La méthode d’analyse de Nostradamus (1) : « La Clef de Nostradamus » de Jean Le Roux (1710).
En 1710 paraissait à Paris un ouvrage qui allait marquer profondément l’histoire de l’exégèse nostradamienne : « La Clef de Nostradamus, Isagoge ou Introduction au véritable sens des Prophéties de ce fameux Auteur », par Jean Le Roux, ancien curé de Louvicamp. Trois siècles plus tard, ce livre demeure l’une des contributions les plus rigoureuses et méthodiques à l’analyse de l’œuvre prophétique, particulièrement précieux pour qui s’intéresse à l’astrologie mondiale et aux cycles historiques.
Jean Le Roux découvrit les prophéties de Nostradamus en septembre 1688, dans un contexte de guerres européennes sous Louis XIV. D’abord sceptique, il devint convaincu de l’authenticité prophétique après avoir constaté l’accomplissement précis de plusieurs prédictions concernant la royauté française.
Son objectif était double : fournir une méthode rigoureuse d’interprétation des prophéties nostradamiennes et critiquer les interprètes précédents qu’il jugeait défaillants, notamment l’auteur anonyme des « Éclaircissements » et Guynaud.
Le Roux établit que toute interprétation de Nostradamus doit reposer sur cinq bases fondamentales, qu’il présente comme « autant de bases ou de fondements, sur lesquels doit toujours rouler toute l’interprétation ». La grammaire (I), les noms de convenance (II), les sens métaphoriques et allégoriques (III), les quatre paradoxes (IV) et enfin le calcul des époques (V).
I. La grammaire.
Le Roux considère la grammaire comme « le fil d’Ariadne, pour entrer dans le Labyrinthe ». Cette base, la plus importante selon lui, se divise en plusieurs composantes : le sens et l’étymologie (A), la syntaxe latine (B) et les figures de style (C).
A. Le sens et l’étymologie.
Le Roux insiste sur la nécessité de comprendre le sens exact de chaque mot individuellement, en critiquant les interprètes qui modifient les textes pour les adapter à leurs théories.
Par exemple lorsque Nostradamus parle des cunicules dans le quatrain II-77 où il utilise le mot « cunicules ».
II-77 :
Par arcs, feux, poix & par feuz repoussés :
Cris, hurlements sur la minuit ouïs.
Dedans sont mis par les ramparts cassés
Par cunicules les traîtres fuis.
« Cunicules » du latin cuniculus signifiait d’abord « lapin » en latin, mais a évolué pour désigner des terriers ou tunnels, en raison de l’habitat souterrain des lapins. Au Moyen Âge, on utilisait l’expression « cunicules » pour désigner, dans le domaine de la guerre, les galeries de siège et, dans celui de l’architecture, les souterrains artificiels.
Cet exemple démontre que Nostradamus pensait en latin tout en écrivant en français.
B. La synthaxe latine.
Le Roux révèle que Nostradamus a structuré ses phrases selon les règles de Franciscus Sylvius, Jacques Dubois (1489-1555), de son vrai nom, professeur à l’Université de Paris en 1528, imitant les constructions latines en français.

Nostradamus « parle souvent Latin, sous ombre de parler Français, non seulement dans l’Étymologie des mots, mais même il a encore souvent parlé Latin en Français, en faisant attention allusion à la phrase Latine, dans l’arrangement ou situation des mots les uns avec les autres, ce que nous appellons Syntaxe ».
Le Roux établit également une règle de ponctuation : dans les anciennes éditions, l’absence ou la présence de virgules indique comment transposer les mots selon la construction latine. Dans les anciennes éditions, quand le premier nom (avant le verbe) sert de nominatif et que le second est le complément, il n’y a jamais de virgule entre les deux.
Par exemple dans le quatrain VIII-59 :
Par deux foix hault, par deux foix mis a bas,
L’orient aussi l’occident faiblira :
Son adversaire apres plusieurs combats,
Par mer chasse au besoin faillira.
Le deuxième vers dit :
« L’orient aussi l’occident faiblira »
L’Orient et l’Occident faibliront car il n’y a pas de virgule.
Mais quand il y a une virgule, cela modifie le sens de la phrase.
Par exemple dans le quatrain X-46 :
« Le chef de Londres par regne l’Americh,
L’Isle d’Escosse tempiera par gelee :
Roy Reb auront vn si faux Antechrist,
Que les mettra trestous dans la meslee. »
Les deux premiers vers disent :
« Le Chef de Londre, par regne l’Americh,
L’Isle d’Ecosse tempiera par gelée »
La virgule après « Londre » indique que « Le Chef de Londre » doit être transféré après « tempiera » comme complément, et que « L’Isle d’Ecosse » est le véritable sujet : c’est l’Écosse qui tempérera le Chef de Londres.
C. Les figures de style (la prosodie).
Le Roux démontre que Nostradamus utilise des figures de style sophistiquées empruntées aux poètes latins et grecs : ellipse (1), hyperbate (2) et hellénismes (3) empruntés aux poètes latins.
1. Elipse.
Une ellipse est une figure de style consistant à omettre volontairement des mots que la phrase exigerait normalement pour être complète, sans modifier le sens ni la cohérence. Le terme vient du grec élleipsis (« manque »).
Par exemple, le quatrain VIII-59, le premier vers comporte une ellipse :
« Par deux foix hault, par deux foix mis a bas, »
Il y a une ellipse du sujet et de l’auxiliaire. « (Il/Le pouvoir sera) par deux fois élevé, (il sera) par deux fois abaissé ».
Nostradamus supprime le sujet et le verbe « être » (auxiliaire). Il ne reste qu’un participe passé (« mis à bas ») employé absolument. Le contexte (la série d’actions subies par le même référent) permet de reconstituer sans ambiguïté la forme pleine.
Il recherche la densité, la cadence et l’ambiguïté contrôlée (qui/quoi « est mis à bas » peut désigner un royaume, un prince, un parti, etc.). C’est typique de sa brachylogie, c’est-à-dire de dire plus avec moins.
Dans le dernier vers :
« Par mer chasse au besoin faillira. »
Ici, il y a ellipse de l’auxiliaire et du sujet. En effet, « (Son adversaire) sera chassé par mer ; au besoin, il faillira« .
L’édition conserve « chasse » (graphie ancienne) pour « chassé », sans « sera ». L’auxiliaire est sous-entendu, le sujet récupéré par anaphore depuis « Son adversaire » au vers précédent.
2. Hyperbate.
L’hyperbate est une inversion de l’ordre naturel des mots dans une phrase, consistant à intervertir des éléments pour créer un effet stylistique. Du grec huperbaton signifiant « aller au-delà ».
Par exemple le quatrain VIII-57 :
« De soldat simple parviendra en empire,
De robbe courte parviendra à la longue :
Vaillant aux armes en Eglise ou plus pyre,
Vexer les prestres comme l’eau fait l’esponge. »
Le premier vers dit :
« De soldat simple parviendra en empire, »
Le complément prépositionnel « De soldat simple » est placé devant le groupe verbal « parviendra en empire« . L’ordre “canonique” serait : « Il parviendra à l’empire, de soldat simple« . Le déplacement met l’accent sur l’origine modeste avant l’ascension.
Le quatrain VIII-60 :
« Premier en Gaule, premier en Romaine,
Par mer et terre aux Angloys et Paris,
Merveilleux faitz par celle grand mesnie,
Violent terax perdra le NORLARIS. »
Le premier vers dit :
« Premier en Gaule, premier en Romaine, »
Le groupe prédicatif (« premier en… ») est détaché en tête de vers, avant le sujet/verbe élidés (« il sera »).
L’ordre attendu serait : « Il sera premier en Gaule, il sera premier en Romaine ». L’hyperbate renforce l’effet d’énumération et martèle la prééminence.
Chez Nostradamus, l’hyperbate va souvent de pair avec l’ellipse (sujet/verbe sous-entendus), d’où cette concision rythmée et énigmatique.
3. Hellénisme.
L’hellénisme est une construction ou tournure empruntée au grec ancien, adaptée au français par imitation de la syntaxe grecque.
Par exemple, le quatrain I-90 :
« Bourdeaux, Poitiers, au son de la campane,
A grande classe ira jusques à l’Angon,
Contre Gauloys sera leur tramontane,
Quand monstres hideux naistra pres de Orgon. »
Au deuxième vers, il y a le jeu de mots « Angon » :
Dans le quatrain majeur donné par Le Roux, le jeu étymologique sur « Angon » :
Dans « A grande classe iront jusqu’à l’Angon », Le Roux révèle un hellénisme sophistiqué :
En grec, le coude se dit Ἀγκών (Ankôn).
Selon les règles phonétiques grecques, le gamma devant kappa se prononce comme un « n », donnant « Angon ».
Le coude représente l’angle formé par le bras, comme l’angle de la côte bordelaise.
La ville de Langon se trouve précisément dans cette région.
Nostradamus crée donc une triple allusion hellénisante :
- À la ville géographique de Langon.
- À l’angle de terre (coude côtier).
- Au mot grec désignant le coude.
II. Les noms de convenance.
Les « noms de convenance » sont des désignations symboliques masquant l’identité des personnes et des lieux.
Le Roux insiste sur un point crucial : il ne suffit pas de trouver à qui ces noms pourraient convenir, mais de déterminer à qui Nostradamus a réellement voulu les appliquer.
Il y a une règle d’or : toutes les circonstances du quatrain doivent correspondre, sinon l’identification est fausse. C’est la règle de la validation.
Une deuxième règle fait que Nostradamus utilise différents noms empruntés pour parler d’une même personne afin de tromper les gens et de ne pas donner trop clairement le destin des gens.
Une troisième et dernière règle, plus rarement, il arrive qu’un seul et même nom de convenance soit utilisé pour deux personnes différentes.
Le Roux établit un processus rigoureux d’identification :
- Identifier le sens littéral du nom de convenance.
- Examiner tous les attributs donnés à ce personnage dans le quatrain.
- Vérifier la correspondance historique de TOUTES les circonstances.
- Rejeter l’identification si une seule circonstance ne correspond pas.
- Ne jamais forcer l’interprétation pour l’adapter à une théorie préconçue.
Le Roux distingue deux types : les noms simples (A) et les noms composés (B). Lors de mes propres recherches sur le sujet, j’ai identifié 126 noms de convenance chez Nostradamus.
A. Les noms simples.
Les noms de convenance simples sont composés d’un seul mot. Lors de mes recherches, j’ai identifié 55 noms de convenance dans l’œuvre de Nostradamus.
En m’inspirant de la notion de convenance simple dont parlait Jean Le Roux, j’ai établi une liste de noms simples que j’ai retrouvés dans l’œuvre de Nostradamus. À ce jour, j’ai identifié 55 noms de convenance dans l’œuvre de Nostradamus, sans recours à l’intelligence artificielle, c’est-à-dire à l’ancienne. Mais désormais, j’intègre depuis trois ans différentes IA dans ma méthode de travail, ce qui va me permettre d’en découvrir un très grand nombre en ayant recours aux nouvelles fonctions intégrées à ChatGPT 5, à Claude Opus et à Perplexity au cours de l’année 2025.
Donnons quelques exemples. L’expression « Tiers » correspond à la Troisième République. Pour Henri IV, Nostradamus utilise les noms de convenance « mendosus » et « Vendosme ». Pour Adolf Hitler, c’est « Hister ».
B. Les noms composés.
Les noms de convenance composés comportent deux voire trois mots. Par mes travaux de recherches, j’ai réussi à identifier 71 noms de convenance composés.
Par exemple, nous avons « le Lyon vieux » pour Henri II ou « Gallique ogmion » pour le général de Gaulle.
III. Les sens métaphoriques et allégoriques.
Le Roux identifie trois catégories d’allusions que Nostradamus utilise pour « déguiser et travestir » les véritables sujets de ses prophéties : allusions à l’histoire (A), allusions à l’Écriture sainte (B) et allusions à la mythologie (C).
A. Allusions à l’histoire.
Selon Jean Le Roux, Nostradamus va utiliser des références codées à l’histoire pour indiquer des événements futurs. L’histoire concerne donc des événements ayant eu lieu avant sa naissance. Cela concerne presque toujours l’histoire de l’Antiquité.
Par exemple la suite des deux quatrains I-8 et I-9 :
I-8 :
Combien de foys prinse cité solaire
Seras, changeant les loys barbares & vaines.
Ton mal s’aproche : Plus seras tributaire
La grand Hadrie reourira tes veines.
Le texte concerne la prise de Paris par les troupes allemandes en mai-juin 1940.
Au quatrième vers il est question du « grand Hadrie » qui rouvrira les veines de Paris, c’est-à-dire qui prendra de nouveau Paris. En effet, ce n’est pas la première fois que la capitale de la France sera prise par une armée étrangère (en 1814, en 1815 et 1870) depuis la Révolution française.
Le « grand Hadrie » c’est Adolf Hitler.
I-9 :
De l’Orient viendra le cueur Punique
Facher Hadrie & les hoirs Romulides,
Acompaigne de la classe Libycque,
Trembler Mellites : & proches isles vuides.
Au deuxième vers, on parle de « fascher Hadrie ».
Ici, encore, « Hadrie » concerne Adolf Hitler.
Outre le fait que cette expression est un nom de convenance simple, il s’agit d’une référence historique à l’Empereur romain Hadrien qui persécuta les Juifs durant son règne.
B. Allusions à l’Ecriture sainte.
Jean Le Roux explique que Nostradamus fait référence à la Bible, Ancien comme Nouveau Testament, pour expliquer les événements du futur.
Le passage 47 de l’Épître à Henri évoque le mot « Babylone ».
« Avec pullulation de la nouvelle Babylone, fille misérable augmentée par l’abomination du premier holocauste, » (Nostradamus, Épître à Henri, 47).
« Babylone », c’est le communisme, car dans la Bible, et plus particulièrement dans l’Apocalypse de Saint-Jean, Babylone est l’incarnation du mal, de l’ennemi du christianisme.
C. Allusions à la mythologie.
Enfin, pour Jean Le Roux, Nostradamus évoque la mythologie gréco-latine pour expliquer les événements du futur.
Par exemple, le quatrain II-95 sur la chute de Rome à la fin des temps.
« Bien prés du Tymbre presse la Lybitine,
Un peu devant grande inondation:
Le chef du nef prins, mis à la sentine,
Chasteau, palais en conflagration »
Le premier vers parle de « La Lybitine ».
Or, « la Lybitine » est une déesse présidant aux funérailles des morts dans la Rome antique, symbolisant ici la grande mortalité sur les bords du Tibre.
IV. Les quatre paradoxes.
Le Roux présente quatre paradoxes révolutionnaires révélant comment Nostradamus a délibérément trompé son public : l’Épître à César (A), l’Épître à Henri (B), les Présages (C) et les Sixains (D).
A. L’Epître à César ne s’adresse pas à son fils.
Dans l’Épître, Nostradamus écrit que son destinataire n’est pas « venu en naturelle lumière dans cette terreine plage » (né sur les côtes de Provence). Or, César Nostradamus est historiquement né à Salon même.
Donc l’Épître ne s’adresse pas à son fils.
L’Épître s’adresse à « son Interprète ». Elle regorge de conseils pour les interprètes.
B. L’Epître à Henri II s’adresse à Louis XIV.
Le Roux affirme que l’Épître dédiée apparemment à Henri II (avec le titre d’« Invictissime » et des promesses de victoire) s’adresse uniquement à Louis XIV. Le Roux considérant Louis XIV comme le Grand Monarque.
Après Jean Le Roux, les interprètes ont considéré que l’Épître à Henri II s’adressait au futur Grand Monarque, qui ne fut pas Louis XIV.
C. Les Présages ne sont pas expirés.
Selon Jean Le Roux, contrairement à la croyance publique, les Présages placés à la fin des Centuries s’accomplissent encore vers 1700-1710. Je ne partage pas ce point de vue.
D. Les Sixains sont authentiques.
Avant Jean Le Roux, on prétendait que les Sixains étaient apocryphes, Le Roux prouve leur authenticité.
V. Les époques et l’astrologie.
La cinquième base de l’interprétation concerne le calcul de différentes périodes dans la prophétie de Nostradamus (A) et l’utilisation de l’astrologie (B). Il est le premier à avoir intégré l’utilisation des configurations célestes dans l’interprétation des textes de Nostradamus.
A. Les époques.
Jean Le Roux explique que Nostradamus a indiqué la date exacte du début de ses prophéties (1) et divise l’histoire en sept millénaires (2).
1. La date de début.
Le Roux établit que Nostradamus a fixé le point de départ de ses prophéties dans l’Épître à Henri II :
« Les événements de ses Prophéties se doivent prendre et compter, à commencer du quatorze de Mars de l’année 1557 ».
Toutes les applications aux événements antérieurs à 1557 sont « assurément très-fausses » selon lui.
2. Les sept millénaires.
Selon Jean Le Roux, Nostradamus divise l’histoire en sept périodes de mille ans, chacune subdivisée en deux parties de 500 ans. Parmi cette division qui va au-delà de la période prophétique de sa prophétie, il distinguerait trois époques astrologiques majeures structurant les prophéties : la première époque (a), la deuxième époque (b) et enfin la troisième époque (c).
L’idée de diviser les prophéties de Nostradamus est une bonne intuition que je reprendrai moi-même plus tard, mais Jean Le Roux s’est trompé sur la manière de diviser les périodes. J’indique toutefois ces divisions à titre documentaire afin de montrer qu’une idée peut être bonne sur le fond, mais amener à une erreur ensuite lorsqu’elle n’est pas totalement comprise. Je reviendrai sur ce point dans deux autres articles plus tard.
a. La Première époque : le « commun avènement » (vers 1688-1700).
C’est une période cruciale appelée « commun avènement ». Elle commence vers 1688-1700 et correspond aux guerres européennes de Louis XIV. C’est la reprise des armes après la Trêve de 1684. Ce sont les coalitions contre la France. Cette période marque le début d’un cycle historique majeur dans les prophéties.
b. La Deuxième époque : les deux premiers « rois d’Aquilon » (environ 584 ans après).
C’est l’arrivée de puissances du Nord (Aquilon signifie Nord) qui persécuteront l’Église.
Le premier Roi du Nord régnera 11 ans « comme un nouveau Néron », suivi d’un second, appelé « le tiers Néron », régnant 3 ans, « encore plus cruellement ».
c. La Troisième époque : le troisième « roi du Nord » et l’Antéchrist (environ 665 ans après le premier).
Ce sont des événements apocalyptiques marquant l’arrivée du troisième Roi du Nord, accompagné de l’Antéchrist. Il y aura les persécutions finales de l’Église.
B. L’astrologie.
Le Roux fournit des horoscopes détaillés démontrant comment Nostradamus utilisait les configurations astrales pour dater et caractériser les événements. Il étudie le thème astrologique de Louis XIV, de Marie-Thérèse d’Autriche et d’Anne d’Autriche afin de comprendre ce qui va arriver dans le futur.
Pour lui, Louis XIV serait le Grand Monarque.
Dans l’Épître à Henri II, Nostradamus prédit : « Car Dieu regardera la longue stérilité de la grand’ Dame, qui puis après concevra deux enfants principaux ».
Le Roux identifie cette « grande Dame » comme Anne d’Autriche, et les « deux enfants principaux » comme Louis XIV et son frère unique Philippe d’Orléans. Le terme « principaux » signifie précisément deux mâles et aucune femelle, ce qui s’est exactement réalisé.
Là encore, il part d’une bonne intuition, mais se trompe ensuite sur la manière de l’appliquer. Louis XIV, aussi grand que fut son règne, ne fut pas le Grand Monarque. Il est encore à venir selon moi. De même, « la grande Dame » n’est pas Anne d’Autriche, mais Marie-Antoinette ; les deux enfants sont Louis XVII et Madame Royale.
Bien que Le Roux ne détaille pas explicitement toutes les configurations planétaires utilisées par Nostradamus, son analyse révèle que l’astrologue-prophète s’appuyait sur :
- Les cycles millénaires et leurs subdivisions en périodes de 500 ans.
- Les configurations natales (horoscopes de naissance) des princes.
- Les transits planétaires marquant les événements majeurs.
- La synchronicité entre cycles célestes et cycles historiques.
Le Roux reconnaît honnêtement que « le calcul de Nostradamus n’est pas toujours juste ni exact ». Il emploie régulièrement la formule prudente « sauf plus ou moins d’erreur de son calcul », reconnaissant une marge d’approximation dans les datations astrologiques.
Le Roux établit des critères rigoureux d’interprétation :
- Toutes les circonstances d’une prophétie doivent s’accomplir, pas seulement certaines.
- La chronologie doit correspondre au calcul de Nostradamus.
- L’interprétation doit respecter les règles grammaticales latines.
- Les noms de convenance doivent être identifiés avec certitude.
- Le contexte historique et astrologique doit être cohérent.
« La Clef de Nostradamus » de Jean Le Roux représente bien plus qu’une simple exégèse : c’est un système méthodologique complet combinant philologie, grammaire latine, analyse stylistique, chronologie historique et calcul astrologique.
Pour les praticiens de la traduction de Nostradamus, cet ouvrage offre plusieurs contributions majeures :
- Une méthodologie rigoureuse évitant les dérives interprétatives.
- L’intégration des cycles astrologiques dans l’analyse prophétique.
- Le concept d’époques historiques structurées par des configurations célestes.
- La démonstration que Nostradamus utilisait l’astrologie pour prédire les destins.
- La reconnaissance de marges d’erreur dans les datations astrologiques.
Trois siècles après sa publication, « La Clef de Nostradamus » demeure un modèle de rigueur méthodologique, rappelant que l’interprétation des prophéties, comme celle des configurations astrales, exige érudition, prudence et respect des sources.
Pour aller plus loin, je joins à cet article, et dans la partie livres sur Nostradamus de mon site, l’ouvrage complet de Jean Le Roux, disponible en numérisation. Il constitue une lecture indispensable pour quiconque souhaite approfondir l’étude de Nostradamus dans une perspective d’astrologie mondiale rigoureuse.
Au prochain article, nous verrons Anatole Le Pelletier.