Il est ensuite dit qu’un « grand Hercules » viendra sous cette République : il s’agit du général de Gaulle.

En effet, le général apparaît souvent dans l’œuvre de Nostradamus sous des appellations équivalentes.

Par exemple, dans l’Épître à Henri :
« Puis passera le mont Louis, le Gallique Ogmium, accompagné de si grand nombre que de bien loin l’Empire de sa grande loi sera présenté… » (Épître à Henri, 96).
La France fut libérée par le général de Gaulle (« le Gallique Ogmium ») avec le soutien des armées américano-britanniques (« accompagné de si grand nombre »). Les troupes françaises comprenaient également des soldats issus de l’Empire colonial (« que de bien loin l’Empire de sa grande loi »).
L’expression « Gallique Ogmium » est révélatrice :
- « Gallique » renvoie au patronyme de Gaulle ;
- « Ogmium » est l’équivalent celtique d’Hercule (Héraclès).
De Gaulle arrive à la fin de la Quatrième République, après l’échec de la guerre d’Algérie, et fonde une nouvelle République, la Cinquième.

Le « grand Hercule » surgit donc « de main bellique » (au milieu de la guerre) pour sauver la France.
2. « Ouvrira un le temple » : le temple de Janus.
Le texte précise qu’il « ouvrira le temple » : il s’agit du temple de Janus, que l’on ouvrait à Rome en temps de guerre et que l’on refermait lors du retour de la paix.

En 1954, la porte du temple de Janus était ouverte à cause de la guerre d’Algérie. De Gaulle est appelé comme sauveur en mai 1958. Sa mission fut de refermer ces portes : ce fut le cas avec les accords d’Évian de 1962.

3. « un clément » : François Hollande.
Après cet Hercule fondateur, le texte évoque un « Clément », c’est-à-dire un dirigeant faible, incapable de décisions fermes. C’est François Hollande.

Celui-ci s’était présenté comme le « président normal », mais il fut caricaturé comme « Flamby », « Monsieur Culbuto » ou « Guimauve le conquérant », autant d’images de mollesse et d’indécision.



L’Apocalypse dit de ceux qui sont « tièdes » que Dieu les vomit : l’image correspond parfaitement.
4. « Jule et Ascans » : le Grand Monarque.
Le vers suivant mentionne « Jule et Ascans ». Ce personnage mythologique (Ascagne, fils d’Énée et petit-fils de Priam) fonde Albe-la-Longue, cité royale d’où descendent Romulus et Rémus, puis la lignée impériale romaine. Jules César et Auguste s’en réclameront. Dans la tradition française, Ascagne symbolise l’origine troyenne des rois de France et, par extension, le futur Grand Monarque.

Or, Nostradamus ajoute « recules ». Dans son français de la Renaissance, « reculer » signifie remettre à plus tard, différer l’échéance. Ascagne (le Grand Monarque) est donc « tenu en réserve » pour un temps ultérieur, quand la crise deviendra extrême.
Pour l’instant, le caractère monarchique de la Cinquième République a suffi à contenir l’appel au Grand Monarque. Mais avec le « Clément » Hollande, puis son successeur Macron, son avènement devient nécessaire, comme le suggère le dernier vers du quatrain.
Le numéro du quatrain (27) indique une échéance : 2027.
De Gaulle lui-même, royaliste dans sa jeunesse, influencé par Maurras, avait conçu une constitution « monarchique » dans son esprit. En 1969, après Mai 68, il songea même à céder le pouvoir au comte de Paris, comme le relatent les mémoires de ce dernier. Pour De Gaulle, la Cinquième République était un « pont » vers une monarchie rénovée.
Ainsi, l’inconscient collectif français reste saturé de figures providentielles militaires et royales : Jeanne d’Arc, Napoléon, Mac-Mahon, Pétain ou De Gaulle. Tous incarnent l’attente du sauveur. Ascagne, figure virgilienne, en est l’ultime aboutissement : le Grand Monarque.
Enfin, le quatrain mentionne l’« épée », la « clef » et l’« aigle ». C’est la théorie des deux glaives, formulée par saint Bernard et reprise par la bulle Unam sanctam (1302) de Boniface VIII :
- le glaive spirituel (la clef) appartient au pape,
- le glaive temporel (l’aigle) appartient à l’empereur ou au roi.
Nostradamus rappelle que le Grand Monarque sera accompagné du Grand Pape : deux figures complémentaires, temporelle et spirituelle.
Le texte conclut en soulignant qu’« on n’aura jamais vu un chef militaire si grand » (« n’eurent onc si grand picque »).
B : Le quatrain II-88.
II-88 :
Le circuit du grand faict ruineux
Le nom septiesme du cinquiesme sera :
D’un tiers plus grand l’estrange belliqueux.
Monton, Lutece, Aix ne garantira.
La Cinquième République est ici désignée par « cinquiesme ».
1. « le nom septiesme » : François Hollande.
Le « septiesme » président de cette République est François Hollande (2012-2017).
Présidents de la Cinquième République :
- Charles de Gaulle (1958-1969)
- Georges Pompidou (1969-1974)
- Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981)
- François Mitterrand (1981-1995)
- Jacques Chirac (1995-2007)
- Nicolas Sarkozy (2007-2012)
- François Hollande (2012-2017)

2. « le circuit du grand faict ruineux » : la fin de la république.
Nostradamus annonce que Hollande ruinera la France (« Le circuit du grand faict ruineux ») et qu’elle subira la guerre de la part d’étrangers belliqueux (« l’estrange belliqueux »).
Le mot « circuit » suggère que cette ruine répète des tragédies déjà vécues (1789, 1870, 1940).
L’« estranger belliqueux » désigne des ennemis intérieurs : les islamistes responsables des attentats de 2015-2016 et, plus largement, les vagues migratoires perçues comme une déstabilisation.
Le quatrain cite trois villes françaises :
- « Monton« (Menton) : proche de la frontière italienne, point d’entrée de nombreux migrants ; sa proximité avec Nice évoque l’attentat du 14 juillet 2016 (86 morts).
- « Lutece« (Paris) : frappée par les attentats de janvier et novembre 2015.
- « Aix« (Aix-les-Bains) : ville liée à l’un des terroristes de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray (2016).
3. « d’un tiers plus grand » : la durée de la Cinquième république.
Enfin, le texte donne une indication capitale : la Cinquième République durera moins longtemps que la Troisième (« D’un tiers plus grand »).
La Troisième République dura soixante-dix ans (1870-1940).
La Cinquième atteindra soixante-dix ans ans le 10 août 2028 (1958-2028).
Elle devrait donc tomber avant cette date, peut-être dès 2027, comme l’indique le quatrain X-27.