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I-43 : Le retour des cendres de Napoléon en France (1840).

Avant qu’avienne le changement d’empire,
Il aviendra un cas bien merveilleux,
Le champ mué, le pillier de porphyre
Mis, translaté sus le rochier noilleux.

Avant (« Avant ») que l’Empire (« d’empire ») ne reviennent au pouvoir (« qu’avienne le changement »), avec Napoléon III, aura lieu un événement extraordinaire (« Il aviendra un cas bien merveilleux »).

Le corps de Napoléon Ier qui reposait dans un champ sur l’île de Saint-Hélène (« Le champ ») sera transféré (« mué (…) Mis, translaté ») en France sous des colonnes de porphyres (« le pillier de porphyre ») des Invalides (« sus le rochier noilleux »).

Article Wikipédia “Retour des Cendres” :

La formule consacrée retour des cendres — le terme « cendres » étant pris non au sens propre mais au sens figuré de « restes mortels d’une personne » — désigne le rapatriement en France, en 1840, à l’initiative d’Adolphe Thiers et du roi Louis-Philippe, de la dépouille mortelle de Napoléon Ier et son inhumation aux Invalides.
En mourant, Napoléon avait manifesté le désir d’être inhumé « sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français [qu’il avait] tant aimé » dans un codicille de son testament écrit le 16 avril 1821 à Longwood House.

Pendant ce temps, en France, un ministère nominalement présidé par le maréchal Soult, mais dont Guizot était la véritable tête, avait succédé en octobre 1840 au cabinet Thiers pour tenter de résoudre la crise provoquée, avec le Royaume-Uni, par les affaires d’Orient. Cette nouvelle donne ne manquait pas de susciter, dans la presse, des commentaires hostiles dans la perspective de la cérémonie du retour des cendres :
« Celui qui va recevoir les restes de l’Empereur [Guizot] est un homme de la Restauration, un de ces conspirateurs de salon qui allaient prendre par la main le roi de Gand, derrière les lignes britanniques, pendant que nos vieux soldats se faisaient tuer pour la défense du territoire, dans les plaines de Waterloo. Les ministres qui prendront la tête du cortège nous ont été imposés par l’étranger. Le deuil sera mené par le major général de l’armée française à Waterloo [Soult], ramené au pouvoir par l’appui de lord Palmerston [ministre britannique des Affaires étrangères] et donnant la main au transfuge de Gand. »
Le gouvernement, craignant d’être débordé par son initiative (le futur Napoléon III avait tenté un coup d’État) mais ne pouvant plus y renoncer, décida de brusquer les choses : « Il était pressé d’en finir », commenta Victor Hugo. « Que les préparatifs soient prêts (sic) ou non, la cérémonie funèbre aura lieu le 15 [décembre], quelque temps qu’il fasse ou qu’il arrive », affirma le ministre de l’Intérieur, le comte Duchâtel.
Il fallut réquisitionner tout ce que Paris et les faubourgs comptaient de bras pour achever à la hâte les préparatifs (le retour rapide du tombeau et les problèmes politiques internes avaient entrainé un retard considérable) et dresser, du pont de Neuilly aux Invalides, les échafaudages de carton-pâte qui regarderaient passer le char funèbre, qu’on n’acheva de barbouiller que tard dans la nuit précédant la cérémonie. Afin d’éviter toute contagion révolutionnaire, le gouvernement — qui avait déjà insisté pour que l’Empereur fût enterré aux Invalides, avec les gloires militaires de la France — ordonna que la cérémonie serait strictement militaire, écartant du cortège les corps constitués, à la grande fureur des étudiants de droit et de médecine, qui réclamaient l’honneur de suivre le cercueil de l’Empereur. Le corps diplomatique, réuni à l’ambassade du Royaume-Uni, décida de s’abstenir de paraître à la cérémonie par antipathie pour Napoléon ainsi que pour Louis-Philippe.
Le 30 novembre, la Belle Poule entra dans la rade de Cherbourg, et six jours plus tard les restes furent transférés sur le bateau à vapeur la Normandie. Après avoir gagné Le Havre, le cercueil fut placé au Val-de-la-Haye, près de Rouen, sur le bateau la Dorade pour remonter la Seine, sur les berges de laquelle la population rendit hommage à l’Empereur. Le 14 décembre, la Dorade vint s’amarrer au quai de Courbevoie à l’endroit duquel se trouve aujourd’hui une stèle commémorative qui marque l’emplacement où elles ont reposé avant leur transfert aux Invalides.
La duchesse de Dino, nièce de Talleyrand, rapporte ainsi la journée qui précède l’arrivée aux Invalides :
« On sait qu’on a le projet de se porter à l’Ambassade d’Angleterre et de démolir la maison ; aussi a-t-on enfermé de la troupe dans l’hôtel et lady Granville a-t-elle déménagé. On estime qu’il y a 800 000 personnes en mouvement. Mes enfants ont été au Pecq, et ont trouvé tout fort convenable : grand silence à l’arrivée du bateau, tous les chapeaux bas ; le général Bertrand à droite du cercueil, le général Gourgaud à gauche, M. de Chabot devant ; le prince de Joinville allant et venant pour donner des ordres, ayant fait ôter tous les ornements qui n’étaient pas religieux ; des prêtres, beaucoup de cierges, mais rien de mondain ni de mythologique (…) Les journaux indiquent une grande fermentation (…) j’ai écrit pour qu’on fit voir ce spectacle à mon petit-fils ; quelque mal conçue, incohérente, contradictoire et ridicule, par les circonstances, que soit cette cérémonie, l’arrivée de ce cercueil sera une chose très imposante et dont il sera curieux, un jour, d’avoir été témoin (…) sans pouvoir faire tous les rapprochements étranges qu’il inspire : l’oubli complet de l’oppression, de la malédiction générale dont l’Europe retentissait il y a vingt-six ans ; et, aujourd’hui, ce souvenir unique de ses victoires, rendant sa mémoire si populaire. Paris se disant avide de liberté, la France humiliée devant l’étranger, célébrant à l’envi celui qui a le plus enchaîné cette liberté, et qui a été le plus terrible des conquérants. (…) avec cette haie de rois et de grands hommes. On aurait dû au moins, n’y point placer le Grand Condé ! Condé offrant une couronne à l’assassin de son petit-fils ! Ce qui me paraît être beau, c’est le char. J’aime l’idée de Napoléon rapporté en France sur un bouclier … »

L’inhumation.

Le char funèbre de Napoléon passe sous l’arc de triomphe de l’Étoile, École française du XIXe siècle, château de Versailles.

Le char funèbre de Napoléon descend les Champs-Élysées, Louis-Julien Jacottet d’après un dessin de Louis Marchand.

Le char funèbre de Napoléon traverse la place de la Concorde, Jacques Guiaud, château de Versailles.
L’inhumation avait été fixée au 15 décembre. Victor Hugo évoque cette journée dans Les Rayons et les Ombres :
Ciel glacé ! soleil pur ! Oh ! brille dans l’histoire !
Du funèbre triomphe, impérial flambeau !
Que le peuple à jamais te garde en sa mémoire
Jour beau comme la gloire,
Froid comme le tombeau28.
Malgré un froid soutenu de -10 degrés, la foule des spectateurs depuis le pont de Neuilly jusqu’aux Invalides était prodigieuse. Il y avait des maisons dont les toits en étaient couverts. Le respect et la curiosité l’emportaient sur l’énervement et le froid pénétrant achevait de glacer les velléités d’agitation de la foule. Sous le pâle soleil qui avait succédé à la neige, les statues de plâtre et les ornements de carton doré produisaient un effet ambigu : « le mesquin habillant le grandiose » :
« Tout à coup, le canon éclate à la fois à trois points différents de l’horizon. Ce triple bruit simultané enferme l’oreille dans une sorte de triangle formidable et superbe.
Des tambours éloignés battent aux champs. Le char de l’empereur apparaît.
Le soleil voilé jusqu’à ce moment, reparaît en même temps. L’effet est prodigieux.
On voit au loin, dans la vapeur et dans le soleil, sur le fond gris et roux des arbres des Champs-Élysées, à travers de grandes statues blanches qui ressemblent à des fantômes, se mouvoir lentement une espèce de montagne d’or. On n’en distingue encore rien qu’une sorte de scintillement lumineux qui fait étinceler sur toute la surface du char tantôt des étoiles, tantôt des éclairs. Une immense rumeur enveloppe cette apparition.
On dirait que ce char traîne après lui l’acclamation de toute la ville comme une torche traîne sa fumée. […]
Le cortège se remet en marche. Le char avance lentement. On commence à en distinguer la forme. […]
L’ensemble a de la grandeur. C’est une énorme masse, dorée entièrement, dont les étages vont pyramidant au-dessus des quatre grosses roues dorées qui la portent. […] Le vrai cercueil est invisible. On l’a déposé dans la cave du soubassement, ce qui diminue l’émotion. C’est là le grave défaut de ce char. Il cache ce qu’on voudrait voir, ce que la France a réclamé, ce que le peuple attend, ce que tous les yeux cherchent, le cercueil de Napoléon. »
« Ce que j’ai trouvé de vraiment admirable, c’est le char. Rien de plus magnifique et de plus imposant; les étendards de chaque département portés par les sous-officiers faisaient très bien ; les trompettes qui poussaient à l’unisson un chant simple et funèbre m’ont saisi. J’ai aimé aussi les cinq cents marins de La Belle Poule, qui, par leur tenue austère, contrastaient avec la splendeur du reste. Mais ce qui était ridicule, c’était les vieux costumes de l’Empire […] La marche du char n’était pas assez promptement suivie par la foule, de sorte que le peuple se précipitait de façon trop bruyante […] On a aussi vu quelques drapeaux rouges et entendu quelques chants de La Marseillaise, mais cela a été réprimé et étouffé. »
– récit d’un témoin oculaire cité par la duchesse de Dino le 19 décembre 1840 (op. cit., p. 437), qui ajoute : « La duchesse d’Albuféra a vu passer le cortège de chez madame de Flahaut, qui avait invité les vieux restes féminins de l’Empire […] Les quatre-vingt mille hommes de troupe donnaient, dit-elle, l’aspect d’une revue plutôt que d’un enterrement (elle) regrette, avec raison, l’attitude du peuple, qui n’était ni religieuse, ni recueillie, ni touchante ».
Le cortège arriva aux Invalides vers une heure et demie ; à deux heures il atteignit la grille d’honneur ; le roi et tous les grands corps de l’État attendaient dans l’église du Dôme. Le prince de Joinville devait prononcer un petit discours, mais on avait oublié de l’en prévenir : il se contenta de saluer du sabre, et le roi de marmonner quelques paroles inintelligibles. Le Moniteur arrangea tant bien que mal la scène :
« • Sire, a dit le prince de Joinville, en baissant son épée jusqu’à terre, je vous présente le corps de l’empereur Napoléon.
• Je le reçois au nom de la France, a répondu le roi d’une voix forte. »

Le général Atthalin s’avança, portant sur un coussin l’épée d’Austerlitz et de Marengo, qu’il présenta à Louis-Philippe ; le roi eut un curieux mouvement de recul, et se tourna vers Bertrand :
« Général, je vous charge de placer la glorieuse épée de l’Empereur sur son cercueil. »
Bertrand, trop ému, ne put remplir cet ultime devoir ; Gourgaud se précipita et se saisit de l’arme. Le roi se tourna alors vers lui :
« Général Gourgaud, placez sur le cercueil le chapeau de l’Empereur. »
La cérémonie funèbre, au cours de laquelle les meilleurs chanteurs de l’Opéra, sous la direction de Habeneck, donnèrent le Requiem de Mozart, fut plus mondaine que recueillie. Les députés, notamment, se tinrent fort mal : « Des écoliers de septième seraient fessés s’ils avaient dans un lieu solennel la tenue, la mise et les manières de ces messieurs. […] Ainsi trois accueils différents ont été faits à l’empereur. Il a été reçu par le peuple aux Champs-Élysées, pieusement ; par les bourgeois sur les estrades de l’Esplanade [des Invalides], froidement ; par les députés sous le dôme des Invalides, insolemment. ». L’attitude du vieux maréchal Moncey, gouverneur des Invalides, racheta l’impertinence de la cour et de la chambre. Depuis quinze jours, il était à l’agonie, pressant son médecin de le faire vivre jusqu’à la cérémonie fatale. Le service religieux terminé, il se fit porter jusqu’au catafalque, prit l’aspersoir, jeta l’eau bénite et lança le mot de la fin :
« Et maintenant, rentrons mourir. »
Du 16 jusqu’au 24 décembre, l’église des Invalides éclairée comme le jour de la cérémonie, resta ouverte au public. Dans le peuple, qui, longtemps, n’avait pas cru à la mort de l’Empereur, courait le bruit que son tombeau n’était qu’un cénotaphe. On disait qu’à Sainte-Hélène, la commission n’avait trouvé qu’un cercueil vide. On affirmait que les Britanniques avaient secrètement rapatrié le corps à Londres pour en faire l’autopsie. Plus tard, on affirmera qu’en 1870, la dépouille mortelle de l’Empereur avait été enlevée des Invalides pour la soustraire aux armées étrangères, et n’y fut jamais replacée35. Dans son bon sens, le peuple ne s’était pas trompé ; on lui avait voilé Napoléon, il se sentait volé, il aurait un jour sa revanche :
« Toute cette cérémonie, analysa Victor Hugo, a eu un singulier caractère d’escamotage. Le gouvernement semblait avoir peur du fantôme qu’il évoquait. On avait l’air tout à la fois de montrer et de cacher Napoléon. On a laissé dans l’ombre tout ce qui eût été trop grand ou trop touchant. On a dérobé le réel et le grandiose sous des enveloppes plus ou moins splendides, on a escamoté le cortège impérial dans le cortège militaire, on a escamoté l’armée dans la garde nationale, on a escamoté les chambres dans les Invalides, on a escamoté le cercueil dans le cénotaphe. Il fallait au contraire prendre Napoléon franchement, s’en faire honneur, le traiter royalement et populairement en empereur, et alors on eût trouvé de la force là où l’on a failli chanceler. »

L’échec politique du retour des Cendres.

Le retour du corps de Napoléon en France avait deux objectifs : améliorer l’image de la monarchie de Juillet et assurer une certaine gloire aux organisateurs, Thiers et Louis-Philippe.
Le ministre a perçu le début de l’engouement français pour ce qui va devenir le mythe napoléonien. Il pensait que ramener Napoléon en France scellerait les accords entre la France et la Grande-Bretagne alors que les affaires d’Égypte commençaient à agacer l’Europe. Quant à Louis-Philippe, il souhaitait légitimer un peu plus une monarchie bancale et indifférente aux Français. Finalement, ce fut un échec.
La grande majorité des Français, enthousiasmée et émue par le retour de celui qui était devenu un martyr, s’est sentie trahie de ne pouvoir lui rendre l’hommage qu’elle voulait. En effet, le gouvernement s’est mis à craindre des émeutes et a voulu autant que possible éviter les rassemblements. Ainsi le cortège a été fluvial et s’est peu attardé dans les villes. À Paris, seules les personnes importantes ont assisté à la cérémonie. De plus, le peu de respect qu’ont témoigné la plupart des hommes politiques a choqué l’opinion et a révélé une vraie rupture, un réel fossé entre le peuple et son gouvernement.
De même, le retour des Cendres n’a pas empêché la France de perdre une guerre diplomatique. Elle a été obligée de lâcher son allié égyptien. Thiers s’est aveuglé et s’est ridiculisé. Le roi l’a obligé à démissionner bien avant l’arrivée de La Belle Poule en France à cause de sa politique agressive. Il n’a pas pu profiter de sa victoire.
Au lieu de faire resplendir la monarchie de Juillet, l’enterrement de Napoléon a été le signe de son déclin.

Le monument.

D’après une décision prise par le gouvernement, les restes de Napoléon reposent dans un magnifique monument qui s’élève au milieu du dôme des Invalides. Conçu par l’architecte Louis Visconti, ce tombeau ne fut achevé qu’en 1861.
Dans une excavation circulaire creusée sous le dôme, sorte de crypte ouverte, est placé « un grand sarcophage (…) de porphyre rouge — en fait du quartzite aventuriné de Finlande, proche du porphyre — posé sur un socle de granit vert des Vosges ».
Selon un autre auteur, le socle en marbre noir proviendrait de la carrière de marbre de Sainte-Luce (Isère) ; le transport de ce bloc de 5,5 mètres de long, 1,20 mètre de large et 0,65 mètre d’épaisseur, ne se fit pas sans peine.
L’aristocrate et minéralogiste breton Paul-Émile de La Fruglaye (petit-fils du célèbre Caradeuc de La Chaotais) « découvrit en Bretagne une très belle pierre proche du marbre, d’une coloration vert foncé, qu’il proposa pour le tombeau de Napoléon, mais un porphyre importé de Russie fut préféré. (Il) garda sa pierre pour lui et y fit tailler son propre tombeau, toujours visible dans la chapelle du château de Keranroux » (Claude Frégnac, Merveilles des châteaux de Bretagne et de Vendée, Hachette-Réalités, 1970, p. 32.).
La translation de la dépouille depuis la chapelle Saint-Jérôme, où il reposait depuis 1840, ne donna lieu qu’à une cérémonie intime, à laquelle assistèrent, le 2 avril 1861, l’empereur Napoléon III, l’impératrice Eugénie, le Prince impérial et les Princes de la famille, le Gouvernement et les Grands officiers de la Couronne.

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